PCE: nous voilà prévenus

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Une courbe (presque) totalement inversée

Depuis l’inversion du 2-10 ans US au cours de l’été 2022, nous avons toujours fait remarquer que cette condition était nécessaire mais pas suffisante pour craindre une franche récession. Les gérants obligataires ont en effet toujours apprécié que cette pente négative soit confirmée par une inversion du 5-30 ans. Et lorsque le 10-30 ans (NoB) est également inversé, c’est encore mieux! Si le 2-10 ans s’est inversé début juillet 2022, ce n’est pas le cas pour toute la courbe car le 5-30 ne s’est inversé que depuis septembre, tout en repassant ponctuellement en pente positive en novembre puis cette année du 9 janvier au 3 février. La publication des indices d’inflation PCE vendredi ont permis d’y voir plus clair. Le niveau de ces indices était très décevant et les marchés ont d’autant plus mal accueilli la nouvelle que ces données sont privilégiées par la Fed pour estimer l’évolution de l’inflation.

L’inflation semble si bien ancrée que nous ne pourrons pas éviter la récession.

Cela signifie que la banque centrale va indubitablement poursuivre sa politique restrictive en conservant un niveau d’agressivité élevé. Les chiffres de vendredi nous confortent dans l’idée que +50bp le 22 mars serait la meilleure décision que pourrait prendre le FOMC. Les taux gouvernementaux US se sont tendus et la courbe a poursuivi un mouvement de bearish flattening. Le bon du Trésor 6 mois a grimpé à 5,10%, le 2 ans à 4,84%, le 5 ans à 4,24%, le 10 ans à 3,97% et le 30 ans à 3,95%. Par conséquent, nous pouvions affirmer vendredi après-midi que la courbe US était totalement inversée. Enfin presque toute la courbe puisque le 20 ans, délaissé par les investisseurs ainsi que par les dérivés (futures et options), se promène toujours une vingtaine de points de base au-dessus du 10 et du 30 ans. L’inflation semble si bien ancrée que nous ne pourrons pas éviter la récession. C’est le message envoyé par les taux longs: plus la partie courte (2-5ans) va souffrir, plus l’impact sur la partie longue sera négligeable.     

Rester prudent

Cette semaine était redoutée par les investisseurs et ils ont eu raison car ce fut la pire depuis le début de l’année en termes de performances, tant sur les actions que sur les obligations. Ainsi, certains indices sont repassés dans le rouge en YTD et le bull market de janvier fait désormais partie d’un passé révolu. Pour les investisseurs qui avaient raté le train en marche, c’est une seconde chance quasi-miraculeuse qui s’offre à eux mais pour les autres qui sont déjà suffisamment investis, les niveaux actuels incitent à opter pour le «wait and see». Nous n’avons pas profité de ce bear market post-PCE. Nos deux investissements préférés n’ont pas bougé suffisamment voire pas bougé du tout pour ce qui concerne le TIPS 2 ans à taux réel. Le 20 ans a culminé à 4,15% mais nous avions déjà investi sur ce niveau et attendons désormais un rendement plus élevé.

En «buy and hold», la dette Investment Grade est encore intéressante mais dans une gestion active de portefeuille, elle n’a rien de particulièrement excitant.

Sur les marchés de crédits, nous «espérions» un mauvais PCE afin de pouvoir réinvestir sur des spreads plus larges. Peine perdue, le PCE a été mauvais mais les écartements de spreads ont été minimes. Aujourd’hui, les crédits sont intéressants car leur rendement actuariel est élevé. Mais si ce dernier a explosé depuis l’automne 2022, c’est dû principalement à la remontée vertigineuse des taux gouvernementaux sous-jacents car les spreads sont très chers. En «buy and hold», la dette Investment Grade est encore intéressante mais dans une gestion active de portefeuille, elle n’a rien de particulièrement excitant.

Nous abordons déjà la fin du premier trimestre et commençons à déterminer quelles seront les prochaines inflexions possibles dans notre stratégie 2023. En janvier 2022, nous avions vendu ce qu’il restait de notre allocation en marchés émergents. Aujourd’hui, après quatorze mois d’allocation émergents à 0%, nous estimons qu’il est encore prématuré de revenir sur ces marchés mais à l’occasion d’une prochaine correction, il faudra sans doute réinvestir dans une classe d’actifs obligataire qui a beaucoup souffert et qui pourrait offrir, à moyen terme, de belles perspectives. Il faudra juste éviter les pièges géopolitiques et trouver le bon timing.   

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