Inflation: espoirs et déceptions

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Inflation, un abus de langage

Les indices CPI en anglais ou IPC en français signifient indice des prix à la consommation et reflètent par conséquent les hausses ou baisses de prix à la consommation. S’ils étaient censés mesurer l’inflation, ils s’appelleraient «inflation index ou indice d’inflation». L’inflation est un phénomène boule de neige de prix qui ne cessent de grimper, poussés notamment par l’indexation des salaires au coût de la vie. Aujourd’hui, nous faisons face à un mouvement violent de hausses de prix mais pas, ou du moins pas encore, d’inflation. Certes, il ne s’agit que d’un abus de langage que nous utilisons tous mais il faut, notamment pour les plus jeunes d’entre nous qui n’ont jamais connu de véritable inflation, bien distinguer les deux phénomènes car les outils pour lutter contre leur prolifération sont très différents. A l’occasion de son rétropédalage tentant de minimiser l’impact d’un meeting de la BCE raté, Christine Lagarde a bien souligné que des hausses de taux en zone euro dans l’environnement actuel auraient plus d’inconvénients que d’avantages et ne résoudraient en rien le problème actuel d’envolée des prix. Le message sera peut-être entendu par la Fed: si elle persiste à vouloir juguler l’envolée actuelle des prix par une politique utilisant sans modération des outils anti-inflationnistes, elle fait fausse route et va tout droit vers l’erreur de politique monétaire, prenant le risque de déclencher une récession dans douze mois. 

Dans un univers de hausses de prix, il faut réapprendre à avoir les bons réflexes que nous avions oubliés tant les indices de prix à la consommation étaient faibles ou nuls depuis de nombreuses années. Par exemple, le fameux indice Retail Sales américain de mercredi dernier a enthousiasmé les marchés avec un magnifique +3.8% alors qu’il aurait dû décevoir. Comme son nom l’indique, cet indice se veut la somme de toutes les ventes exprimées en prix. Ce +3.8% ne fait que refléter la hausse des prix ce qui signifie qu’en termes réels ou «hors inflation», nous aurions été plus proches de zéro ! 

PPI, la mauvaise surprise

Nous avions récemment exprimé notre conviction que l’indice CPI américain allait bientôt atteindre son pic pour redescendre, à l’instar de l’indice PPI des prix à la production que l’on peut considérer comme un indicateur avancé. Mauvaise pioche! Mardi dernier, l’indice PPI de janvier a progressé de +1% contre +0,5% anticipé par les marchés. Comme l’indice de décembre s’affichait à +0,4%, nous nous retrouvons avec une progression sur un an de +9,7% alors que les marchés tablaient sur +9,1%. L’indice PPI n’a donc pas atteint son pic suivi d’une décrue et nous ne pouvons plus utiliser cet argument comme motif d’espoir concernant l’évolution future du CPI.

Ce n’est qu’à partir d’avril que nous pourrons éventuellement observer un début de décrue du CPI YoY.

Les marchés sont focalisés sur le fameux CPI YoY qui a culminé récemment à 7,5%. Ils ont donc été surpris par cette progression, estimant que le précédent niveau de 7% publié en janvier était déjà très élevé. Un tel mouvement était pourtant prévisible en tenant simplement compte de l’effet de base. Si l’on regarde de plus près l’évolution de l’indice mensuel du CPI, il a connu une progression de +0.6% en janvier 2022, effaçant des tablettes le +0,2% de janvier 2021. Par conséquent, nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises car février 2021 nous avait valu un +0,4% qui sera vraisemblablement battu en février 2022 (nous le saurons le 10 mars). Ce n’est qu’à partir d’avril 2022 que nous pourrons éventuellement observer un début de décrue du CPI YoY puisque mars et avril 2021 avaient connu une hausse des prix de +0,6%, mai de +0,7% et juin de +0,9%. Soyons toutefois réalistes: la véritable décrue, si elle doit se matérialiser, interviendra plutôt début 2023. Le pétrole peut contribuer largement à un retour du CPI vers des niveaux plus raisonnables. Le baril de brut valait 52 dollars fin janvier 2021 mais fin juin, il avait déjà atteint 74 dollars. Plus nous allons avancer dans l’année 2022, plus l’effet «choc pétrolier» devrait s’atténuer. Evidemment, nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises surprises qui pourraient faire flamber les prix des matières premières, comme un possible conflit en Ukraine ou d’autres tensions géopolitiques faisant passer le baril de brut largement au-dessus de 100 dollars. Dans ce cas…

Plaidoyer pour les hybrides

En fin de semaine dernière, la performance de l’indice des crédits hybrides en euros avoisinait les -4,8% depuis le début de l’année. C’est pire que celle du High Yield, des AT1 et CoCos bancaires et (c’est un comble) de l’EuroStoxx50. Madame Lagarde est en grande partie responsable de ce désastre mais prenons les choses du bon côté : il y a deux ans, ces mêmes hybrides étaient parties dans le décor en pleine panique du début de la crise Covid. Il s’agissait d’une opportunité exceptionnelle et aujourd’hui, après un parcours remarquable d’avril 2020 à l’automne 2021, elles sont retournées sur des niveaux à peine plus élevés qu’en avril-mai 2020. Dans tout l’univers obligataire européen, s’il n’y avait qu’une seule classe d’actifs à mettre en avant aujourd’hui, ce serait sans nul doute celle des crédits hybrides!   
 

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