Transition énergétique: indicateurs au vert

Michaël Oblin, DPAM

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Les hoquets de quelques éoliennes en mer ne devraient pas masquer les efforts des politiques et des régulateurs.

© Keystone

Les «pure players» du secteur des énergies renouvelables ont connu quelques revers et leurs performances boursières en ont pâti. De plus, ce segment de marché étant relativement concentré, les «mauvaises nouvelles» y déclenchent assez facilement des ventes massives: les acteurs les plus affectés ont été ceux qui affichaient des perspectives de croissance élevées et qui ont été entraînés dans la baisse à la suite de la plongée de l’action d’Ørsted, leader danois de l’éolien en mer.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce recul. Le premier est la persistance de problèmes d’approvisionnement susceptibles d’entraîner des retards et d’engendrer des coûts supplémentaires. Le deuxième facteur explicatif est à rechercher dans les incertitudes liées au calendrier et à l’importance des crédits d’impôt pour les investissements aux Etats-Unis (les négociations avec les autorités fédérales sont toujours en cours). Enfin, le troisième est lié aux taux d’intérêt américains élevés qui auront un impact sur la valeur actuelle nette (VAN) de tous les projets de développement des énergies renouvelables aux Etats-Unis.

Une correction très raisonnable

Deux de ces trois facteurs semblent toucher plus particulièrement Ørsted. D'une part, elle aurait démarré des projets sans s’assurer de pouvoir s’approvisionner à des coûts fixés à l’avance pour la totalité de ses besoins. D'autre part, elle aurait pris des décisions d’investissement basées sur des hypothèses trop optimistes pour ce qui concerne les crédits d’impôt consentis par les autorités américaines. Il ne devrait donc pas y avoir de contagion, notamment vers les entreprises plus diversifiées et qui enregistrent de belles progressions de leurs bénéfices liés à des activités autres que celles des énergies renouvelables.

Aux Etats-Unis, lors de récentes enchères pour des projets d’éoliennes en mer, les offres sélectionnées ont atteint des prix d’environ 30% supérieurs aux prix moyens observés lors de précédentes enchères.

Soulignons également que l’éolien en mer devrait viser des rendements plus élevés que l’éolien terrestre ou que le solaire en raison de sa complexité (notamment durant la phase de construction) et de ses besoins importants sur le plan de la maintenance. Par ailleurs, ce type d’éolien pourrait se trouver confronté à des défis particulièrement importants aux Etats-Unis où les constructeurs ont bénéficié ces dernières années d’un «effet de halo». Potentiel de croissance élevé, soutien des autorités (côte Est), profil de risque perçu comme peu élevé et fort engouement durant la période de signature des contrats se sont traduits par des offres de prix agressives sur le marché américain.  Tous ces éléments amènent à penser que la correction boursière ne s’explique pas par un emballement des vendeurs, mais qu’elle reflète plutôt le ralentissement de la croissance et la contraction des marges bénéficiaires de certains acteurs.

De vastes investissements tous azimuts

À plus long terme, il importe toutefois de rester focalisé sur les fondamentaux. Si l’Europe et le monde entendent atteindre leurs objectifs de décarbonisation (zéro net d’ici 2050 pour l’Europe), cela signifie que les besoins en énergies renouvelables croîtront de façon exponentielle. Pourtant, les industriels comme les investisseurs ne se rendent pas compte qu’aujourd’hui de l’ampleur des investissements qui seront nécessaires dans des délais relativement courts. De plus, ces investissements ne porteront pas seulement sur les énergies renouvelables (éolien terrestre, éolien en mer, solaire, biomasse, hydroélectricité, hydrogène, etc.), mais aussi sur les réseaux de transport et de distribution capables de répondre à une production d'énergie plus décentralisée et plus irrégulière.

Evolutions différenciées des coûts

Les autorités devront non seulement tenir compte de l’ampleur des investissements nécessaires, mais aussi de l’impératif de rentabilité auquel sont soumis les développeurs et les opérateurs privés actifs dans le renouvelable. La transition énergétique sera donc onéreuse. Néanmoins, un certain nombre d’indicateurs sont au vert.  Fin octobre, la Commission européenne a annoncé un plan d’action dont l’objectif est de s’assurer que transition énergétique et compétitivité industrielle aillent de concert et que l’éolien reste une réussite de l’Europe (la capacité éolienne installée devrait passer de 204 GW en 2022 à plus de 500 GW en 2030). Les différentes mesures envisagées dans le cadre de ce plan sont perçues comme positives pour le marché, même si elles ne sont pas toutes applicables immédiatement.

Aux Etats-Unis, lors de récentes enchères pour des projets d’éoliennes en mer, les offres sélectionnées ont atteint des prix d’environ 30% supérieurs aux prix moyens observés lors de précédentes enchères, prix qui pourront être adaptés à l’inflation jusqu’au moment où le projet arrivera au stade de la décision définitive d’investissement. Cela montre bien que l’augmentation du coût du capital et des investissements peut être et sera pris en compte dans les enchères pour l’éolien en mer aux Etats-Unis.

L’élan en faveur des énergies renouvelables reste donc très présent. En témoignent les perspectives 2023 de l’Agence Internationales de l’Energie (AIE) qui prévoient que le système énergétique mondial sera très différent de ce qu’il est aujourd’hui d’ici la fin de cette décennie. Selon l’AIE, les capacités additionnelles de production d’énergies renouvelables devraient progresser de 107GW, la plus forte augmentation absolue jamais observée, et atteindre 440 GW en 2023. L’agence estime par ailleurs que les coûts moyens actualisés de l’énergie éolienne terrestre et du solaire photovoltaïque devraient à nouveau diminuer en 2024 (même s’ils restent de 10 à 15% plus élevés que ceux de 2020 en raison du prix élevé des matières premières et du transport ainsi que de l’augmentation des coûts de financement imputable à la hausse des taux d’intérêt). En conclusion, le fait qu’à travers le monde entier les politiques et les régulateurs s’attaquent à la question de la transition énergétique est en soi un indicateur positif.

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