Les taux Fed funds réels sont positifs

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
 
PCE, bien mais peut mieux faire

Il y a dix jours, nous estimions que l’inflation, à court terme, n’était plus le sujet d’inquiétude principal. Visiblement, pour les marchés, dominés par la très bonne tenue de Wall Street, SVB et Credit Suisse sont déjà rangés dans l’armoire des mauvais souvenirs et par conséquent les chiffres PCE publiés vendredi ont retrouvé leur niveau d’importance extrêmement élevé. Ils sont sortis globalement en ligne avec les attentes, quoique légèrement inférieurs grâce aux révisions du mois précédent. Etant donné que ce fameux PCE est la statistique privilégiée par la Fed, attardons-nous quelques instants sur un PCE Deflator désormais à 5% et un Core PCE à 4,6%: les Fed funds s’élevant à 4,75%-5% (4,875% milieu de fourchette) depuis le 22 mars, ils se retrouvent désormais en territoire positif en termes réels si nous prenons pour référence le core PCE. Cela signifie-t-il que nous sommes proches du taux terminal? Sans doute non mais nous nous en rapprochons inexorablement.

Ce qui est encore plus important à nos yeux, c’est la poursuite de la réduction de la taille du bilan hors BTFP. Ensuite, nous constatons que les marchés s’attendent à un pic de Fed funds (un sommet suivi d’une redescente proche) alors que, sauf accident dans le système financier comme des faillites de banques, de hedge funds, de caisses de pension ou explosion du CRE, il faudrait s’attendre à un plateau. Si les marchés et les banquiers centraux ont raison et que l’incendie est maîtrisé après SVB et Credit Suisse, il n’y a aucune raison pour que la Fed rebaisse ses taux dans l’immédiat après avoir touché le point haut. En théorie, une fois ce point haut atteint, il devrait être conservé pendant 12 à 18 mois pour être certain que l’inflation est bien jugulée. Ce qui s’est passé ce week-end sur le pétrole est d’ailleurs un wake-up call. En pratique, tout dépendra de deux facteurs: récession et credit crunch.

Ne pas confondre hybride et hybride

Nous poursuivons la stratégie mise en place au lendemain de l’affaire SVB et l’embellie des marchés à risque ne remet pas en cause notre approche prudente. La duration longue reste privilégiée au détriment des crédits high beta. L’inversion de la courbe des taux, mise à mal par la panique autour de la solidité des banques, va reprendre de plus belle. Si la Fed revient à sa politique ultra-hawkish début mai, la partie 2-5 ans de la courbe sera à risque, le 30 ans beaucoup moins. Ce dernier va converger vers un niveau compatible avec une récession imminente et le fameux risque de credit crunch.

Une fois le bon grain séparé de l’ivraie, les hybrides ont rebondi pour terminer le mois dans le vert!

La dette hybride bancaire est un concept qui n’existe pas. Tant que cela ne sort pas du cadre établi par les autorités de marché, chacun est libre après tout de nommer les classes d’actifs comme bon lui semble mais dans notre esprit, il n’y a qu’une dette hybride, celle des entreprises non-financières. La soi-disant dette hybride bancaire devrait, selon nous, toujours être nommée AT1 ou CoCo tout simplement parce que c’est comme cela qu’elle s’appelle (Bridget Jones n’aurait pas dit mieux). Résultat: à force de faire l’amalgame, les dettes hybrides étaient devenues un fourre-tout dans lequel se croisaient corporates et AT1 bancaires. Les investisseurs se sont donc retrouvés complètement perdus alors que malheureusement, ce sont précisément les hybrides corporates qui nécessitent le plus de travail en termes de pédagogie.

Nous avons toujours pensé que le plus gros frein au développement de la dette hybride est la confusion avec la dette subordonnée bancaire. La débâcle du Credit Suisse aura au moins un point positif: tout le monde a bien compris cette fois-ci. En termes de comportement de marché, les hybrides ont souffert pendant 48 heures après le fameux dimanche noir qui a scellé l’absorption de Credit Suisse par UBS. Dans la panique, nombreux étaient ceux qui devaient se séparer en urgence de tout ce qui s’apparentait de près ou de loin à de la dette «deeply subordinated». Ensuite, une fois le bon grain séparé de l’ivraie, les hybrides ont rebondi pour terminer le mois dans le vert! Notre portefeuille crédits hybrides termine le premier trimestre en affichant une performance de +2% YTD. Ce n’est pas exceptionnel mais compte tenu du cauchemar du bear market 2022 et du tsunami Credit Suisse en mars, nous nous en contenterons pour l’instant.

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