Twitter, le Salvador et le Lightning Network

Yves Longchamp, SEBA Bank

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. L’internet des valeurs qui permet l’échange et la possession d’actifs numériques est sur le point de changer.

Au mois de septembre, deux événements ont attiré mon attention par leur apparente incongruité. J’ai réalisé à quel point la blockchain évolue rapidement et à quelle vitesse elle se propage dans notre société. Dans cette chronique personnelle, je partage ma réflexion.

Ces deux événements sont d’abord l’établissement du bitcoin comme monnaie de cours légal au Salvador et la possibilité de rémunérer en bitcoin les influenceurs de la twittosphère. Ces deux nouvelles sont incongrues car la blockchain du bitcoin est inadaptée à ce genre d’utilisation.

En effet, ces deux utilisations demandent rapidité d’exécution, finalité instantanée et coût de transaction négligeables. Le Bitcoin c’est l’inverse. La vitesse d’exécution est lente, maximum 6 transactions par seconde, la finalité d’une transaction demande environ une heure (6 blocs) et les frais de transactions sont trop élevés (il faut compter environ deux francs par transaction).

Le Salvadorien désireux de payer son café en bitcoin devra attendre une heure pour que la transaction soit confirmée et aura payé un supplément de 40%.

Si on cumule les utilisateurs de Twitter et les habitants du Salvador, on dépasse largement les 200 millions d’utilisateurs potentiel de bitcoin. Concrètement, cela signifie que si chaque utilisateur fait une transaction, il faut plus d’une année pour les traiter toutes! Autrement dit, le citoyen salvadorien qui désire payer son café en bitcoin, n’en boira pas plus d’un par année, il sera servi froid car il aura attendu une heure pour que la transaction soit confirmée et il aura payé un supplément de 40% en frais de transaction pour un Double Caramel Macchiatto.

Pour les utilisateurs de Twitter qui désirent remercier les influenceurs qu’ils apprécient, le bitcoin ne semble pas adéquat non plus. Payé deux dollars de frais de transactions pour quelques dollars de pourboire n’a pas de sens. Les micropaiements ne sont pas adaptés à cette blockchain.

Lightning Network

Pourtant, le Salvador et Twitter ont bien choisi le bitcoin malgré tout ses défauts. La raison de ce choix est justifiée par l’existence d’une solution technique qui permet d’utiliser des bitcoins en s’affranchissant de la lenteur de sa blockchain. Cette solution s’appelle Lightning Network (LN).

Avec LN, les transactions sont instantanées, elles coûtent une fraction de centime et plusieurs dizaines de milliers de transactions peuvent être effectués simultanément. Aussi, Twitter et le Salvador n’utilisent pas à proprement parler la blockchain bitcoin pour transférer les bitcoins mais un réseau parallèle qui comme son nom l’indique est rapide comme l’éclair.

LN existe depuis 2018 et a véritablement pris son envol cette année. Au risque de décevoir quelques lecteurs, vous ne pouvez pas acheter la cryptodevise Lightning Network parce qu’il n’y en a tout simplement pas!

Comment fonctionne LN? De manière très schématisée, chaque utilisateur bloque des bitcoins sur la blockchain mère (à l’aide d’un smart contract) et reçoit un récépissé indiquant le nombre de bitcoins bloqués. C’est ce récépissé qui est traité par LN, les bitcoins «restent» sur la blockchain mère.

Selon le principe «les amis de mes amis sont mes amis», les bitcoins tracent le chemin le plus court entre utilisateurs pour arriver au destinataire.

Ensuite, chaque utilisateur se met en relation avec d’autres membres, il tisse son propre réseau d’utilisateurs en ouvrant une ardoise auprès de chacun d’eux. Comme chacun tisse sa toile, les toiles se touchent, se ramifient et forment finalement une grande toile, le Lightning Network. Selon le principe «les amis de mes amis sont mes amis», les bitcoins tracent le chemin le plus court entre utilisateurs pour arriver au destinataire.

Le nombre de transactions et illimité, la seule chose qui compte est de savoir en tout temps qui a quoi dans son portemonnaie LN. Le jour où l’utilisateur LN désire retrouver ses bitcoins, l’utilisateur fait ses comptes, regarde combien il lui reste dans son portemonnaie LN, clôture le smart contract et libère l’équivalent bitcoin en une transaction sur la chaine mère. 

Epilogue

Il existe un grand nombre de solutions pour palier à la lenteur et au coût, parfois exorbitant, de l’utilisation des blockchains. LN est un exemple qui s’applique au Bitcoin. Il en existe d’autres qui s’appliquent à d’autres blockchains. Dans le cas d’Ethereum qui abrite l’écosystème le plus grand et le plus innovateur – c’est sur cette chaine que la finance décentralisée (DeFi) et les NFT ont été pensés et créés – des solutions se développent. Comme LN, elles permettront aux applications existantes et à des nouvelles applications de fournir de meilleurs services et de toucher un plus grand nombre d’utilisateurs.

L’histoire nous enseigne que la société embrasse les innovations qui offrent des solutions meilleures, c’est-à-dire plus rapides et moins chers: courriel et lettre, monnaie plastique et monnaie physique, journaux papiers et journaux électroniques.

Je ne vois pas de raison à ce que la blockchain fasse exception à cette règle. Je pense que l’internet des valeurs qui permet l’échange et la possession d’actifs numériques tels que l’argent, les produits financiers, la propriété, l’identité, ou encore la musique est sur le point de changer. Ce qui est incongru aujourd’hui, ne le sera plus demain.

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