Au début de l’année 2023, on s’accordait à dire que les relèvements agressifs des taux directeurs, opérés par la Réserve fédérale américaine (Fed) dans le but d’endiguer l’inflation, allaient entraîner les Etats-Unis dans une récession. On s’attendait à ce que les entreprises à faible solvabilité («High Yield», HY) soient confrontées à des conditions d’emprunt plus strictes et à des options de refinancement plus coûteuses. Et pourtant, cela ne s’est pas produit. L’économie américaine s’est mieux comportée que prévu, l’inflation a considérablement reculé, et à 2,0%, le taux de défaut des obligations à haut rendement est resté nettement en dessous de la moyenne sur 25 ans, à savoir 3,4%.
Des possibilités de financement plus nombreuses
Depuis la crise financière de 2008, le marché obligataire américain, y compris les obligations de première qualité («investment grade», IG), les obligations à haut rendement et les prêts à effet de levier («leveraged loans»), est passé d’un volume de 3’200 milliards à 10’800 milliards de dollars. Cet accroissement a été stimulé par des programmes généreux de politique monétaire et fiscale qui ont encouragé les entreprises à s’endetter plutôt sur les marchés des capitaux qu’auprès des banques. Malgré certaines appréhensions initiales, les normes d’octroi de crédit se sont assouplies et les craintes de récession se sont estompées. Le paysage financier des Etats-Unis a évolué, ce qui permet aux entreprises à haut rendement de se tourner vers d’autres sources de capitaux que les prêts bancaires traditionnels.
Le nombre d’émetteurs de prêts à effet de levier a considérablement augmenté. Aux Etats-Unis, le marché de ces prêts à taux d’intérêt élevés est désormais plus important que celui du haut rendement. Les instruments que l’on trouvait sur ce dernier offraient une plus grande flexibilité de refinancement, et des coupons plus avantageux, mais les récents relèvements des taux d’intérêt ont à nouveau renforcé l’attrait des obligations à taux d’intérêt élevés. Les prêts privés sont devenus une option de financement désormais bien établie et rivalisent en taille avec les obligations à haut rendement et les prêts à effet de levier.
Une forte progression des crédits privés
Si le marché du crédit privé a connu un tel essor, c’est parce qu’en période de taux d’intérêt bas, les investisseurs étaient à la recherche de rendements plus élevés. Comme les banques restreignaient leurs prêts commerciaux, le marché du crédit privé s’est engagé dans cette brèche et a financé la plupart des prêts à effet de levier en 2023. Les prêteurs directs peuvent désormais effectuer des transactions plus importantes, ce qui est attrayant pour les acteurs traditionnels du marché obligataire. Étant donné que durant la période des taux bas, les émetteurs à haut rendement ont contracté des dettes avec des coupons au montant relativement bas et des échéances longues, ils disposent maintenant de plus de temps pour s’adapter à des taux plus élevés.
Le marché des obligations à haut rendement peut compléter les prêts privés et offrir ainsi un cycle d’investissement global. Le crédit privé peut soutenir le financement d’entreprises en phase de lancement, tandis que les marchés obligataires peuvent optimiser la tarification et réduire les coûts de financement au fur et à mesure que les entreprises gagnent en maturité. Malgré les incertitudes macroéconomiques, le secteur américain de la finance à effet de levier s’adapte à la nouvelle situation et crée un équilibre entre les marchés du crédit public et du crédit privé, en fournissant un soutien dans un environnement de taux d’intérêt plus élevés.
Les émetteurs et les investisseurs en profitent
L’expansion du marché du crédit privé s’accompagne de risques de liquidité et de manque de transparence, mais les émetteurs du segment à haut rendement bénéficient de sources de capitaux plus diversifiées, ce qui atténue les inquiétudes suscitées par le fait que les banques appliquent des normes plus sévères en termes d’octroi de crédit. Jusqu’ici, les signes indiquent que le marché des obligations à haut rendement parvient bien à s’y accommoder. Tant les directions d’entreprises que les investisseurs ont à cœur de maintenir l’endettement global à un niveau peu élevé. C’est pourquoi les frais d’intérêts globaux ne sont pas notablement plus importants à l’heure actuelle que lorsque les taux d’intérêt étaient bas. En matière de crédit, cela conduit à des améliorations individuelles dans toute la gamme des notations du haut rendement.