Qui décide de ce qui est durable?

Rachel Whittaker, Robeco

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Les dilemmes de l'investissement durable révèlent que les défis dépassent largement la simple recherche de performances financières.

À mesure que les investisseurs se concentrent sur la fin de l'année, beaucoup prennent le temps de réévaluer leurs choix d'investissement et la manière dont ils souhaitent faire fructifier leur épargne. Dans des pays comme la Suisse, où les cotisations à des régimes de retraite personnels sont fiscalement avantageuses, la perspective à long terme est souvent au cœur des décisions financières. Cependant, l'idée de «voter pour l'investissement durable» à chaque occasion est loin d'être simple pour tous.

Des objectifs d’investissement variés

Les objectifs d'investissement durable et financier ne sont pas uniformes d’un individu à l’autre. Chaque investisseur peut avoir une vision personnelle de ce qu’il considère comme durable, en fonction de ses valeurs et de ses priorités. Alors que certains adoptent une approche stricte et choisissent des fonds exclusivement qualifiés de durables, d'autres privilégient des options plus traditionnelles qui leur semblent mieux correspondre à leurs besoins financiers, tout en intégrant des principes éthiques dans d'autres aspects de leur vie. Cette approche mixte inclut parfois des contributions philanthropiques ou des dons visant à compenser l'impact potentiel de leurs investissements non durables.

Le Dilemme des choix

Pour les détenteurs d'actifs, le dilemme devient plus complexe à mesure que les régulateurs renforcent les définitions et les exigences liées à l’investissement durable. Si, d’un côté, certains investisseurs cherchent à aligner leurs placements avec leurs valeurs morales, ils n'en oublient pas pour autant l'importance de la performance financière. Ce double objectif crée des tensions, surtout lorsque les choix de durabilité risquent d’entraver les rendements financiers.

Les investisseurs sont de plus en plus nombreux à s'intéresser à des stratégies qui ne sont pas nécessairement étiquetées comme durables par les régulateurs.

Plusieurs questions difficiles se posent donc: le gaz naturel doit-il être considéré comme une activité durable ou comme une solution transitoire? L'énergie nucléaire est-elle une solution durable? Les armes utilisées pour renforcer la sécurité publique peuvent-elles être considérées comme compatibles avec les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance)? Ces débats témoignent du fait que tant les investisseurs que les régulateurs ont des points de vue différents sur ce qui constitue réellement un investissement durable.

Des approches axées sur la transition 

Les investisseurs sont de plus en plus nombreux à s'intéresser à des stratégies qui ne sont pas nécessairement étiquetées comme durables par les régulateurs, mais qui répondent à leurs propres critères de respect de l'environnement et de la société. Par exemple, les approches axées sur la transition vers une économie plus verte ou sur l'engagement actif avec les entreprises sont des stratégies de plus en plus prisées. Ces méthodes visent à soutenir le changement au sein des entreprises et des industries, mais elles ne sont pas toujours reconnues par les labels et les taxonomies traditionnels de l'investissement durable.

Les régulateurs jouent un rôle clé

Alors, qui décide de ce qui est durable? Les régulateurs jouent un rôle clé en définissant les normes minimales pour la commercialisation des produits d'investissement durables et en garantissant la transparence. Le cadre réglementaire est essentiel pour protéger les investisseurs et assurer une prise de décision éclairée. Toutefois, les détenteurs d'actifs, de leur côté, exercent leur droit de décision par leurs choix d'allocation.

Dans un contexte où les critères de durabilité deviennent de plus en plus stricts, il est possible que certains investisseurs se détournent de ces produits si ces derniers privilégient de manière disproportionnée l'alignement des valeurs au détriment des rendements financiers. À long terme, le succès des Objectifs de développement durable (ODD) et les progrès en matière de durabilité seront les véritables indicateurs de la justesse des décisions prises par les régulateurs, les gestionnaires d'actifs et les investisseurs.

Les détenteurs d'actifs ne sont pas de simples spectateurs

En fin de compte, il est clair que les régulateurs ont une influence considérable sur la définition de l’investissement durable. Toutefois, les détenteurs d'actifs ne sont pas de simples spectateurs. Ils jouent un rôle actif, façonnant l’avenir de l’investissement durable par leurs choix. Le temps nous dira si les décisions prises aujourd'hui, qu'il s'agisse de favoriser des investissements dans la transition énergétique ou d'opter pour des fonds plus traditionnels, auront contribué à créer un avenir plus durable.

Les dilemmes de l'investissement durable montrent que les enjeux vont bien au-delà des performances financières. Ils interrogent sur les valeurs, les priorités et la manière dont chaque investisseur entend utiliser ses ressources pour façonner l'avenir.

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