Que reste-t-il de la quête de rendement?

Levi-Sergio Mutemba

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Probablement plus rien. La peur de perdre le capital demeure trop élevée pour s’exposer aux obligations.

La recherche de rendement a pratiquement défini plus d’une décennie de l’histoire des marchés financiers depuis la crise financière de 2008-2009. Une décennie sans inflation. Aujourd’hui, face à une progression des prix à la consommation jamais vue depuis plusieurs générations, que reste-t-il de la quête de rendement? «Avec le tournant pris par les banques centrales, il n’en reste rien», assure Franck Dixmier, Global CIO Fixed Income chez Allianz Global Investors (AllianzGI), contacté par Allnews.

«Il est évident que les investisseurs sont toujours à la recherche de rendement, mais, face à la correction obligataire la plus importante des 70 dernières années, provoquée par le revirement majeur des politiques monétaires, leur préoccupation principale est la préservation de leur capital», poursuit Franck Dixmier.

Les banques centrales ayant fait de la lutte contre l’inflation leur principal objectif, celles-ci continueront à augmenter les taux d’intérêt aussi longtemps que nécessaire. Et ce, sans qu’il soit possible d’évaluer quand ce mouvement prendra fin. Selon Franck Dixmier, les investisseurs devraient donc rester prudents face aux nouvelles émissions obligataires, même en présence de taux de rendement pourtant nettement plus élevés qu’il y a encore un ou deux trimestres.

«Le rendement qui s’est reconstitué sur la classe d’actifs est secondaire par rapport au risque de perte en capital», prévient Franck Dixmier. «Il est donc prématuré d’entrer dans une nouvelle recherche de rendement, car ce serait s’exposer à des pertes de capital qui annuleraient ce rendement.» AllianzGI estime que les marchés n’anticipent pas encore pleinement le potentiel de hausses de taux à venir aux États-Unis et en Europe. En revanche, Franck Dixmier souligne que, «pour l’investisseur de long terme, il peut être intéressant de construire des positions, notamment sur le marché du crédit américain».

«Les rendements à 2 ans évaluent le pic des taux de la Fed à 4,75%»

Egalement contacté, Stéphane Monier, CIO de la Banque Lombard Odier & Cie, estime également qu’il ne reste «pas grand-chose» de cette quête de rendement. «Les investisseurs privilégient désormais la qualité et la sécurité», constate-t-il, que nous avons. Et ce, depuis un certain temps déjà. «En janvier 2020, 30% de la valeur de marché de l’univers des obligations de qualité, tel que défini par l'indice Bloomberg Global Aggregate, affichait un rendement négatif», précise-t-il encore.

«Ce chiffre n’est passé sous la barre des 20% qu’au quatrième trimestre de 2021, lorsqu’il est devenu évident que les banques centrales allaient commencer à durcir leur politique ultra-accommodante», rappelle Stéphane Monier. Celui-ci ajoute que les craintes de récession, liées à la posture de plus en plus restrictive des banques centrales, «entraîne une réévaluation des primes de risque». Réévaluation renforcée par le fait que les signaux de marché semblent relativement contradictoires.

Alan Mudie, CIO de la boutique d’investissement indépendante Woodman, partage lui-aussi l’avis selon lequel la quête de rendement est révolue. Il souligne néanmoins que cette recherche de rendement «s’était initialement muée en quête de risque», comme l’illustre la crise obligataire cette année. «Les investisseurs se voient toutefois offrir aujourd’hui la possibilité d’investir à court terme sur les meilleures signatures et d’obtenir des rendements relativement satisfaisants», ajoute Alan Mudie.

«Il est encore trop tôt pour déclarer que l’inflation a été jugulée»

Notamment les rendements des Treasuries à deux ans, à environ 4,1%. Ou un rendement de près de 2% sur les Bunds de même échéance. «De même, les obligations en euros de débiteurs privés de haute qualité sont redevenues une option intéressante.» Mais les occasions restent relativement rares, en raison du changement de régime du marché caractérisé par une peur exacerbée de l’inflation.

«Malgré les espoirs de nombreux investisseurs, nous considérons qu’il est encore trop tôt pour déclarer que l’inflation a été jugulée», souligne Alan Mudie. Pour qui il existe un risque non négligeable de voir les taux directeurs grimper au-dessus de ce qui est attendu par le consensus, soit 4,5% en mars prochain pour les Fed Funds, par exemple.

«Si notre hypothèse se vérifie, il faut s’attendre à une hausse supplémentaire des taux, y compris sur les échéances longues. Il est donc encore trop tôt pour se positionner sur les obligations à long terme.» Pourtant, les signaux montrent que le marché anticipe la fin proche du cycle de resserrement monétaire et que, face au risque de récession induit par les hausses des taux d’intérêt, les banques centrales pourraient à nouveau les réduire.

«Cette attente des investisseurs nous paraît discutable, car les pressions inflationnistes nous paraissent plus structurelles que conjoncturelles. Nous voyons donc un risque non-négligeable de remontée des rendements sur l’ensemble des échéances. C’est pourquoi nous continuons à privilégier des durations courtes», conclut Alan Mudie, contacté par Allnews.

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