Le greenwashing est pénalisé par les marchés à long terme

Antoine Mach, Covalence SA

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Sur des périodes courtes, en revanche, les sociétés à risque d’écoblanchiment font mieux que les autres.

Les entreprises à risque élevé de greenwashing obtiennent-elles des résultats boursiers supérieurs ou inférieurs à celles dont le risque est jugé faible? C’est à cette question que tente de répondre cet article, en se focalisant sur les enjeux environnementaux (le E de ESG).

L’agence de notation Covalence a récemment développé un indicateur de risque d’écoblanchiment qui vise à mesurer les écarts entre les promesses et les pratiques des entreprises sur les questions de durabilité. Cet indicateur est obtenu en comparant un score de sentiment basé sur des données médiatiques prospectives (reflet des engagements pour l’avenir, par exemple en matière de réduction des émissions de CO2), et un score de sentiment basé sur des données rétrospectives (reflet des actions passées).

En partant d’un univers de 2’500 sociétés cotées au plan international, deux groupes ont été constitués: les sociétés à faible risque de greenwashing, et les sociétés affichant un risque moyen ou élevé. Chaque groupe représente un portefeuille fictif équipondéré. La performance moyenne des deux portefeuilles a été calculée sur plusieurs périodes: 10, 5, 3 et 1 an, sans rebalancement (buy and hold).

Sur 10 ans (mai 2012 – avril 2022), les sociétés à faible risque d’écoblanchiment affichent une performance supérieure de 12% (140% vs 128% pour le groupe des entreprises à risque moyen ou élevé). Cette surperformance s’observe principalement dans les secteurs suivants: utilities (avec par exemple Acciona et American Water Works); matériaux (UPM-Kymmene, Givaudan); technologie de l’information (Advanced Micro Devices, STMicroelectronics) ; et énergie (Neste, Lundin Energy). Géographiquement, les sociétés contribuant à cette surperformance sont basées dans des pays comme l’Allemagne (Encavis, Merck KGaA), la Grande Bretagne (London Stock Exchange Group, Intercontinental Hotels Group), le Japon (Sony, Yamaha), les Etats-Unis (Netflix, T-Mobile US) et le Canada (Canadian Solar, Thomson Reuters).

En revanche, sur 5 ans, les entreprises à risque moyen ou élevé de greenwashing font mieux que les autres (39% vs 29%). Idem sur 3 ans (35% vs 25%). Au cours des 3 années passées, pour favoriser les entreprises fiables et crédibles en termes de durabilité tout en soignant la performance de ses investissements, il valait la peine de considérer ces secteurs en priorité: industrie (par exemple FuelCell Energy, BioteQ Environmental Technologies), consommation discrétionnaire (AutoNation, Sony), et utilities (Boralex, Encavis).

Le phénomène est encore plus marqué sur 1 an (mai 2021 – avril 2022). Sur les 12 derniers mois, la surperformance des titres marqués par un risque important de greenwashing (15% vs -3%) s’observe principalement dans ces secteurs: utilities, matériaux, énergie; et dans ces pays: USA, Canada, Grande Bretagne, et Japon.

Par définition, la durabilité s’analyse sur un temps long. Les investissements consentis par les entreprises qui passent de la parole aux actes (walk the talk) représentent, à court terme, des coûts significatifs. Le retour sur investissement intervient après plusieurs années seulement (pensons à la fidélisation des clients, à la motivation des employés et, plus largement, à la gestion des relations avec les parties prenantes).

Les entreprises pratiquant le greenwashing, soit celles qui dépensent davantage en communication qu’en actions concrètes pour la durabilité, font des économies à court terme qui peuvent être valorisées par les marchés. En période d’instabilité géopolitique, ce phénomène est sans doute accentué. Nous vous donnons rendez-vous prochainement pour des analyses similaires sur les dimensions sociale et gouvernance.

 

Lire également l’article du même auteur «Mesurer l’exposition des portefeuilles au risque de greenwashing».

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