Quand la Chine s’éveillera... à nouveau

Jean-Christophe Rochat, Banque Heritage

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En sortant de son orthodoxie monétaire et budgétaire, l'économie chinoise tente d’opérer un rebond conjoncturel soutenu par une compétitivité internationale retrouvée.

Depuis plusieurs années, l'économie chinoise déçoit, marquée par une inaction apparente du gouvernement face aux défis économiques, notamment la crise du secteur immobilier résidentiel. Cependant, les récentes initiatives budgétaires pour l'année 2024 laissent poindre une lueur d'espoir. Plusieurs indices indiquent qu’un rebond conjoncturel, significatif, est en cours d’orchestration.

Vers des politiques monétaire et budgétaire cohérentes?

Le projet de budget 2024 prévoit une augmentation significative des dépenses publiques, entraînant une hausse du déficit consolidé en pourcentage du PIB, de 5,8% en 2023 à 7,2%. Cette évolution marque ainsi un tournant par rapport aux politiques budgétaires antérieures et signale un assouplissement de l'orthodoxie budgétaire traditionnelle. L'émission prévue d’«ultra-long special Treasury bonds» d'une valeur d'un trillion de yuans est un élément clé de cette nouvelle approche. Cette mesure vise à soutenir la mise en œuvre de stratégies nationales majeures et à renforcer les capacités de sécurité dans des domaines clés tels que la technologie, la sécurité et les pièces de haute précision.

Faute de «bazooka» monétaire, Pékin engage une reflation holistique, plus créative que d’habitude.

Ce changement de cap budgétaire s'accompagne d'une évolution dans la direction de la politique monétaire. Le remplacement de l'ancien président conservateur de la Banque populaire de Chine (PBoC), Yi Gang, par Pan Gongsheng, l'été dernier, est perçu par certains observateurs comme un signe de ce changement. Cette nomination pourrait ouvrir la voie à une coopération plus étroite entre les autorités monétaires et fiscales, voire à des mesures de relance monétaire telles que le quantitative easing (QE), bien que Yi Gang ait exprimé des réserves à ce sujet dans le passé.

Un positionnement stratégique au service de la compétitivité

Grâce à sa position géopolitique stratégique, la Chine, tout comme l'Inde, bénéficie actuellement d'un prix attractif de l'énergie. Consciente de ce privilège, la Chine a rempli ses réserves stratégiques de pétrole à pleine capacité au cours des derniers trimestres.  Plus récemment, les stocks de cuivre ont atteint des niveaux records au premier trimestre. Cette dynamique est particulièrement notable étant donné la forte demande de ce métal dans l’industrie des véhicules électriques.

Cette accumulation de réserves pourrait suggérer une dimension plus stratégique de la part des planificateurs chinois. Est-ce que cela pourrait impliquer la préparation de mesures de relance plus agressives dans des secteurs clés tels que l'infrastructure et l'immobilier? Dans tous les cas, cette approche contracyclique de l'approvisionnement en ressources naturelles permettrait à la Chine de mieux résister à une éventuelle hausse des prix lorsque l’économie mondiale reprendra son élan, ou en cas de choc géopolitique majeur (impliquant des acteurs tels que l'Inde, la Corée du Nord, ou Taiwan, par exemple). En protégeant ainsi son appareil manufacturier et productif, la Chine se positionne pour les trimestres à venir et se tient prête à faire face aux défis économiques et géopolitiques susceptibles de se présenter sur la scène internationale.

Chine vs Japon: la bataille du commerce extérieur

Au-delà des frontières de la politique économique nationale, d’autres développements pourraient bientôt influencer le paysage du commerce extérieur chinois. La convergence probable de deux événements majeurs que sont la fin imminente de la politique monétaire ultra-accommodante du Japon et la perspective d'une appréciation du yen japonais, pourrait avoir des répercussions significatives pour la Chine. Au cours des dernières années, la sous-évaluation notable du yen japonais par rapport au yuan chinois a conféré aux entreprises japonaises un avantage concurrentiel considérable sur les marchés asiatiques et émergents. Cet avantage s'est notamment manifesté dans des secteurs jugés stratégiques tels que l'infrastructure des transports, les turbines et les centrales électriques - où la Chine détient une avance technologique significative, notamment dans le domaine du nucléaire - ainsi que dans la production de panneaux solaires, entre autres. Aujourd’hui, ces marchés sont des cibles privilégiées pour la Chine dans sa quête de nouveaux débouchés.

La perspective d'un rééquilibrage des forces monétaires et commerciales entre le Japon et la Chine pourrait placer cette dernière dans une position plus avantageuse sur la scène internationale. Cela se traduirait par un renforcement de leur compétitivité sur les marchés extérieurs et ouvrirait de nouvelles opportunités de croissance pour les entreprises chinoises, notamment dans des secteurs clés identifiés comme prioritaires pour le développement économique du pays.

Faute de «bazooka» monétaire, Pékin engage une reflation holistique, plus créative que d’habitude. Les actions domestiques, certaines matières premières et secteurs cycliques (internationaux), très survendus, commencent à refléter cette évolution dans leur valorisation. Toutefois, un rebond conjoncturel, même vigoureux, ne résoudra ni le marasme immobilier, ni les risques d’une déflation par la dette (à la japonaise).

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