Des chiffres de l’emploi américain faucon-compatibles

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Taux de chômage de 3,5%

Le marché du travail n’est pas encore en mode récession. Les chiffres parus vendredi à la veille d’un week-end de trois jours valident un tour de vis supplémentaire de 75bp lors du prochain FOMC du 2 novembre. Avec un taux de chômage qui retombe à 3,5% (soit le niveau de janvier et février 2020, à la veille de la pandémie de COVID) et des créations d’emplois largement supérieures à 250'000 le mois passé, Jerome Powell a pour ainsi dire carte blanche pour mener à bien son programme de politique de plus en plus restrictive. Il n’est donc pas (encore) prêt de se laisser convaincre par certains de ses collègues, comme Charles Evans de la Fed de Chicago, qui trouvent que la Fed est en train d’aller trop loin et trop rapidement. Personne n’a voulu remarquer que les private payrolls du mois précédent ont été révisés significativement, de +308'000 à +275'000, ce qui est pourtant un potentiel signe avant-coureur.

Le marché tout entier est en train de basculer dans une période marquée par des craintes inflationnistes qui sont en train de se faire voler la première place par les craintes de récession.

Les marchés ont rapidement conclu que les taux directeurs US seront à 4% dans moins d’un mois, ce qui a permis au 2 ans de s’installer confortablement au-dessus de 4,3%, contrairement à son homologue à 10 ans qui n’a pas jugé bon de casser nettement le niveau de 3,9% après une brève incursion dans ce territoire peu après 14h30. Le plus amusant dans cette histoire, c’est que Wall Street réagit désormais comme un marché obligataire. De bonnes nouvelles sur le front de l’emploi se transforment en mauvaises nouvelles du côté de la Fed. Cela nous semble parfaitement logique, 3,5% de taux de chômage étant synonyme de fortes tensions salariales pesant sur les bénéfices. Nous voyons surtout ce phénomène comme le marqueur d’une entrée de l’économie US dans un nouveau cycle.

Le marché tout entier est en train de basculer (avec cependant une longueur d’avance pour les bonds, comme d’habitude) dans une période marquée par des craintes inflationnistes qui sont en train de se faire voler la première place par les craintes de récession. Tout le monde attend désormais le fameux taux pivot. Nous campons sur nos positions: nous ne sommes toujours pas en mesure d’évaluer à quel moment la Fed va «tourner» car si nous avons une assez bonne visibilité du côté des taux Fed funds, c’est toujours le flou artistique qui domine au niveau des contours du Quantitative Tightening. Si la Fed monte ses taux à 4,5% et poursuit son QT au même rythme qu’aujourd’hui, il y a fort à parier que dans un an, nous aurons droit à un QE!

Profusion de stratégies

Pendant presque dix ans, la communauté des gérants obligataires a été relativement délaissée par des investisseurs qui n’avaient pas d’appétit pour des taux européens négatifs ou des taux américains très faibles. C’était TINA. Aujourd’hui, les idées ne manquent pas, il y en a même trop. Nous devons juste éliminer les stratégies trop «baroques» (à trop fort effet levier par exemple) ou démesurément volatiles. Nous n’allons pas faire preuve d’originalité en affirmant que parmi les stratégies actuellement attrayantes, celle que nous préférons est l’Investment Grade à faible duration. Nous faisons simplement attention à ne pas tout investir pour garder des munitions qui serviront au cours des semaines à venir.

Les gérants actions devraient s’intéresser de plus près aux hybrides car il s’agit d’une alternative crédible et rentable aux actions proprement dites.

Les spreads pourraient encore s’écarter si jamais Wall Street se mettait à ouvrir un peu plus les yeux à la manière des marchés obligataires. Les émergents ne sont toujours pas les bienvenus dans nos portefeuilles. Nous aimons la partie longue de la courbe US, 10-30 ans à taux nominal car les breakevens vont baisser et maintenir les TIPS en zone dangereuse. Nous allons aimer le 5 ans lorsque nous sentirons que la Fed a besoin de faire une pause.

Enfin, nous regardons de très près quelques hybrides non-bancaires d’excellente qualité avec une logique «buy and hold to call». Cette stratégie ne doit pas s’analyser en tant que dynamisation de la poche obligataire mais plutôt en diversification de la poche equity à travers des hybrides à calls 3-5 ans offrant un rendement aux alentours de 9%. Les gérants actions devraient s’intéresser de plus près aux hybrides car il s’agit, surtout dans des périodes comme celle que nous traversons actuellement, d’une alternative crédible et rentable aux actions proprement dites. Cela va peut-être donner un second souffle à ce marché qui est en pleine déconfiture alors qu’il ne devrait pas souffrir autant. C’est sans doute une partie du succès futur des hybrides qui se joue actuellement car dans une logique 100% taux, ces emprunts sont encore trop volatils et leur profil 50% dette-50% action ne leur permet pas d’occuper une place significative dans les portefeuilles obligataires stricto sensu. En revanche, dans une gestion de type balancé ou 60-40, ces emprunts corporates hybrides devraient désormais occuper la place qu’ils méritent.

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