Baisse des taux de la Fed fin 2023, on parie?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Le FOMC en guerre contre l’inflation

La Fed n’a pas reculé devant l’obstacle. Cette première hausse de 25 points de base (contre sans doute 50 prévus avant le conflit en Ukraine) marque le point de départ d’une série de hausses de taux impressionnante pour 2022 ayant pour but de casser la spirale inflationniste. Nous aurons donc droit a priori à encore six hausses de 25 points chacune ou un peu moins en cas de panachage entre hausses de 25 et 50bp. Le niveau des Fed funds en fin d’année devrait alors s’élever à 1,75%-2% contre 0,25%-0,50% aujourd’hui. Mais ce n’est pas tout! Le prochain meeting du 4 mai pourrait dessiner les contours du QT destiné à réduire la taille du bilan de la Fed. Les banquiers centraux de Washington sont donc visiblement confiants dans l’économie US, dans la résolution rapide de la crise en Ukraine et dans la disparition totale du Covid. Il n’y a qu’un ennemi proclamé, l’inflation. La Fed va donc tout mettre en œuvre pour gagner la bataille, si possible avec des premiers résultats encourageants à l’approche des élections de mi-mandat.

La Fed a décidé de casser l’inflation «whatever it takes» et semble prête à sacrifier la croissance pour arriver à ses fins.

Les taux montent mais la courbe est prise de soubresauts qui ne trompent pas grand monde. Ici et là, apparaissent déjà des mini-inversions (3-5 ans ou 5-10 ans) qui préfigurent sans doute des mouvements beaucoup plus significatifs et annonciateurs de ce qui va vraisemblablement arriver, à savoir une véritable inversion des 2-10 ans et 5-30 ans. Tout d’abord, l’inflation actuelle est très particulière et les hausses de taux ne sont pas forcément les outils les plus appropriés pour la juguler. Mais la Fed n’en a pas d’autre. Elle-même sait très bien comment tout cela va se terminer: ces hausses massives de taux directeurs vont provoquer une récession et c’est la récession qui viendra à bout de l’inflation. En quelque sorte, nous pouvons donc affirmer qu’indirectement, la hausse des Fed funds remplira bien son rôle de tueuse d’inflation, mais en passant par la case récession. Les marchés sont assez clairs sur le sujet puisqu’ils envisagent déjà une première baisse de taux de la Fed fin 2023 (contre Q1 2024 en fin de semaine dernière, tout va décidément très vite). La Fed a décidé de casser l’inflation «whatever it takes» et semble prête à sacrifier la croissance pour arriver à ses fins.

Stratégie d’investissement

A tout seigneur tout honneur, le 30 ans Treasury mérite - encore et toujours - d’être considéré. Bien sûr, son rendement peut continuer de monter et les moins-values à court terme peuvent être pénalisantes mais il vous le rendra tôt ou tard et sans doute plus tôt que vous l’imaginez. Notre assurance-vie préférée a de beaux jours devant elle et la soirée post-FOMC sur CNBC mercredi dernier était très enrichissante avec un Jeff Gundlach dans sa meilleure forme qui déclarait accumuler du 30 ans en conseillant aux investisseurs de faire de même.

C’est le retour du «buy and hold»!

Les crédits hybrides offrent aujourd’hui des rendements stratosphériques et ont toujours une place de choix dans nos portefeuilles. Mais désormais, ils sont surpassés en termes de rendement ajusté au risque par les dettes seniors Investment Grade en dollars. Avec des taux courts Treasuries plus élevés combinés à des écartements de spreads significatifs, nous pouvons enfin construire de nouveau des portefeuilles crédits en dollars A-/BBB à maturité 2,5 à 3 ans offrant des rendements situés entre 2,5% et 3%. C’est le retour du «buy and hold»! Et la fin de TINA comme nous (parmi tant d’autres) l’avions anticipé dès fin janvier. Profitons-en car cela risque de ne pas durer. Les spreads se sont exagérément écartés pour des raisons plus «techniques» que fondamentales, comme notamment des mouvements massifs de rachats d’ETF crédits Investment Grade entrainant dans leur mésaventure les spreads des obligations sous-jacentes. Nous sommes donc sur le point de constituer des poches de crédits «short term duration» en prenant garde de ne pas nous enthousiasmer trop vite. Dans un marché de gré à gré, passer d’un portefeuille virtuel à un portefeuille réel passe par la case «achat» et la liquidité n’est pas toujours au rendez-vous. Ayant pris conscience de l’opportunité d’investissement dans ce segment de marché, les vendeurs se font rares et les acheteurs sont chaque jour plus nombreux. Raison de plus pour envisager un retour de ces spreads vers des niveaux plus raisonnables dans un avenir proche. Une porte s’est ouverte, allons-y avant qu’elle ne se referme!

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