Rendements haussiers et offre à venir de titres obligataires, les signaux qu’envoie le sell-off

Tiffany Wilding, Pimco

2 minutes de lecture

La diminution des probabilités de récession peut accroître les anticipations des investisseurs quant à l'offre future d'obligations sur le marché.

Le sell-off du marché des obligations d'État américain résulte en grande partie des anticipations des investisseurs d’une plus grande résistance de l’économie américaine. Cependant, leurs inquiétudes concernant l'inflation et la poursuite des hausses de taux par la Réserve Fédérale ne semblent pas à l’origine des mouvements de marché. La baisse des anticipations de récession en est plutôt la cause car, cela pourrait en fait entraîner une augmentation de l'offre d'obligations d'État; par conséquent, les investisseurs exigent une prime plus élevée (un «coussin de rendement» plus important) pour détenir des obligations à plus longue échéance. Le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans a ainsi brièvement atteint 5%, un niveau inégalé depuis 2007 et a coïncidé avec une pentification de la courbe des rendements (en particulier, la courbe des rendements réels).

Cette situation semble contre-intuitive: la diminution des probabilités de récession peut accroître les anticipations des investisseurs quant à l'offre future d'obligations sur le marché. Habituellement, une croissance plus forte augmente les recettes publiques par le biais d'une hausse des recettes fiscales, et les besoins de financement de l'État diminuent. Toutefois, ce n'est pas le cas actuellement, car en l'absence d'une récession imminente, les banques centrales peuvent réduire leurs avoirs obligataires dans des proportions plus importantes qu'elles ne le feraient autrement. En outre, les perspectives budgétaires pourraient s'être encore détériorées, car les incitations gouvernementales en faveur des énergies renouvelables pourraient réduire les recettes fiscales dans ce secteur en pleine croissance.

Les estimations économétriques sont entachées d'une grande marge d'erreur, mais en examinant 11 études universitaires, nous pouvons raisonnablement estimer que le marché a évalué à environ 3500 milliards de dollars supplémentaires l'offre d'obligations d'État américaines.

Une nouvelle expansion budgétaire aux États-Unis pourrait changer cette perspective. Toutefois, la possibilité d'une nouvelle expansion budgétaire américaine significative paraît peu probable. Comme expliqué dans dans le dernier «Secular Outlook», intitulé «L’économie d’après-choc», les interventions budgétaires massives liées à la pandémie et les niveaux élevés de la dette souveraine limiteront probablement une nouvelle expansion budgétaire, même en cas de ralentissement économique. L'augmentation des coûts d'emprunt des gouvernements due à la hausse des rendements creuserait davantage les déficits au fil du temps.

En revanche, si les marchés réévaluent et anticipent davantage le risque qu'une récession à court terme amène la Fed à cesser la réduction de son bilan avant la neutralité, les primes de terme pourraient s'inverser et commencer à diminuer. Les responsables de la Fed ont fait savoir qu'en l'absence de récession, ils pourraient continuer à réduire leur bilan même après avoir entamé une politique moins restrictive. Toutefois, une récession modérée les inciterait, probablement, à cesser de réduire le bilan, même s'ils ne relancent pas finalement les achats d’actifs.

Les marchés semblent trop complaisants quant à l'évaluation des risques de récession. La dernière hausse des rendements en est une nouvelle preuve. Cependant  une politique monétaire stricte et des rendements obligataires plus élevés pourraient engendrer ce à quoi les marchés ne semblent pas s'attendre. En effet, à mesure que l'augmentation du coût du capital se répercutera sur l'économie, il est probable qu'elle réduira les nouveaux flux nets de prêts nécessaires pour stimuler la production économique.

En positif, nous pensons que la pentification de la courbe des taux crée une opportunité intéressante pour les investisseurs des marchés monétaires d'envisager l'ajout d'actifs de plus longue durée. Les rendements de départ sont élevés, historiquement élevés, et par rapport aux autres classes d'actifs sur une base ajustée au risque. Ce coussin de rendement, dans un contexte de perspectives encore très incertaines, pourrait aider les investisseurs à construire des portefeuilles résistants avec un niveau de risque modéré. En d'autres termes, l'offre est peut-être déjà reflétée dans le prix (et le rendement) des obligations du Trésor, mais ce qui n'est pas dans le prix doit être suivi attentivement: le ralentissement de la croissance et l'augmentation des risques de récession qui résulteront très probablement du resserrement des conditions financières actuelles.

A lire aussi...