Powell prolonge le cycle monétaire

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

L’espoir d’une reprise en Chine fait rebondir les actions, malgré le resserrement de la Fed. Les rendements obligataires remontent sans préjudice pour les actifs risqués.

L’espoir d’un assouplissement de la politique de zéro-covid en Chine a effacé le repli des indices boursiers après la communication du FOMC. La hausse de 75 pb est probablement la dernière de cette ampleur. Le prochain mouvement de taux devrait se limiter à 50 pb en décembre avant les derniers ajustements en 2023. Le sommet du cycle monétaire pourrait se situer au-delà de 5%. L’inversion de la courbe des taux s’accentue aux Etats-Unis. A l’inverse, la politique de la Bank of England (BoE) reste une énigme et motive de nouveaux flux vendeurs sur la livre. Selon ses prévisions, le statu quo sur les taux à 3% engendrera une récession prolongée et une disparition rapide de l’inflation. Les rendements obligataires remontent sans préjudice pour les actifs risqués. Le crédit se resserre à l’exception des covered bonds sensibles à l’évolution des swap spreads. La surperformance du high yield américain témoigne d’un net regain d’intérêt pour la classe d’actifs aux Etats-Unis. La dette émergente est aussi recherchée. Le dollar soutenu par la Fed abandonne un peu de terrain dans le rebond des actions en fin de semaine. La volatilité journalière reste toutefois élevée. Le yuan s’affiche en rebond, les intervenants tablant sur une réouverture de l’économie et un rapprochement avec l’Allemagne. Le secteur de la technologie en Chine retrouve des niveaux inconnus depuis mars dernier.

Les marchés de taux restent dominés par la thématique de resserrement monétaire.

La Réserve fédérale a relevé son taux de 75 pb à 4%. Jerome Powell a ménagé les marchés en laissant entendre que les prochains mouvements seraient réduits mais reconnait que les données disponibles militent pour des taux plus élevés en 2023. Une hausse de 50 pb semble acquise en décembre mais les projections pour l’an prochain intègreront d’autres relèvements de taux. Le marché estime le sommet des taux à 5,25% pour la borne haute des Fed funds. Les dernières publications de l’emploi n’indiquent pas d’inflexion malgré le coup de frein sur les embauches annoncé par plusieurs grandes entreprises. Les postes vacants ont en réalité de nouveau progressé en dépit des signaux de modération de l’activité. L’emploi a augmenté de 261k en octobre après 315k le mois précédent. Le taux de chômage remonte toutefois de 0,2 pp à 3,7%. Les salaires horaires moyens progressent de 4,7% sur un an. Au Royaume-Uni, après un mois tumultueux, la BoE a procédé à une hausse des taux de 75 pb. L’absence d’unanimité avec deux votes pour des hausses de 50 et 25 pb respectivement a immédiatement pesé sur le sterling d’autant qu’Andrew Bailey laissait entendre qu’un statu quo à 3% permettrait une décrue rapide de l’inflation (sous 2% dès 2024) au prix d’une longue récession. La pression du nouveau gouvernement fait craindre un risque de dominance budgétaire. La BoE, en relevant les taux et en vendant ses titres (jusqu’à 6 Mds de livres cette année), cristallise des pertes épongées à hauteur de 11 Mds de livres par un transfert récent du Trésor. L’indépendance de la Banque centrale est en jeu et, dans ce contexte, c’est la Livre qui fait office de variable d’ajustement.

Les marchés de taux restent dominés par la thématique de resserrement monétaire. Le spread 2-10 ans américain s’est échangé sous -60 pb avant la publication de l’emploi vendredi, un niveau inédit depuis plus de 40 ans. Le taux à 2 ans traite autour de 4,70% attirant les flux vers les fonds monétaires en dollars. L’encours des fonds monétaires dépasse le seuil de 4500 Mds de dollars, soit le niveau qui prévalait au plus fort de la pandémie. Le redressement des actifs risqués devrait favoriser une repentification des courbes à terme. L’inflation reste sous pression compte tenu du volontarisme affiché par la Fed. Le 10 ans se situe autour de 4,20%. Le refinancement trimestriel du Trésor a mis l’accent sur la liquidité du marché. Le Trésor étudie une stratégie de rachat de titres afin de corriger les écarts de liquidité des Treasuries et abondera davantage que prévu les maturités émises chaque mois. En zone euro, Christine Lagarde réitère la nécessité d’agir sur l’inflation. Le Bund repart à la baisse cette semaine avec un 10 ans proche de 2,30%. Les spreads souverains sont sans tendance malgré la cherté relative des BTPs italiens ou des OATs françaises. Le remboursement anticipé des TLTROs (annoncé le 16 novembre) ne devrait pas avoir d’impact sur les spreads. Le marché des covered bonds semble plus exposé à ce risque.

Sur le marché du crédit, l’embellie se confirme avec une semaine de resserrement de spreads de l’ordre de 6-7 pb. Le marché primaire est très calme (40% inférieur à la moyenne) avec seulement 3 Mds d’euros d’émissions au total. La fin des publications favorisera un retour du primaire en particulier d’émetteurs américains. La balance des flux vers les fonds s’est aussi stabilisée. On observe une surperformance des dettes hybrides de bonne qualité. Le niveau des spreads sur l’euro IG se situe 14 pb sous les sommets de l’année (140 pb contre swap).

Le rebond des actions est sans doute nourri par les rachats de positions vendeuses qui détendent la prime de risque et l’espoir d’un redressement de la croissance chinoise. Les flux vers les fonds d’actions européennes suggèrent que les investisseurs voient la lumière au bout du tunnel. Les valorisations sont en ligne avec les moyennes de long terme avec toutefois un risque de révisions à la baisse des résultats. Le luxe européen profite de l’amélioration du sentiment envers la Chine. Les publications du secteur de la Technologie aux Etats-Unis plombent néanmoins le marché d’autant que la sensibilité aux taux longs est forte. Le marché du high yield européen, et plus encore américain, séduit de nouveau les investisseurs. Les projections d’évolution des notations aux Etats-Unis sont favorables au marché et les spreads impliquent une prime confortable dans un contexte de taux de défaut réduit.

A lire aussi...