Une période effrayante

César Pérez Ruiz, Pictet Wealth Management

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Avenir du contrôle de la courbe des taux par la Banque du Japon. Possible inflexion dans les hausses de taux des banques centrales. Perspectives sombres pour les bénéfices des entreprises.

La semaine dernière, deux grandes banques centrales ont réaffirmé leurs politiques. La Banque du Japon (BoJ) a confirmé sa politique monétaire ultra-accommodante le jour même où le Premier ministre, Fumio Kishida, annonçait un nouveau plan de relance de JPY 71 600 mia (USD 490 mia). Etant donné l’apparente coordination entre la banque centrale et le gouvernement, il semble peu probable que la BoJ change de cap dans un avenir proche – et certainement pas avant le départ de son gouverneur, Haruhiko Kuroda, prévu en avril 2023. Mais les pressions visant le contrôle de la courbe des taux nous incitent à garder une position longue sur le yen pour son potentiel à moyen terme.

Alors que la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux de 75 points de base supplémentaires la semaine dernière, un changement de ton a été perceptible. La BCE a mis l’accent sur les «progrès sensibles» permis par sa politique monétaire, ainsi que sur les risques de dégradation de l’activité économique. Elle ne s’est pas fermement engagée à relever les taux lors de ses «prochaines réunions», et il convient de noter que la décision concernant le resserrement quantitatif a été reportée à décembre. Mais si les indicateurs continuent de pointer vers une baisse de la croissance, l’inflation demeure élevée en Europe (les prix à la consommation ont progressé de 7,1% en France et de 11,6% en Allemagne en rythme annuel ce mois-ci, des niveaux bien supérieurs aux anticipations). Malgré son discours plutôt conciliant, la BCE n’est donc pas au bout de ses peines dans sa lutte contre l’inflation. Nous conservons dès lors une position short sur la duration et sous-pondérons les obligations périphériques de la zone euro.

Les marchés américains ont trouvé un certain réconfort dans les chiffres du PIB publiés la semaine dernière (+2,6% en rythme annuel au troisième trimestre), mais le rallye des actions est principalement dû à la baisse des rendements obligataires, déclenchée par un regain de spéculation sur une possible inflexion du rythme des hausses de taux de la Fed en décembre. Cette spéculation s’appuie sur les signaux émis la semaine dernière par la BCE, ainsi que sur le choix de la Banque du Canada de réduire l’ampleur de ses hausses de taux, de 75 à 50 pb. Mais il faut rappeler que l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle hors alimentation et énergie – un indicateur clé pour la Fed – était encore de 5,1% en septembre, et rien ne prouve que la Fed apprécie l’assouplissement des conditions financières qu’ont représenté la hausse des actions et la baisse des rendements. La saison de publication des résultats du troisième trimestre s’avère être la pire depuis 2021, certains géants de la technologie ayant publié des comptes particulièrement inquiétants. Tandis que les compagnies pétrolières ont, de leur côté, annoncé de bons résultats, de nombreuses entreprises américaines souffrent de l’envolée du dollar. Les estimations de bénéfices pour 2023 étant progressivement revues à la baisse, on ne peut écarter l’hypothèse d’une croissance négative des bénéfices l’année prochaine. En outre, la courbe des taux s’est inversée la semaine dernière dans le segment 3 mois/10 ans des bons du Trésor américain, ce qui est généralement le prélude à une récession. Pour ces diverses raisons, nous sous-pondérons les actions. Enfin, la victoire de Lula da Silva à l’élection présidentielle pourrait déclencher un rallye à court terme des actions brésiliennes. Mais le nouveau président n’a pas encore présenté un programme économique clair, alors que les finances du Brésil sont de plus en plus tendues.

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