Quantitative Tightening, on n’a encore rien vu

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Deux outils, deux vitesses

Comme nous le faisions remarquer la semaine dernière, les Fed funds en taux réels s’élèvent encore à -6% et nous devons nous attendre désormais à environ 2% de resserrement monétaire sur les taux Fed funds assortis de 4% supplémentaires obtenus indirectement grâce au Quantitative Tightening (QT). Si la Fed a été relativement agressive en ce qui concerne le volet taux directeurs, la réduction drastique de la taille de son bilan va bientôt (enfin) faire son apparition. La banque centrale américaine va en effet passer à la vitesse supérieure en passant de 47,5 milliards par mois de réduction à 95 milliards par mois dès septembre (60 milliards de Treasuries et 35 de MBS).

Jusqu’à aujourd’hui, la Fed préférait mettre en avant ses décisions de taux, afin notamment de frapper l’opinion. C’est bien joué pour l’instant car s’il faut passer par la case récession, autant actionner un levier majeur, le moral des ménages afin de peser sur leur consommation qui représente toujours plus d’un tiers du PIB. Annoncer au grand public un QT a moins de poids qu’un relèvement de taux qui a des répercussions plus concrètes sur la vie quotidienne des foyers américains.

Septembre sera donc le premier mois à QT «élevé»: les choses sérieuses vont enfin commencer. Cela va peser probablement sur les taux longs US. Le principal acheteur de Treasuries va se mettre à en vendre et de nombreux acheteurs traditionnels étrangers, qui auraient pu prendre le relais, hésitent désormais à acheter des emprunts du Trésor US avec un dollar au plus haut. Force est de constater que la guerre contre l’inflation devient une guerre des monnaies, chaque banque centrale y allant à coups de 75bp de hausse, comme la BCE pas plus tard que la semaine dernière.    

Buy SOFR and don’t suffer

La question qui nous brûle les lèvres aujourd’hui est la suivante: quelle stratégie obligataire adopter dans cet environnement? A moyen-long terme, la réponse est assez facile, il faut être long sur les marchés de taux car la situation se normalisera tôt ou tard, les banques centrales baisseront de nouveau leurs taux (peut-être fin 2023 au lieu de Q2 2023) et les performances reviendront naturellement en territoire positif. Le problème, c’est le court terme: sur les crédits, nous sommes plutôt bullish mais pas sur les niveaux actuels. Nous attendons de plus amples écartements de spreads, dans le sillage d’une éventuelle correction des actions.

Reste la duration: fin août-début septembre nous étions plutôt favorables à un léger rallongement des durations, constatant que les taux longs ne bougent plus tellement. Nous avons été confortés dans cette idée par le fait que le 30 ans n’arrive toujours pas à casser le niveau de 3,5%. Aujourd’hui, à la veille du lancement du «vrai QT», celui à 95 milliards par mois dont 60 d’emprunts du Trésor, nous hésitons: ce fameux plafond de verre de 3,5% pourrait être dépassé à cette occasion.

Conclusion: si nous adoptons une stratégie «wait and see» sur les crédits et si nous faisons temporairement de même sur les Treasuries en attendant de constater l’impact du QT sur les taux longs à la fin du mois, il reste le cash. Après tout, le SOFR rémunère à pratiquement 2,3% et ce n’est pas négligeable. Cela permet, à moindre coût, de se dire que dans l’immédiat il est sans doute urgent de ne rien faire. Et décider de ne rien faire peut se révéler une stratégie de gestion très efficace dans certains contextes. Dans moins d’un mois nous serons fixés: il sera temps de constater l’étendue des dégâts du QT sur la courbe des taux et de ressortir du bois avec de plus fermes convictions concernant notre politique de duration.

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