Récession, un sujet déjà has been?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 
Des débats sans fin

Récession ou stagflation? Soft landing ou hard landing? Ces sujets alimentent les conversations depuis un long moment. Nous pensons qu’il faut désormais passer à autre chose sous peine de manquer des opportunités historiques. Nous avons déjà maintes fois évoqué le fait que nous sommes gérants de fonds obligataires et par conséquent jugés sur notre performance. Que les économistes et stratégistes débattent à propos du risque de récession, c’est tout à fait normal puisque c’est leur métier. Notre activité, en revanche, consiste à déterminer si les marchés vont envisager ou non cette fameuse récession et anticiper les mouvements de taux, déformations de la courbe et comportement des spreads découlant de ce sentiment de marché.

Aujourd’hui, la courbe des taux Treasuries nous dit que la récession est quasi inévitable. Nous devons donc déployer des stratégies tenant compte de cette évolution majeure sur les marchés de taux. Continuer de «s’aérer la bouche» dans des discussions sans fin, c’est passer à côté d’un phénomène qui peut devenir coûteux puisque le 10 ans US est passé de 3,25% mardi dernier à 2,80% vendredi après-midi. Nous avions senti le vent tourner depuis quelques jours en mentionnant que rester short taux longs américains allait devenir une position inconfortable. Nous ne croyions pas si bien dire…

Le marché des corporates hybrides en euro touche le fond.

Dans notre univers, la question de la récession est déjà un sujet obsolète. Il va falloir anticiper les réactions du marché dans les prochains mois. Ce dernier va anticiper la sortie de la récession. On parle déjà d’une pause de la Fed après les 75bp du 27 juillet et les (moins sûrs) 50bp du 21 septembre. Est également évoquée une première baisse de taux fin 2023. Dans ce contexte, les chiffres de l’emploi de vendredi prochain n’auront pas grand intérêt, du moins comparés aux statistiques d’inflation. Ces dernières seront décortiquées avec encore plus de soin pour éventuellement envisager une embellie du côté de la hausse des prix.

Le prochain événement majeur sera donc ce fameux FOMC du 27 juillet. Nous tenterons de déceler dans les propos de Jay Powell si la banque centrale commence à changer de ton en se rangeant, même faiblement, derrière le message de la courbe des taux US et surtout des taux longs. Il faudra enfin analyser ce qui se passe concrètement du côté du Quantitative Tightening qui pour l’instant reste aux abonnés absents (voir notre chronique de mardi dernier «le QT joue l’Arlésienne»).

Profitons du sell-off sur les hybrides

Avec une performance de -18,4% depuis le début de l’année dont -9,3% en juin, le marché des corporates hybrides en euro touche le fond. Pour mieux rebondir? Sans doute même si cela reste compliqué d’envisager ce rebond dans les prochains jours. Le rendement moyen de ces crédits hybrides atteint désormais 8% (donc environ 10,7% en dollars après hedge) et les investisseurs commencent à regarder ce marché avec intérêt. Nous sommes tout à fait d’accord avec cet engouement mais nous tenons à relativiser ces chiffres.

L’Investment Grade en dollars continue d’avoir nos faveurs.

De tels rendements stratosphériques sont atteints à cause de l’effondrement du secteur Real Estate/REITS (nos amis allemands et scandinaves) et pour revenir à des considérations plus raisonnables, notre portefeuille qui n’en contient pas offrait fin juin un rendement YTC de 6,8% pour une maturité moyenne (au call également) de 4 ans. Ce marché présente évidemment des risques inhérents au statut subordonné de ces dettes mais aujourd’hui, l’investisseur est largement rémunéré pour ce risque encouru et entre les hybrides et le High Yield, il n’y a pas photo!

L’Investment Grade en dollars continue d’avoir nos faveurs. Nous avons déjà évoqué dans ces mêmes colonnes le fait que TARA (There Are Reasonable Alternatives) a enfin remplacé TINA. Il semble que de nombreux investisseurs ont reçu le message, sachant qu’un portefeuille diversifié en très beaux noms à rating A-BBB peut offrir de confortables rendements au-delà de 4,5%. C’est moins que l’inflation à court-terme mais déjà plus que le Dividend Yield des actions américaines! Il va falloir toutefois se dépêcher si l’on veut en profiter: les spreads ne s’écartent plus vraiment et les Treasuries voient leurs rendements repartir à la baisse. Les soldes d’été ont débuté mais pourraient se terminer plus tôt que ce que l’on imagine!

A lire aussi...