S’adapter au réchauffement climatique ou en atténuer les effets?

Morgan Williams, Robeco

3 minutes de lecture

Bien que les efforts pour créer un indicateur commun sur la nature soient louables, ils risquent de ne pas aborder le problème fondamental.

Alors que la Semaine du climat de New York (NYCW) s’achevait fin septembre, l’ouragan Helena a frappé la Floride, causant des ravages et des pertes humaines. La force de ce phénomène le long de la côte est des États-Unis et son apparition lors de l’une des plus grandes conférences sur les investissements climatiques ont fait de l’adaptation au réchauffement climatique le thème central de ce rendez-vous mondial, qui se concentrait habituellement sur l’atténuation des effets du changement climatique.

Pour les investisseurs durables, cela signifie relever un double défi: rechercher des rendements tout en favorisant une transition équitable. Cependant, la question centrale demeure: comment intégrer efficacement les questions d’adaptation climatique dans la construction de portefeuilles, face aux options d’investissement limitées disponibles aujourd’hui? S’il existe des solutions abondantes dans le domaine des énergies renouvelables, comment les investisseurs pourraient-ils jouer un rôle proactif pour éviter que la Floride ne soit frappée par des ouragans?

L’atténuation, une opportunité manquée?

Pendant des années, l’un des piliers de l’investissement durable a été l’atténuation du réchauffement climatique, c’est-à-dire l’apport de capitaux aux entreprises qui travaillent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et à juste titre, car cette politique reste notre meilleure option pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.

Cependant, pour beaucoup, il est déjà trop tard. Notre inertie nous a fait manquer cette opportunité: l’atténuation semble désormais hors de portée. La hausse des températures mondiales se dirige vers un seuil de 2,7°C, risquant de franchir des points de non-retour. De nombreuses discussions menées lors d’événements organisés dans le cadre de la NYCW ont mis en évidence une dure réalité: l’atténuation ne suffit plus; l’adaptation et la résilience deviennent les nouveaux impératifs, et les investissements dans ces domaines sont désormais essentiels.

La résilience, un levier nécessaire pour corriger la trajectoire

Sécheresses, inondations, ouragans et incendies de forêt font désormais partie de notre quotidien, et leur fréquence comme leur gravité continueront de croître. L’arrivée de l’ouragan Hélène renforce l’idée que le réchauffement climatique n’est plus un risque lointain mais un danger présent.

Nous devrons adapter nos systèmes sociaux, économiques et environnementaux afin de limiter les effets néfastes du réchauffement climatique et assurer une capacité de récupération rapide face aux événements climatiques et météorologiques. De telles approches nécessitent un haut niveau d’innovation et une mobilisation importante de capitaux, avec de nombreuses opportunités dans différents secteurs.

Comment les investisseurs durables peuvent-ils s’adapter?

Aujourd’hui, la grande majorité des fournisseurs de solutions climatiques se concentre sur l’atténuation, notamment la décarbonation, tandis que moins de 1% des titres de notre univers d’investissement obtiennent un score positif en matière d’adaptation et de résilience. Rediriger les investissements vers l’adaptation réduirait naturellement nos options d’investissement et pourrait détourner des ressources des efforts de réduction des émissions. Ainsi, pour maximiser notre impact climatique, nous adoptons une approche équilibrée, combinant ces deux stratégies essentielles et souvent complémentaires dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Cette situation met cependant en lumière la nécessité pour les entreprises d’investir davantage dans l’adaptation, car les risques climatiques prennent de plus en plus de l’ampleur, avec des effets dévastateurs. Dans la taxonomie de l’UE, l’adaptation est le deuxième objectif le plus important, après l’atténuation, et couvre un large éventail d’activités économiques, allant de l’agriculture et de la construction de bâtiments aux technologies de l’information et à l’industrie manufacturière.

Cette année, plusieurs exemples de cadres définissant des critères crédibles pour les activités d’adaptation et de résilience ont été publiés, facilitant ainsi les flux de financement vers ces domaines.

La biodiversité: une solution naturelle et multifonctionnelle

Un autre dilemme crucial pour les investisseurs soucieux des données est de savoir comment procéder en l’absence de critères communs permettant de mesurer les progrès réalisés en matière de conservation de la biodiversité. Comment prendre des décisions d’investissement éclairées s’il n’existe pas d’indicateur «miracle» pour évaluer les performances?

Ces dernières années, la biodiversité a gagné en importance sur l’agenda financier, et elle a été au centre de nombreuses discussions durant la NYCW. Outre leur rôle dans la production agricole, essentielle à la survie de l’humanité, les écosystèmes jouent également un rôle crucial dans l’atténuation et l’adaptation. Les forêts, y compris les forêts tropicales, et les océans, agissent comme des puits de carbone naturels, absorbant le CO2 de l’atmosphère. Les zones humides et les mangroves, de leur côté, fonctionnent comme des éponges naturelles, absorbant l’eau excédentaire en cas de fortes pluies, et limitent les risques d’inondations destructrices.

Lente intégration des enjeux naturels dans les marchés financiers

Malgré de multiples alliances et de nouveaux acronymes tels que TNFD, BII et MSA, les progrès en matière d’intégration des considérations naturelles dans les marchés financiers restent lents. Cette lenteur peut s’expliquer par la demande des acteurs financiers de disposer d’un indicateur commun sur la nature, similaire à l’empreinte carbone, qui a été un point de départ pour l’analyse climatique.

Bien que les efforts visant à élaborer un tel indicateur soient louables, ils risquent de ne pas résoudre le problème fondamental. En effet, malgré des bilans carbones de plus en plus sophistiqués, le réchauffement climatique s’accélère en raison de la hausse des émissions.

L’intégration de la nature dans nos stratégies d’investissement est essentielle pour un avenir durable. En mettant en œuvre des indicateurs de réduction du carbone et d’amélioration de la nature, nous pouvons réduire les émissions de carbone tout en renforçant la résilience et la capacité d’adaptation de notre économie.

A lire aussi...