La nervosité des investisseurs intégrée dans les cours?

Eoin Walsh, TwentyFour Asset Management

2 minutes de lecture

Les facteurs techniques sont toujours en place malgré la baisse de moral des investisseurs.

© Keystone

Les marchés obligataires ont subi une correction raisonnable ces dernières semaines avec leur première période négative de l’année, au moins pour les indices à haut rendement. Comme lors de l’affaiblissement observé au T1, une vague de ventes sur les marchés des taux a alimenté la volatilité, le tout renforcé par une accélération du variant Delta, une crise énergétique mondiale et la crainte que l’inflation s’avère moins transitoire que prévu en raison des problèmes persistants sur les chaînes d’approvisionnement. La solidité future de la croissance mondiale commence donc à susciter des doutes, ce qui plombe le moral des entreprises et des investisseurs malgré le récent rapport positif du FMI.

Garder l’œil sur les spreads

Bien que la correction ait été relativement modérée dans la plupart des secteurs du crédit jusqu’à présent, il vaut la peine de suivre de près l’évolution des spreads. Selon nous, les investisseurs ont déjà intégré une quantité raisonnable de mauvaises nouvelles.

Les spreads redeviennent plus généreux, notamment en Europe.

A titre d’exemple, l’indice européen à haut rendement figure sans doute parmi ceux qui ont subi les fluctuations les plus marquées, ce qui a inversé une grande partie du resserrement des spreads observé cette année. Actuellement, le «spread-to-worst» (écart au pire) par rapport aux emprunts d’Etat pour l’indice européen à haut rendement ressort à 340 pb, soit un élargissement de 46 pb depuis les plus bas de l’année qui ont été atteints le 17 septembre dernier, ce qui est suffisant pour ramener les spreads à des niveaux inédits depuis début février. L’indice à haut rendement en livre sterling a mieux tiré son épingle du jeu malgré de fluctuations significatives qui ont entraîné un élargissement sur les rendements des Gilts. Il affiche actuellement un spread de 382 pb, soit 28 pb de plus que les plus bas du 23 septembre, et fluctue autour de ce niveau depuis avril. Pendant ce temps, l’indice en dollar s’est élargi de 28 pb à 344 pb et fluctue entre 350 et 316 pb depuis début avril. Enfin, l’indice CoCo s’est élargi de 33 pb à 311 pb, un niveau atteint pour la première fois en février de cette année.

Tableau 1: Spread-to-worst vs. emprunts d’Etat
  2021 Wides 2021 Tights Current
£ HY 469 354 382
Euro HY 358 294 340
$ HY 397 316 344
COCO 360 278 3

Les investisseurs sont confrontés à des marchés plus difficiles et les taux y contribuent; les traders prévoient désormais un taux de base de la BoE à 1% d’ici la fin de l’année. Pendant ce temps, les swaps de taux d’intérêt anticipent le premier changement de politique monétaire de la Fed en septembre 2022. En outre, il semble de moins en moins probable que les problèmes des chaînes d’approvisionnement se résoudront facilement et le Royaume-Uni se révèle particulièrement vulnérable face au manque de chauffeurs de poids lourds – là encore un problème qui ne devrait pas trouver de solution rapide sur le long terme.  Tout cela alimente le débat sur l’inflation, au point que même les membres de la Fed commencent à douter de son caractère «transitoire».

Les fondamentaux du crédit restent solides

Toutefois, malgré les récentes révisions à la baisse de la croissance par diverses banques d’investissement, la croissance semble toujours robuste – elle a certes ralenti, mais ne s’est pas arrêtée. En outre, malgré la baisse de moral des investisseurs, il est difficile d’argumenter que les fondamentaux du crédit ne sont pas très solides avec des facteurs techniques toujours en place.   

Un ralentissement de la croissance n’est pas mauvais en soi pour le crédit – il tend à faire baisser les bénéfices, ce qui est défavorable pour les actions mais pas nécessairement pour les obligations. En conséquence, les spreads redeviennent plus généreux, notamment en Europe, et les investisseurs ont déjà digéré une bonne partie des mauvaises nouvelles.   

Dans ce contexte, il faudra encore une longue accumulation des mauvaises nouvelles pour empêcher les investisseurs de devenir plus constructifs.

A lire aussi...