Gonet: l'actualité des marchés au 27 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +0,41%, S&P 500 +0,56%, Nasdaq +0,31%, Russell 2000 +0,85%, SOX -1,67%, Eurostoxx -1,82%, SMI -0,79%.

À ma gauche la Fed et ses prévisions de taux terminal à 5,125%, à ma droite les Fed Funds et leurs attentes de taux terminal de la Fed à 3,92%. Au milieu, non pas une rivière tranquille mais le secteur financier, tigre de papier qui prend un nouvel uppercut en pleine figure vendredi (courtesy of Deutsche Bank, j’y reviens). Et dans ce contexte kafkaïen, un marché américain des actions résilient comme jamais. L’indice S&P500 (SPX) progresse de 3,42% depuis le premier janvier, son petit frère le Nasdaq100 (NDX) gagne 12,97% sur la période. Qui donc aurait signé pour de telles performances, sachant qu’une crise de confiance dans le secteur bancaire mondial allait s’inviter à la fête de l’inflation et du questionnement quant à la croissance?

Vendredi débute mal pour le joyeux royaume des actions, qui doit faire avec Deutsche Bank et sa communication désastreuse. La banque allemande annonce rembourser un emprunt sans que le marché ne comprenne vraiment pourquoi. Et son CDS (Credit Default Swap, une assurance contre le défaut d’une société) de décoller et passer à 203 points de base contre 145 bps jeudi. Le sentiment envers le prêteur allemand s’était inversé depuis le milieu de la semaine, l’annonce de ce remboursement fait l’effet de la goutte de trop et illustre combien les investisseurs restent extrêmement nerveux au sujet du secteur bancaire. Ce retour rapide de la peur fait valser le marché obligataire comme rarement, le rendement du 2 ans US chute à 3,55%, tandis que le 10 ans vient tester 3,28%. Le dollar retrouve quelques couleurs, il avait bien souffert plus tôt dans la semaine et l’or reste demandé, le métal jaune est de retour près des 2'000 dollars par once. On se dit du coup que la séance de Wall Street va mal se passer, mais c’est sans compter sur cette résilience ô combien étonnante dans le contexte qui nous occupe. La journée débute effectivement dans le rouge pour la plupart des indices, mais les acheteurs font assez rapidement surface et soutiennent la cote en cherchant les valeurs défensives, le podium du jour du SPX se compose des utilities, de l’immobilier et des biens de consommation de base.

Le SPX défend aisément sa moyenne mobile à 200 jours (clôture à 3970 points contre la 200 dma à 3932 pts). Le NDX conforte sa configuration technique, sa 200 jours semble loin dans le rétroviseur, il est plutôt en mode chasseur et voit désormais le niveau de 13'000 points dans son viseur, sachant qu’une golden cross (la 50 jours croisant la 200 jours à la hausse, un signal technique haussier) s’est récemment produite sur l’indice. La volatilité recule, le VIX perd 3,9% à 21,74. Les volumes d’échanges font également un pas en arrière. Notons au passage que la journée se passe nettement moins bien pour les indices européens, qui n’apprécient guère de devoir faire avec un nouveau problème bancaire. La volatilité de l’indice Eurostoxx 50 décolle de 15%, côté secteurs, personne n’est surpris de voir les financières mener la baisse, le secteur abandonnant 3% à lui seul. Le chancelier allemand Olfaf Scholz et Christine Lagarde tentent de calmer les esprits avec des déclarations rassurantes, sans grand succès apparemment.

Le sentiment du marché reste mauvais. Comment l’en blâmer. Dans ce contexte, gardons en tête que la saison des résultats de sociétés au premier trimestre débute bientôt, elle jouera probablement un rôle d’arbitre comme bien souvent. Les fonds investis dans le marché monétaire enregistrent des entrées de 142,9 milliards de dollars la semaine se terminant le 22 mars, on avait plus vu un tel afflux depuis mars 2020 et cela nous dit simplement que le marché reste nerveux.

Cependant, ce matin une faible lueur se met à briller au bout du tunnel, allumée par Neek Kashkari, qui déclare que les récentes turbulences bancaires ont accru le risque d'une récession aux États-Unis. Interrogé par CBS sur la possibilité que les tensions fassent basculer l'économie dans la contraction, le directeur de la Fed de Minneapolis répond: «Cela nous en rapproche». Les autorités attendent encore de voir si les répercussions de la crise bancaire entraînent un resserrement généralisé du crédit. Par conséquent, «il est trop tôt pour faire des prévisions concernant la prochaine réunion sur les taux d'intérêt», ajoute-t-il. Rappelez-vous le discours de Jerome Powell de la semaine passée, il était du même tonneau, plus colombe que faucon, c’est très important pour le marché, qui focalise avant toute chose sur la politique monétaire de la Fed.

À ce propos, les investisseurs obligataires ont peut-être une longueur d'avance sur M. Kashkari, car ils parient déjà sur une récession aux États-Unis. La courbe des taux se dirige vers sa plus forte inclinaison mensuelle depuis octobre 2008, après que les opérateurs ont cessé de parier sur de nouvelles hausses de taux cette année et ont augmenté leurs paris sur des baisses. Bloomberg Economics estime à 75% la probabilité d'une récession au troisième trimestre. Les Fed Funds prévoient presque 100% de probabilités d’une baisse de 25 points de base lors de la réunion du 26 juillet. On le sait, pour le marché des actions, bad news est bien souvent good news, au-delà de l’avènement d’une récession ou pas (les résultats de sociétés nous en diront beaucoup plus à ce sujet), c’est la direction que prendront les taux de la Fed qui intéresse vraiment le marché.

Les statistiques macro-économiques de vendredi font autant d’effet au marché que les manifestations du peuple français à l’ego de son président. Notons-les tout de même, le marché s’en souviendra lorsque la poussière bancaire retombera. Les indices des directeurs d’achats (PMIs) montrent que les services restent dynamiques dans les grandes économies, tandis que l’industrie souffre. En parallèle, les commandes de biens durables américaines sont médiocres au mois de février.

Benjamin Netanyahu limoge son ministre de la défense hier, un jour après que Yoav Gallant ait appelé à un gel de la réforme prévue du système judiciaire israélien. Ce limogeage déclenche une nouvelle vague de protestations. Deux membres importants du Likoud, le parti de Netanyahou, déclarent que même si une pause serait préférable, ils prévoient de soutenir le dernier projet de loi lorsqu'il sera soumis à un vote qui devrait avoir lieu cette semaine.

La Russie stationnera des armes nucléaires tactiques en Biélorussie et Vladimir Poutine déclare que les installations de stockage seraient achevées d'ici juillet, sans préciser la date à laquelle les armes seraient livrées. Les États-Unis ne modifieront pas le positionnement de leurs propres bombes et l'Institute for the Study of War déclare que les risques d'escalade atomique sont faibles. L'Ukraine demande une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies.

Au menu macro-économique du jour, l'indice Ifo de confiance des milieux d'affaires allemands en mars est programmé à 10h00.

S&P relève la perspective de la note crédit «BB+» d'Elis de «stable» à «positive». Orpea annonce l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée. UniCredit compte rembourser des obligations AT1 à la première occasion. First Citizens va racheter Silicon Valley Bank auprès de SVB Financial. La Finma pourrait prendre des mesures disciplinaires contre Crédit Suisse. Selon la presse américaine, Adidas devrait mettre un terme à son partenariat avec Beyoncé. Apple et la Chine entretiennent une relation «symbiotique», dit Tim Cook. Sinopec (China Petroleum & Chemical) perd du terrain à Hong Kong après avoir publié des résultats décevants.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse hormis Tokyo qui progresse de 0,33% à la cloche. Hong Kong perd 1,09%, Shanghai recule de 0,44% et Séoul abandonne 0,24%. Le future SPX avance de 22 points et l’Europe ouvre en progression de 1,2%. La paire eur/usd traite à 1,0773, l’or à 1969 dollars l’once et le pétrole teste 70 dollars par baril de WTI Light Crude. Le rendement du 2 ans US remonte à 3,88%, les propose de Neel Kashkari semblent faire un peu de bien à la psyché collective.

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