Le durcissement de ton sur les taux atteint son maximum

Eoin Walsh, TwentyFour Asset Management

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Les investisseurs devraient surveiller de près la confiance des consommateurs qui semble faiblir.

© Keystone

Depuis la fin de l’année dernière, les responsables des banques centrales – en particulier de la Fed – ont fait tout leur possible pour durcir encore le ton sur les taux d’intérêt. Même les membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont donné de la voix dernièrement. De son côté, la Banque d’Angleterre aime toujours entretenir un certain flou dans sa communication mais il est probable que son comité de politique monétaire décide d’une quatrième hausse de taux consécutive lors de sa réunion cette semaine.

Resserrement des taux

Récemment, le chef de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a quasiment confirmé la perspective d’une hausse de 50 pb lors de la prochaine réunion de politique monétaire et souligné la nécessité de relever les taux plus rapidement qu’au cours du dernier cycle. Cette vision semble refléter le scénario de base de la plupart des membres du FOMC, nombre d’entre eux ajoutant que plusieurs relèvements de 50 pb pourraient être garantis. Comme toujours, le président de la Fed de St-Louis James Bullard se montre le plus offensif, estimant que les taux US atteindront rapidement leur point neutre  (~2,50%) tout en affirmant qu’un objectif de 3,5% pour la fin de l’année devrait être envisagé. Dans ce contexte, combien de hausses de taux le marché peut-il encore intégrer?

Ce nouveau durcissement de ton des banques centrales se reflète sans aucun doute sur les marchés: le modèle de probabilité des taux d'intérêt mondiaux de Bloomberg prévoit des niveaux de respectivement 0,84%, 1,40% et 1,89% pour les taux des Fed Funds lors des réunions de mai, juin et juillet, ainsi qu’un taux d’intérêt implicite de 2,7% à la fin de l’année. En conséquence, le bon du Trésor à 10 ans a récemment atteint un niveau intrajournalier de 2,97% avant de battre en retraite suite aux inquiétudes sur la croissance mondiale et le confinement chinois.

Malgré la santé relativement solide du consommateur américain, les difficultés économiques peuvent impacter ses dépenses très rapidement.
Les consommateurs sous pression

Bien que les craintes inflationnistes alimentent cette rhétorique, il ne faut toutefois pas oublier que les consommateurs américains sont le moteur de l’économie US puisqu’ils comptent pour environ 70% du PIB (contre ~54% dans la zone euro). Les consommateurs sont déjà fortement secoués par une inflation galopante, la crise mondiale de l’énergie et la compression des revenus; pourront-ils supporter des hausses de taux de plus de 200 pb cette année? En parallèle, le taux hypothécaire US à 30 ans s’établit actuellement à 5,4%, soit son plus haut niveau depuis 2008, ce qui reflète les prévisions de resserrement monétaire. Ces coûts d’emprunt viennent s’ajouter au coût croissant de la vie pour les nouveaux emprunteurs.  

Les indices de confiance des consommateurs devraient donc être suivis de très près par les investisseurs car ils signalent une baisse d’optimisme. A la faveur des mesures de soutien généreuses durant la pandémie de Covid-19, le taux d’épargne US reste néanmoins au-dessus des niveaux d’avant la crise financière mondiale. Malgré la santé relativement solide du consommateur américain, les difficultés économiques peuvent impacter ses dépenses très rapidement. Au Royaume-Uni, la confiance des consommateurs chute déjà: le Bureau des statistiques nationales (ONS) vient d’indiquer que 25% des adultes britanniques avaient eu du mal à payer leurs factures habituelles le mois dernier, et que 43% ne pensent pas être en mesure de faire des économies ces douze prochains mois. Pour l’instant, la santé des consommateurs américains nous paraît toujours meilleure que celle des britanniques.

Réduction de l’exposition sous-pondérée aux taux

Si la Fed remonte ses taux avec la rapidité et l’ampleur actuellement prévues, elle aura besoin que les consommateurs restent solides et optimistes. Les banques centrales sont certes décidées à maîtriser l’inflation, mais ne veulent pas le faire au détriment d’une croissance économique positive.  Il est clair que les taux n’auront pas d’impact direct sur les coûts du gaz ou du pétrole et n’amélioreront pas non plus les chaînes d’approvisionnement, autant de facteurs significatifs de l’envolée actuelle des prix.

Selon nous, le durcissement de ton sur les taux d’intérêt commence à atteindre son point culminant. Il s’agit maintenant de se demander si ces économies tirées par la consommation parviendront d’une manière ou d’une autre à atterrir en douceur face à des pressions aussi fortes sur les revenus. Pour l’heure, le thème de l’inflation et les réponses des banques centrales dominent toujours l’appétit du marché pour le risque, mais il faudra bien s’interroger sur la vulnérabilité de ces économies à l’approche de la fin du cycle. Dans ce contexte, et avec une rhétorique restrictive bientôt à son maximum, le moment est peut être venu d’envisager de réduire les positions  reflétant une exposition sous-pondérée aux taux d'intérêt. S’il est possible que les rendements des bons du Trésor n’aient pas atteint leur plus haut, de nombreux éléments sont désormais intégrés dans les cours, y compris une confiance des consommateurs qui ne nous semble pourtant pas aller de soi.

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