Les dilemmes de l’investissement dans la chimie

Rachel Whittaker, Robeco

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Tenir compte de l’impact de l’industrie chimique sur le monde pour l’investissement durable est un défi de tous les jours.

Les produits chimiques sont essentiels à la fabrication de nombreuses choses du quotidien, tant dans l’alimentation, l’eau potable ou les produits de santé que dans les secteurs du logement ou du textile, et bien d’autres encore. Ces dernières années, cependant, l’on entend parler que des effets néfastes des produits chimiques, tels que la pollution des «produits chimiques éternels» que sont par exemple les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) et les plastiques à usage unique, ou les conséquences des pesticides sur la biodiversité.

L’ONU elle-même reconnaît que «la réalisation des objectifs sociaux et économiques de la communauté mondiale requiert l’utilisation de nombreux produits chimiques». Or, l’on a atteint le point où les limites planétaires pour les nouvelles entités ont déjà été franchies – ce qui signifie que l’on fabrique désormais plus de produits chimiques que la planète ne peut en supporter.

Le dilemme est que nombre de substances chimiques utiles ont des propriétés dangereuses pour l’environnement et la santé humaine, et que leur utilisation au cours du siècle dernier a dépassé notre compréhension de leurs effets. Plus de 350’000 produits chimiques synthétiques existent actuellement, et leur production devrait tripler d’ici à 2050.

Les gouvernements du monde entier reconnaissent aujourd’hui qu’une meilleure réglementation est nécessaire pour gérer les produits chimiques et les déchets dangereux, ce qui aura des répercussions financières significatives pour les entreprises qui les fabriquent et les utilisent.

Les entreprises qui ont déjà commencé à réduire les substances dangereuses, qui travaillent à des solutions plus sûres et qui ont une bonne gestion des impacts de leurs opérations sont considérées de manière positive.
Le plus grand bouleversement depuis des décennies

Publiée en 2020, la stratégie de l’UE pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques est considérée comme le plus grand bouleversement depuis des décennies pour l’industrie chimique. Cette stratégie fait partie du pacte vert pour l’Europe, un ensemble d’initiatives politiques intersectorielles dont le but est d’atteindre une transition verte et la neutralité carbone d’ici à 2050. Parmi les objectifs figurent les suivants:  

  • Interdire les substances les plus nocives dans les produits de consommation et éliminer progressivement les PFAS
  • Améliorer les évaluations de risque en tenant compte de l’effet cocktail des produits chimiques
  • Créer une procédure plus simple basée sur le principe «une substance, une évaluation»
  • Favoriser la résilience et la durabilité des chaînes d’approvisionnement des produits chimiques
  • Durcir les normes mondiales et n’investir que dans les produits chimiques qui sont sûrs et durables

Cette stratégie concernera un tiers des substances couramment utilisées au quotidien (dans les produits d’entretien, les cosmétiques, les peintures, mes plastiques, etc.). Selon les estimations du marché, les substances qui seront interdites d’ici à 2040 représentent 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit environ 12% du marché européen des produits chimiques, tandis que d’autres produits seront reformulés ou réglementés de manière plus stricte.

La dimension financière

La matérialité financière et la matérialité durable sont les deux revers d’une même médaille. Comprendre les répercussions d’une entreprise est essentiel pour savoir comment cela affectera sa croissance, sa rentabilité et ses risques. Lorsque les sociétés chimiques sont évaluées, les effets de leurs produits, leur politique de «stewardship», leur stratégie climatique et l’éco-efficacité de leurs opérations, sont examinés. En particulier dans la gestion des déchets dangereux et leur gouvernance d’entreprise.

Les entreprises qui ont déjà commencé à réduire les substances dangereuses, qui travaillent à des solutions plus sûres et qui ont une bonne gestion des impacts de leurs opérations sont considérées de manière positive. Ces sociétés devraient bénéficier des évolutions à venir dans l’industrie et la demande du marché, une tendance favorisée par les entreprises qui sont davantage au contact des clients.

La bonne gouvernance et la transparence sont également des critères recherchés, car ils aident à atténuer le risque de problèmes à venir. Les entreprises qui ne sont pas en phase avec les évolutions du marché devront probablement assumer des coûts d’adaptation plus élevés à l’avenir, et perdre des parts de marché.

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