Fed: une baisse de taux mercredi prochain?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

SVB, First Republic, Signature… à qui le tour?

Passons rapidement sur les très bons chiffres de l’emploi vendredi et sur les attentes de CPI pour cet après-midi. C’est devenu en quelques heures le cadet de nos soucis. Nous écrivions dans ces mêmes colonnes la semaine dernière que les deux principales missions de la Fed étaient la stabilité des prix et le plein emploi. Nous avions omis de préciser «dans un environnement normal» car la mission qui incombe aux banques centrales par-dessus tout est le maintien de la stabilité du système financier en général et du système bancaire en particulier. Vendredi, nous sommes brutalement sortis du fameux «under normal circumstancies».

L’histoire SVB nous rappelle deux précédents, Washington Mutual qui a sombré en 2008 pour les mêmes raisons et la crise des Savings and Loans aux Etats-Unis en 1987 (surtout pour son côté effet de dominos). La Fed va se retrouver dans un embarras terrible, elle qui devait procéder à un nouveau tour de vis monétaire le 22 mars et le 3 mai. Depuis plus d’un mois, nous étions plusieurs à nous demander quand aurait lieu le prochain LTCM ou autre catastrophe équivalente. L’adage populaire dit «on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs», nous pourrions le traduire en «la Fed ne passe pas ses taux de 0% à 5% sans conséquences fatales sur certains acteurs du système financier».

Qu’attendre donc du prochain FOMC? La réponse est complexe car nous ne savons pas encore quelles sont les ramifications exactes du scandale SVB (car c’est bien un scandale) et si nous allons connaître une crise systémique ou quelques catastrophes idiosyncrasiques rapidement maîtrisées à moindre coût. Ce qui est sans doute acquis, c’est qu’il faut oublier les 50bp de hausse des Fed funds mercredi prochain. Le pire scénario envisageable serait une baisse de taux mais il est beaucoup trop tôt pour envisager un tel dénouement.

Notre titre est volontairement provocateur, admettons-le. Le séisme que nous avons connu ces trois derniers jours au sein du système bancaire américain devrait sonner le glas de la politique monétaire restrictive de la Fed basée principalement sur de fortes hausses de taux. Une banque centrale qui resterait hawkish dans un tel environnement fait remonter également de vieux souvenirs, en 1992, lorsque la Riksbank suédoise avait violemment monté ses taux pour casser la spirale spéculative autour de la possible dévaluation de la SEK. L’opération avait réussi sur les marchés de changes sauf que la banque centrale avait «oublié» qu’en agissant de la sorte, elle mettait en faillite tout son système bancaire!    

Bullish steepening

Nous l’avons également mentionné à maintes reprises, gare au rally du 2 ans et au bullish steepening lorsque les marchés anticiperont la fin du cycle haussier des taux de la Fed. Depuis vendredi, nous avons brutalement (et logiquement) basculé dans ce scénario avec un 2 ans qui est soudainement passé de 5% à 4,25%! Le 10 ans est «seulement» passé de 4% à 3,50% mais il est utile de rappeler que si l’objectif est de délivrer de la performance, il n’est pas judicieux de se placer là où les taux baissent le plus. Dans ce cas précis, il vaut mieux profiter d’une chute de 50bp de rendement avec une duration de 8.3 que d’une décrue de 75bp pour une duration de 1.8.

Pour l’instant, les marchés ne réagissent pas dans un mode panique de style Lehman Brothers et ils ont raison compte tenu des informations dont ils disposent. Si tel était le cas, la Fed aurait déjà baissé ses taux ce week-end. Ils intègrent désormais un nouvel environnement dans lequel toute hausse de taux supplémentaire pourrait déclencher des faillites de banques, de Hedge Funds, de fonds de pension, de tout ce qui touche de près ou de loin au marché immobilier… la liste est longue.

Vendredi, dans un premier temps, nous n’avons pas réagi à chaud car le scénario de tempête dans un verre d’eau était encore plausible. Suite aux événements du week-end, le doute n’étant plus permis, nous avons rajouté de la duration lundi matin à travers notre obligation longue préférée, la 3,125% août 2044. Nous l’avons traitée sur un niveau de 3,92% en ayant le sentiment que dans les jours qui viennent, il va falloir un peu plus de duration et un peu moins de risque de crédit. Mars et avril s’annoncent comme un tournant majeur. Les banquiers de SVB n’ont pas retenu les leçons des catastrophes passées. Espérons que les banques centrales seront plus sages et avisées.

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