Une période beaucoup plus longue d’inflation élevée

Erik Fruytier, Gonet & Cie

3 minutes de lecture

Dans l’ensemble, nous pensons que la tendance à la désinflation se poursuivra, bien qu’à un rythme plus lent.

OPTIMISME (PRUDENT) EN DÉPIT DES INCERTITUDES

En 2024, nous entrons dans la phase finale du cycle inflationniste actuel qui a débuté au lendemain de la crise du Covid. Au début, les banquiers centraux et les investisseurs pensaient que l’inflation serait temporaire. Cependant, avec le recul, nous savons que la perturbation de l’offre, le changement de comportement des consommateurs et la guerre en Ukraine ont conduit à une période beaucoup plus longue d’inflation élevée.

BAISSE DES TAUX EN VUE

L’inflation a atteint un pic d’environ 10% à la fin de l’année 2022, tant aux États-Unis qu’en Europe. Si l’on examine le cycle, on constate que l’inflation a atteint son niveau le plus bas à la mi-2020, qu’elle a franchi le seuil de 2% au premier trimestre 2021 aux États-Unis et au troisième trimestre 2021 dans la zone euro. Les banques centrales ont commencé à relever leurs taux un an plus tard, respectivement au premier et au troisième trimestre 2022, soit près de deux ans après le début du cycle d’inflation et seulement un trimestre avant que l’inflation n’atteigne son point culminant.

Ce bref rappel met en évidence la difficulté actuelle pour les banques centrales de déterminer quand elles doivent commencer à abaisser les taux. L’activité économique s’est déjà considérablement affaiblie en Europe, où la croissance du PIB oscille autour de 0%, tandis qu’aux États-Unis, l’économie a commencé à ralentir au quatrième trimestre 2023. Les marchés financiers s’attendent à des baisses de taux à partir du deuxième trimestre 2024, compte tenu de la tendance actuelle à la désinflation et des signes de ralentissement de la croissance économique aux États-Unis. Nous pensons que les banquiers centraux seront prudents avant de déclarer la fin du cycle d’inflation actuel.

Malheureusement, ce faisant, ils risquent de créer des pressions inutiles sur l’économie, mais ils semblent à ce stade plus préoccupés par l’inflation que par la croissance économique. Les banquiers centraux tentent de gérer les conditions financières en émettant des déclarations alternativement restrictives (hawkish) et accommodantes.

PAS DE BRUTALE RÉCESSION

À l’horizon 2024, à quoi faut-il s’attendre? Nous pensons que l’activité économique va ralentir car les taux d’intérêt plus élevés se répercutent sur l’économie en réduisant le pouvoir d’achat des consommateurs et en exerçant une pression sur les plans d’investissement des entreprises. Les gouvernements ressentiront également la pression des dépenses liées aux taux d’intérêt plus élevés, ce qui limitera leur capacité à mettre en place des mesures de relance budgétaire. Nous ne nous attendons pas à une récession brutale, car les banques centrales auront la possibilité de réduire les taux d’intérêt si l’économie ralentit trop. Toutefois, le principal risque serait une remontée de l’inflation qui limiterait la capacité des banques centrales à réduire les taux. La hausse de l’inflation pourrait résulter de l’augmentation des prix de l’énergie. Cette dernière pourrait être liée à des troubles géopolitiques au Moyen-Orient et en Ukraine ou à des réductions excessives de la production par l’OPEP+. L’inflation pourrait également réapparaître si le marché du travail se resserrait à nouveau et créait de nouvelles pressions salariales qui se répercuteraient sur les prix à la consommation, à moins que les entreprises n’absorbent ces coûts grâce à leurs marges. De nouvelles tensions dans la chaîne d’approvisionnement pourraient également être une source d’inflation. Dans l’ensemble, nous pensons que la tendance à la désinflation se poursuivra, bien qu’à un rythme plus lent.

La croissance des bénéfices des entreprises est tombée à près de zéro en 2023, mais elle devrait commencer à se redresser vers la fin de 2024. Les mouvements actuels sur les marchés des actions sont dus à l’anticipation de la baisse des taux d’intérêt, qui a entraîné une hausse des multiples d’évaluation. Cela est tout à fait normal, car les marchés des actions essaient généralement d’anticiper les événements 3 à 6 mois à l’avance.

Les investisseurs devront accepter une plus grande volatilité au début de l’année 2024, car les anticipations des marchés concernant les futures baisses de taux seront probablement le principal moteur de la performance des actions et des obligations. Il est généralement admis que lorsque les banques centrales procèdent à leur première baisse de taux, c’est le signe que le cycle monétaire s’est inversé et que les taux reviendront à des niveaux reflétant le potentiel de croissance à long terme de l’économie sous-jacente.

Les banquiers centraux maintiennent leur posture restrictive (hawkish) pour renforcer leur message de lutte contre l’inflation. Cependant, à partir de maintenant, le scénario le plus probable est que les taux seront réduits progressivement au cours des 12 à 24 prochains mois, ce qui est généralement positif pour les obligations et les actions. Notre scénario central reste que les États-Unis connaîtront un atterrissage en douceur et que la croissance européenne ne se détériorera pas davantage.

UNE ANNÉE GÉOPOLITIQUE CHARGÉE

Les économistes et les investisseurs ne sont pas très doués pour prédire l’issue des événements géopolitiques et des élections, ce qui se traduit par des périodes de forte volatilité. Nous entrons dans l’année 2024 avec une incertitude importante concernant la crise au Moyen-Orient et toujours pas de résolution de la guerre en Ukraine. L’élection présidentielle à Taïwan en janvier sera le premier événement à surveiller, les investisseurs seront à l’affût de signes de nouvelles tensions entre la Chine et les États-Unis. Les entreprises continueront à réorganiser leurs chaînes logistiques et de production afin de minimiser les risques. Malheureusement, le commerce mondial et les chaînes logistiques perdent en efficacité et les coûts de production augmentent en conséquence. Le principal événement politique de 2024 sera l’élection présidentielle américaine de novembre. À ce stade, les sondages sont très serrés, ce qui signifie que la probabilité d’un retour de Donald Trump est réelle. L’effet de surprise sera moins important qu’en 2016, mais les marchés devront tenir compte d’une plus grande incertitude quant à la politique internationale des États-Unis, tant sur le plan diplomatique qu’économique.

L’IA, NOUS Y VOILÀ!

Enfin, l’émergence de l’intelligence artificielle (IA) aura des effets profonds sur de nombreux aspects de notre vie. L’IA accélère déjà la recherche scientifique et médicale. Au niveau du consommateur, elle sera positive car de nouveaux services verront le jour. Au niveau des entreprises, elle offrira de nombreuses possibilités d’améliorer la productivité. Les employés se sentiront interpellés par la nouvelle technologie, mais celle-ci devrait les aider à consacrer plus de temps à des tâches plus satisfaisantes et à plus forte valeur ajoutée. Une utilisation responsable de l’IA servira le bien commun si elle se fait dans le respect d’un cadre de règles établi par toutes les parties prenantes.

A lire aussi...