TINA c’est fini!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Plus faucon que moi tu meurs

On connaissait le FOMC hawkish, voici désormais la BCE avec sa présidente, plus faucon que hibou! Les membres de l’institution de Francfort ont beau tenter de relativiser le biais hawkish distillé lors de la dernière réunion de la BCE, le mal est fait. Le Bund est non seulement revenu en territoire positif mais il avoisine +0,30%. La BCE n’a pas les moyens de sa soi-disant politique plus restrictive et il est illusoire de croire à une hausse de taux dès 2022. Les risques sont trop importants et comme l’a annoncé Christine Lagarde elle-même, une hausse de taux dans ce contexte ne résoudrait pas le problème et risquerait même d’en créer d’autres. La croissance de la zone euro est encore plus à risque que celle des Etats-Unis et un tour de vis monétaire pourrait nous précipiter en ralentissement ou en récession. L’inflation va refluer plus tard dans l’année et il est peut-être plus sage de rester «behind the curve» pendant quelques mois plutôt que de commettre une « Jean-Claude Trichet 2008» supplémentaire.

Le retour du Bund en territoire positif n’a pas réussi à nous détourner de l’événement majeur de ce mois de février: le taux réel américain à 30 ans est repassé également au-dessus de 0% mais les conséquences d’un tel mouvement sont sans commune mesure avec celui du 10 ans allemand. Les taux longs réels sont l’oxygène des autres marchés et lorsqu’ils montent, l’oxygène se raréfie. Wall Street doit donc s’attendre à respirer plus difficilement…  

Inflationnistes contre «haussedesprix-istes»

Nous réaffirmons la conviction qui est la nôtre depuis le début de ce virage supposé inflationniste: il n’y a pas d’inflation! Ce ne sont que des hausses de prix, nées de la dislocation de l’économie pendant la crise du COVID. De multiples poches de hausses de prix se sont créées – et il faut les surveiller – mais elles devraient se résorber petit à petit. Les hausses de salaires sont insuffisantes (en tout cas pour l’instant) pour enclencher ce cercle vicieux et personne n’évoque une indexation des salaires sur l’inflation, moteur essentiel d’une spirale inflationniste. Nous sommes donc résolument dans le camp des «haussedesprix-istes»! 

La Fed ne pourra sûrement pas appliquer son programme super-ambitieux sous peine de nous plonger en récession.

Jerome Powell avait raison d’utiliser le terme « transitoire ». Il a juste commis deux erreurs impardonnables: il ne nous a pas donné la définition de ce mot pour la Fed (six mois? neuf? douze? dix-huit?) et ensuite il s’est heurté à la volonté politique farouche des Démocrates au pouvoir de briser l’inflation avant les élections de mi-mandat. En échange de son renouvellement à la tête de la Fed, il a donc basculé brutalement dans le camp des super-faucons. Résultat: la Fed ne pourra sûrement pas appliquer son programme super-ambitieux (tapering, multiples hausses de taux, quantitative tightening) sous peine de nous plonger en récession. A force de tergiverser (nous étions partisans d’une hausse de taux de 50bp dès le début d’année), les banquiers centraux de Washington vont se réveiller trop tard en appliquant une politique trop restrictive lorsque l’inflation commencera à rebaisser et la croissance à piquer du nez.

Oubliez TINA et regardez (entre autres) les hybrides

Les spreads de crédit Investment Grade en dollar s’écartent et offrent des opportunités d’investissement intéressantes. Des exemples? HP 3 ans à 2,7%, Oracle 4 ans à 2,9%, Verizon 5 ans à 2,8%, Comcast 6 ans à 2,8%, IBM 7 ans à 3%, NextEra 8 ans à 3,1% et Autozone 9 ans à 3,2%. Il est désormais relativement aisé de construire un portefeuille diversifié à duration raisonnable offrant un rendement supérieur au dividend yield des actions américaines.

Sur le marché euro, c’est encore plus flagrant depuis le volte-face hawkish de la BCE. De nombreux crédits Investment Grade sont repassés en rendement positif et notre classe d’actif préférée, le marché des corporates hybrides, a subi une correction sévère qui devrait attirer les investisseurs. En fin de semaine dernière, notre portefeuille hybrides était en retrait de -4,5% depuis le début de l’année (contre -3,5% pour l’Eurostoxx 50). Aujourd’hui, le portugais EDP call 2 ans s’affiche à 3% de rendement, Repsol call 3 ans à 3,7%, Vodafone call 4 ans à 3,7%, Telefonica call 5 ans à 3,9%, Volkswagen call 6 ans à 4% ou Iberdrola call 7 ans à 4,3%. EDF, sous pression avant l’élection présidentielle française, offre du 3% pour un call dans 2 ans! Mais il n’y a pas que les hybrides puisque la dette subordonnée bancaire offre également de belles perspectives. Les corporates italiens sont également une option! Bref, il y a de quoi faire sur le marché de la dette en euros et si l’on met de côté la crise COVID de février-mars 2020, cela faisait très longtemps que nous n’avions pas un tel embarras du choix!

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