Réserve fédérale: la ligne d’arrivée n’est pas encore en vue

Thomas Costerg, Pictet Wealth Management

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La Fed devrait encore opter pour un bond des taux de 75 points de base ce mercredi et il nous parait illusoire de penser que Powell signale une fin prochaine des hausses.

La Réserve fédérale devrait encore une fois monter les taux de façon «jumbo» (75 points de base) lors de sa réunion finissant le 2 novembre. Le taux plafond de la Fed devrait donc être amené à 4,0%.

Il ne devrait pas y avoir de changement dans les plans de réduction du bilan: cette réduction continue en ‘pilote automatique’ en toile de fond, à un rythme attendue d’environ 1000 milliards sur les douze mois prochains.

Malgré les pressions politiques grandissantes, y compris des lettres ouvertes de certains sénateurs démocrates craignant des dommages collatéraux sur l’économie, la Fed devrait rester ‘droite dans ses bottes’ étant donné la persistance de l’inflation. En effet, l’alpha et l’omega de la Fed en ce moment est l’inflation ‘core CPI’ qui est à nouveau restée têtue à 6,6% pour les derniers chiffres de septembre (pour une inflation totale à 8,2%), même si d’aucuns pourront regretter que la Fed continue de regarder dans le rétroviseur alors que les dangers économiques s’accumulent dans le pare-brise.

La Fed regarde également particulièrement les gains d’emploi, toujours très résilients (le taux de chômage est à un plus bas de 3,5%), ainsi que les attentes d’inflation des consommateurs (notamment celles de l’enquête du Michigan). Ces dernières restent relativement élevées à 5% (chiffre d’octobre), et nourrissent particulièrement les craintes d’une inflation qui deviendrait indélogeable parce qu’ancrée dans les mentalités, de type années 1970.

Par contre les déboires du marché immobilier américain, illustrés par une baisse de 30% des promesses de vente en septembre, seront sûrement ignorés. Certains de la Fed pensant que c’est justement un coup d’arrêt nécessaire à la surchauffe pendant le Covid-19, d’autres parce que cela pourrait signaler une baisse des loyers à venir, un moteur important de l’inflation ces derniers temps.

Même si le président Jerome Powell pourrait faire allusion à une baisse de cadence des hausses et potentiellement à la prochaine réunion de décembre, il nous parait illusoire de penser que Powell signale une fin prochaine des hausses, comme l’a fait le voisin la Banque du Canada récemment.

Le marché monétaire escompte un taux «pic» de la Fed à quasiment 5% en mai prochain, bien au-delà du taux de 4,6% communiqué par la Fed dans ses projections de septembre (les projections seront réactualisées en décembre).

Notre conclusion est donc de ne pas attendre que Powell pointe que la ligne d’arrivée est en vue; la Fed est prête à prendre le risque d’une récession économique car son cheval de bataille est l’inflation élevée, tandis qu’elle est loin de retrouver la foi dans les modèles économiques prospectifs de type keynésien qui montrent une hausse de l’écart de production («output gap»), désinflationniste pour 2023, ou même les modèles monétaristes qui montrent une soudaine contraction de la liquidité. La Fed fait du «au jour le jour». Néanmoins la conséquence est justement une potentielle sous-estimation des risques économiques et également des risques systémiques découlant du retrait brutal de liquidités, surtout que la Fed est imitée par les autres grandes banques centrales mondiales dans son resserrement prononcé. Il se pourrait que la Fed ne porte peut-être pas assez de considération aux montants élevés de dette dans le système financier international. En tout état de cause, c’est un moment très délicat pour les politiques monétaires, aux Etats Unis et ailleurs, étant donné la résilience de l’inflation. Meeting de la Fed après meeting de la Fed le scénario rose d’un «atterrissage en douceur» s’éloigne davantage, d’après nous.

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