Ukraine: quelques scenarii possibles

Philippe Waechter, Ostrum AM

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Le conflit entre l’Ukraine et la Russie et le contexte d’incertitude ambiante favorisent les actifs sans risque.

©Keystone

Un conflit aux portes de l’Europe constitue un choc d’incertitude pour les Européens et provoque un comportement plus attentiste tant pour les entreprises que pour les consommateurs. En 1991, lors de la guerre du Koweït, les anticipations des Américains ont été profondément modifiées, provoquant ainsi une récession. Une situation de ce type peut désormais être envisagée en Europe.

Un risque de stagflation

La Russie et l’Ukraine jouant un rôle de premier plan dans l’approvisionnement en matières premières énergétiques, le conflit devrait se traduire par une forte tension des prix. La Russie va miser sur la cartellisation du marché des matières premières, lui donnant ainsi un poids considérable dans les rapports de force à l’échelle mondiale. Les prix seront la variable d’ajustement et ils seront orientés à la hausse, entrainant un choc inflationniste. En d’autres termes, l’inflation va durer plus longtemps – et à des niveaux plus élevés – que prévu. Du fait du conflit, cette dernière pourrait atteindre son point haut au-delà du premier semestre 2022.

La BCE ne devrait pas annoncer de mesures significatives lors de sa prochaine réunion du 10 mars.

Cette situation entraîne deux conséquences liées: tout d’abord, elle a un impact négatif sur le pouvoir d’achat et la consommation. Ensuite, elle va provoquer une demande d’indexation des salaires. Le choc est donc potentiellement stagflationniste, pénalisant la croissance et favorisant l’inflation. Une configuration qui sera d’autant plus pénalisante si le conflit se prolonge. Les banquiers centraux font face à une situation inédite et la BCE ne devrait pas annoncer de mesures significatives lors de sa prochaine réunion du 10 mars. Les incertitudes ne font pas, en effet, bon ménage avec un risque sur la liquidité.

L’impact se fera sentir également sur les prix alimentaires, notamment celui du blé. La Russie, le Kazakhstan et l’Ukraine fournissent 40% des exportations mondiales de blé. Or l’Europe, qui est un exportateur important avec 37 millions de tonnes sur les 200 millions de tonnes échangées globalement, a prévu de réduire sa production de blé de 10 à 20% à l’horizon 2050 dans le cadre de sa stratégie Farm to Fork, au risque de ne plus exporter. Les pays du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient pourraient ainsi ne plus être alimentés en blé européen. Avec le conflit en Ukraine, le caractère stratégique du blé risque d’être renforcé, surtout si l’Europe maintient sa stratégie de réduction de sa production. En cas de rationnement, l’impact de la Russie irait alors bien au-delà de l’Europe et son action pourrait être déstabilisante dans de nombreuses régions du monde.

La durée du conflit est un enjeu majeur

La durée du conflit en Ukraine dépendra largement de son déroulement. A l’heure actuelle, les scenarii envisageables sont au nombre de quatre. Vladimir Poutine pourrait installer un gouvernement à Kiev que les gouvernements occidentaux, afin d’éviter un choc trop brutal sur le prix des matières premières, valideraient implicitement. Les occidentaux, face au fait accompli, justifieraient leur acceptation en faisant appel à l’histoire et à la proximité entre russes et ukrainiens. Selon ce scénario, le conflit pourrait être résolu à la fin du mois de mars, mais sa résolution serait contraire aux choix démocratiques des sociétés occidentales.

Le scénario d’une guerre de guérilla entretiendrait le climat d’incertitude actuel et serait ainsi pénalisant pour l’Europe.

Un deuxième scénario serait celui de voir s’installer, progressivement, une guerre de guérilla. Les occidentaux armeraient les ukrainiens et les aideraient en termes de logistique mais resteraient largement absents du terrain d’affrontement. La contestation du pouvoir russe se ferait alors dans la durée. Cette possibilité entretiendrait cependant le climat d’incertitude actuel et serait ainsi pénalisante pour l’Europe.

Une troisième possibilité serait celle d’une intervention militaire des occidentaux, destinée à rééquilibrer le rapport de force avec Vladimir Poutine. L’Ukraine risquerait alors de devenir le Vietnam contemporain, avec des tensions Est-Ouest qui resteraient largement contenues au sein des frontières du pays. Ce scénario impliquerait que les occidentaux soient prêts à mobiliser et à déployer leurs troupes sur le terrain et constitue, aujourd’hui, une hypothèse forte.

Un quatrième scénario existe dans lequel le peuple russe contesterait l’action de son gouvernement, les sanctions venant affaiblir l’économie russe et créant une récession. Cela n’avait pas suffi à renverser le gouvernement en 2014 mais une mobilisation suffisamment forte pourrait susciter un effet similaire à celui de la chute du mur de Berlin. Dans ce cas, Vladimir Poutine serait forcé d’abandonner l’Ukraine pour concentrer ses efforts sur son propre pays.

Si ces différents scénarii sont pour l’heure difficile à probabiliser, les évolutions récentes et l’incertitude ambiante semblent plutôt favorables, à court terme, aux actifs sans risque.

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