Jusqu’ici tout va bien…

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

«Higher for longer» pour combien de temps?

La croissance américaine ne semble pas montrer de signes de faiblesse et la version finale du PIB du second trimestre a confirmé une progression de +2,1% plutôt rassurante même si les marchés attendaient une légère révision à +2,2%. Seule ombre au tableau, la composante Personal Consumption a fait l’objet d’une réévaluation sévère puisqu’elle est passée de +1,7% dans les calculs préliminaires à +0,8% en version finale. Mais qui s’en soucie?

Les chiffres de l’emploi vendredi nous renseigneront un peu plus sur l’évolution de la conjoncture en ce début de quatrième trimestre. 165'000 créations d’emplois sont attendues en septembre, un chiffre proche d’un niveau charnière puisque les économistes ont coutume de dire qu’un passage sous la barre des 150'000 marque en général le début d’un changement de tendance précurseur d’une récession.

Sur le front de l’inflation, la publication du PCE Deflator s’est révélée satisfaisante: +0,4% (contre +0,5% attendu), confirmant une stabilisation à +3,5% en annualisé. La «bonne» nouvelle est venue du Core PCE qui n’a progressé que de +0,1%, faisant plonger le YoY de +4,3% à +3,9%. L’indicateur préféré de la Fed semble donc en bonne voie d’amélioration et vendredi soir, certains observateurs notaient que cela devrait suffire pour inciter la Fed à renoncer à toute hausse de taux le 1er novembre, date du prochain FOMC.

Il faut mieux considérer l’appétit des investisseurs pour la partie courte, voire très courte de la courbe, qui s’aiguise au détriment de la duration.

C’est sans doute aller un peu vite en besogne et si le 2 ans US est passé de 5,14% à 5,02% entre jeudi et vendredi dernier, ce début de semaine s’annonce moins réjouissant. Rien n’est joué pour l’instant mais ce qui est certain, c’est que les marchés ont finalement capitulé en intégrant le concept de «higher for longer» martelé par la Fed, repoussant les premières baisses de taux aux calendes grecques. Dans ces conditions, les taux longs ne sont plus en odeur de sainteté.

Les taux longs à l’épreuve du «cash is king»

Il y a de nombreuses raisons qui militent pour un maintien des taux longs sur de tels niveaux (4,8% brièvement sur le 30 ans le 28 septembre). Inutile de les énumérer puisque dorénavant tout le monde les connaît par cœur. Cependant, un élément majeur n’est pas suffisamment mis en avant. Il s’agit de l’appétit des investisseurs pour la partie courte, voire très courte de la courbe, qui s’aiguise au détriment de la duration. Et on les comprend!

Les emprunts du Trésor US à échéances juillet-aout 2024 offrent des rendements supérieurs à 5,5%, pourquoi aller plus loin sur la courbe et prendre des risques alors que de nombreuses incertitudes persistent? Ainsi, les flux sur les taux très longs ne sont pas à leur avantage. Le 20 ans est passé au-dessus de 5% jeudi après-midi (et s’établissait toujours à 4,99% hier) dans une indifférence totale. L’avenir nous dira si c’était un «screaming buy».

Nous avons poursuivi une stratégie «passive-active» fin septembre en renforçant cette si prisée partie courte de la courbe. Avec des bons du Trésor à 12-18 mois, des TIPS 18 mois-3 ans et des crédits courts en «buy and hold» assortis d’un overlay de duration sur le 10, le 20 et le 30 ans, nous sommes à la fois bien protégés en cas de turbulences sur les marchés de taux et suffisamment investis en duration longue pour préparer l’avenir.

La conjoncture va commencer à se détériorer et les marchés, qui viennent seulement d’adhérer au «higher for longer Powellien», vont mettre un peu de temps avant de réagir. C’est la raison pour laquelle notre duration s’élève «seulement» à 4,5 et que, comme tout le monde, nous avons succombé à l’attrait de la partie courte. Mais plus la réaction des marchés est lente, plus le réveil sera brutal. Et à la fin, c’est toujours le Long Bond qui gagne.     

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