Un nouveau modèle: la fin de l’abondance

Philippe Waechter, Ostrum AM

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En 2021, 82% de la consommation d’énergie provenaient des énergies fossiles, il faut viser 30% en 2050.

Jusqu’au XIXe siècle, le cycle économique était très dépendant des conditions climatiques. Deux ou trois années de climat médiocre conduisaient à de mauvaises récoltes et une chute brutale des revenus. Mais la période d’après-guerre a fait disparaître cette dépendance. Une sécurité économique pour le plus grand nombre. Depuis 1950, en France, mais aussi dans tous les autres pays développés, le bien-être, mesuré par le revenu par habitant n’a jamais autant progressé. Cependant, le président Macron a déclaré, dans son introduction au conseil des ministres du 24 août, que le monde serait soumis à de grands bouleversements, à une rupture qui marquerait la fin de l’abondance. Cela prend à revers le modèle de développement installé lors de la révolution industrielle et sans rival depuis la seconde guerre mondiale.

Le futur devient plus incertain

Cette annonce du président français met l’accent sur un phénomène bien connu. Après chaque récession, le taux de croissance tendanciel est un peu plus faible que lors du cycle précèdent. Ce qu’Emmanuel Macron suggère, c’est que cette inflexion pourrait être d’une ampleur supérieure à ce qui a été constaté par le passé. Depuis 70 ans, le monde a connu et géré de nombreuses crises. Elles se sont traduites par des baisses temporaires de l’activité, mais le rebond permettait de se caler sur une tendance haussière. Dans ce contexte, l’abondance, c’est l’idée que les crises ne sont que passagère, un mauvais moment à passer que l’on oubliera vite.

Ainsi, la fin de l’abondance peut être appréhendée comme l’absence de rebond en sortie de crise, ou une reprise insuffisante pour disposer d’une meilleure situation qu’avant la crise. Le PIB, en tendance ne s’accroîtrait pas. Les incertitudes et les contraintes sont telles que l’amélioration du cycle ne garantira pas que la situation sera meilleure dans le futur.

Des ruptures liées à la transition énergétique

Ce changement de tendance pourrait être expliqué par le nécessaire changement de modèle avec la réduction à marche forcée de la consommation d’énergies fossiles.

La révolution industrielle et le développement qui a suivi n’ont été possibles qu’en raison de l’utilisation des énergies fossiles, le charbon d’abord, le pétrole ensuite. Sans cette capacité à mobiliser et à utiliser ces énergies, la tendance haussière du revenu par habitant n’aurait sûrement pas eu la même allure. Mais, le respect des accords signés à Paris en 2015 et la convergence vers la neutralité carbone en 2050 obligent à réduire la consommation d’énergies fossiles très rapidement.

L’ajustement macroéconomique va alors être de grande ampleur. Il faut altérer le modèle macroéconomique pour qu’il ne soit plus conditionné par l’utilisation des énergies fossiles. En 2021, plus de 82% de la consommation d’énergie primaire provenaient des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Il faudrait tendre vers 30% en 2050. L’effort est considérable et l’adaptation du système économique sera spectaculaire.

C’est ce bouleversement inévitable qui alimente les questions relatives à la croissance et à la décroissance. En d’autres termes, la croissance depuis la révolution industrielle a été conditionnée par l’utilisation des énergies fossiles.

Repenser le système de production

Le chef de l’Etat français, ne fait que reprendre le débat entre spécialistes sur l’allure que pourrait avoir l’activité durant la période de transition énergétique, cette période où l’on diminuera la consommation d’énergies fossiles au bénéfice des énergies renouvelables.

Les processus de production ne seront pas les mêmes selon par exemple que l’on construit des véhicules à moteur thermique ou des véhicules à moteur électrique. Le nombre d’emploi et les qualifications nécessaires ne seront pas non plus identiques. L’effort de formation doit être décuplé pour faciliter l’ajustement du système productif.

L’obligation de repenser le système productif doit inciter à rendre la croissance plus autonome, faire de telle sorte qu’à l’échelle de l’Europe, la dynamique de l’activité ne dépendent principalement que des ressources locales. C’est l’autre enjeu majeur de ces bouleversements.

Emmanuel Macron met les pieds dans le plat sur le climat et sur les ruptures et les nécessaires reconstructions qui en résulteront. Reste la question de la mobilisation des moyens pour réussir cette transformation.

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