Ce que nous enseigne la débâcle Credit Suisse

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Les AT1 Credit Suisse ne valent plus rien. Cette situation inédite jette un discrédit sur la classe d’actifs des subordonnées bancaires et plus généralement sur toutes les dettes subordonnées. 

Les AT1 bancaires, victimes collatérales

L’affaire SVB a agi comme un premier signal d’alarme, l’effondrement de Credit Suisse doit servir de prise de conscience d’une crise potentiellement profonde. Potentiellement seulement car la bonne nouvelle est que nous avons connu Lehman Brothers en 2008. Ce n’est donc pas la première fois que nous vivons un tel traumatisme. Par conséquent, nous espérons que toutes les leçons ont été retenues et seront appliquées.

De nombreux investisseurs découvrent à cette occasion que les AT1 Credit Suisse ne valent plus rien. Ils se sentent lésés, estimant que la dette AT1 se retrouve de facto subordonnée aux actions. Cette situation inédite jette un discrédit sur la classe d’actifs des subordonnées bancaires et plus généralement sur toutes les dettes subordonnées. Le marché de la dette AT1 va souffrir à court terme car ce qui s’est passé ce week-end est sans précédent. A moyen terme, il offrira sans doute de belles opportunités à qui sait analyser ce type d’instrument et interpréter un prospectus d’émission.

Hier matin, les dettes hybrides corporates étaient également sous pression alors qu’a priori, cette classe d’actifs n’est pas du tout concernée par ce genre de problème. Visiblement, dans la panique, les investisseurs ont jeté le bébé avec l’eau du bain en se séparant de tout ce qui s’apparentait à de la dette subordonnée. Cela va durer quelques jours et, comme c’est souvent le cas, le bon grain sera finalement séparé de l’ivraie.

Que va faire la Fed?

La BCE n’a pas hésité jeudi dernier, c’est 50bp car l’inflation est le sujet d’inquiétude majeur et, à en croire les banquiers centraux, unique puisque le système financier de la zone euro ne montre aucun signe de faiblesse. Après tout, la SVB et autres banques régionales est le problème de la Fed, Credit Suisse celui de la BNS donc circulez, il n’y a rien à voir, la BCE poursuit son chemin hawkish pour ramener l’inflation à 2%. Finalement, c’est plutôt finement joué de la part de Christine Lagarde car le message envoyé est clair. S’il y avait le moindre problème dans le secteur bancaire en zone euro, la BCE n’aurait pas pris le risque d’une «Jean-Claude Trichet 2008».

La Fed va devoir être très courageuse et faire preuve de dons de communication demain. Les 50bp de tightening que nous attendions tous étaient déjà passés aux oubliettes depuis l’affaire SVB. Les investisseurs qui surveillent la décrue de la taille du bilan de la Fed se sont aperçus d’une remontée de 300 milliards de dollars la semaine dernière après l’affaire SVB. La Fed a deux options. La plus courageuse mais la plus dangereuse serait de ne pas monter ses taux quitte à annoncer à l’avance +50bp le 3 mai si d’ici-là, les tensions au sein du système financier ont disparu. L’impact psychologique est néanmoins incertain car cela pourrait mettre le feu aux poudres. La seconde option serait de monter les Fed funds de 25bp mais d’annoncer que le Quantitative Tightening est, non pas suspendu, mais tributaire de l’évolution de la stabilité du système. S’il faut rajouter de l’huile dans les rouages, la Fed le fera au détriment (provisoirement) de sa politique de réduction de la taille de son bilan en inventant un acronyme de plus. Mais comme dans la première solution, nous ne sommes pas à l’abri d’une surinterprétation des marchés qui ont besoin d’être rassurés. Sacré dilemme!  

 

A lire aussi...