Pic d’inflation et pic des taux longs

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Des minutes et un NFP hawkish

Après avoir connu un bull market synonyme de récession imminente pendant quelques jours, le marché des taux est reparti dans l’autre sens. Les fautifs? La publication des minutes du dernier FOMC qui confirme la volonté farouche de la banque centrale américaine de relever ses taux directeurs afin de briser l’inflation ainsi que des chiffres de l’emploi excellents qui valident un tour de vis de 75bp le 27 juillet. La courbe est donc repartie en bearish flattening, les taux courts (2 et 5 ans) remontant plus fortement que les taux plus longs. Que faut-il en penser? Pas grand-chose.

Les minutes ne valent que ce qu’elles valaient au moment où elles ont été rédigées (et pas publiées), c’est-à-dire le 15 juin, il y a presque un mois. Les chiffres de l’emploi incitent les marchés à croire au scénario très peu probable d’un soft landing et d’une récession évitée. C’est tout le contraire! Tous les spécialistes vous diront que de tels chiffres de l’emploi sont un indicateur avancé d’une récession future. C’est contre-intuitif au premier abord mais c’est la réalité.

Nous nous positionnons clairement pour une stabilisation des taux longs cet été avant une éventuelle décrue à la rentrée.   

Dans un tel contexte, le 10 ans US, qui s’affichait encore à 3,25% le 28 juin, est retombé à 2,75% mercredi dernier (soit -50bp en cinq séances!) pour remonter à 2,90% mercredi puis à 3,10% vendredi. Au-delà des niveaux de taux, c’est surtout leur volatilité qui est impressionnante. Qu’un marché puisse changer d’avis si brutalement en l’espace de si peu de temps montre la nervosité et l’indécision des intervenants. Lorsque nos convictions à moyen terme sont fermes, nous pouvons profiter de cette volatilité pour affiner notre stratégie. C’est ce que nous avons fait en remontant notre duration à 4,4 contre 2,7 en mars-avril et 4,1 fin juin. Notre politique d’overlay de duration n’aura donc pas survécu à cette période tourmentée et nous nous positionnons clairement pour une stabilisation des taux longs cet été avant une éventuelle décrue à la rentrée.   

Demain, jour de CPI

Le CPI qui sera publié demain est très attendu. Les marchés attendent +1% en juin, ce qui propulserait l’indice YoY à +8,8%. En revanche, d’après ces mêmes marchés, le PPI qui sera publié jeudi, pourrait avoir passé son pic en passant de +10,8% en mai à +10,6% en juin. Il faudra sans doute prendre du recul par rapport à ces statistiques afin de déceler une tendance avec un minimum de sérénité. Dans un tel environnement tellement volatil, les chiffres de juin sont certes très intéressant mais ils sont déjà obsolètes. L’évolution des prix des matières premières au cours de cet été va revêtir une toute autre importance. Et que dire du marché des changes?

L’inflation, les politiques des banques centrales et la guerre en Ukraine ont créé une monnaie unique! Un euro = un dollar = un franc suisse! C’est compliqué pour nos voisins de la zone euro qui paient des biens dont le prix se stabilise ou redescend légèrement dans une monnaie qui s’apprécie contre la leur. Il est trop tôt pour affirmer que la BCE va prendre un tournant hawkish au moment où la Fed se calmera après le 27 juillet. Ces serait sans nul doute un bon sujet de débat à Jackson Hole du 25 au 27 août.

Avant même d’avoir donné le moindre tour de vis monétaire, la BCE a déjà dû calmer la tempête sur les spreads périphériques. Aujourd’hui, alors qu’elle nous a promis un paquet de mesures anti-fragmentation, elle doit se demander comment abandonner sa politique à base de taux négatifs et de TLTRO tout en maîtrisant les rendements des dettes des pays les plus fragiles. A côté de tels défis à relever, convenons que la tâche de la Fed est plus aisée. Bon été Madame Lagarde, et surtout bon courage!

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