La poussière retombe enfin au Royaume-Uni

Axel Botte, Ostrum AM

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Jeremy Hunt remplace Kwasi Kwarteng, le Gilt se détend avec la révision du budget. L’inflation américaine toujours supérieure à 8%.

© Keystone

L’inflation américaine et le budget britannique continuent d’imprimer la tendance à court terme sur les marchés financiers. Le gouvernement Truss semble enfin prendre la mesure de l’instabilité financière consécutive aux annonces du 24 septembre. Le déni de réalité initial laisse place à un virage à 180 degrés. Aux Etats-Unis, la persistance de l’inflation valide la poursuite du resserrement monétaire. Une prochaine hausse de 75 pb est anticipée. Ces deux forces opposées – détente des rendements obligataires et confirmation du biais restrictif de la Fed – engendre une amplitude de cours extrêmement forte. Le T-note a brièvement percé le plafond de 4% et le Bund s’est échangé au-delà de 2,4%. Le Gilt évolue dans un couloir large de 60 pb. Cette volatilité s’avère délétère sur les marchés du crédit où les nouvelles émissions trouvent preneurs après de fortes concessions (20-25 pb de prime par rapport au secondaire). Les indices de crédit (iTraxx, CDX) présentent une volatilité considérable. Les marchés d’actions sont aussi désorientés. La publication de l’IPC américain a provoqué un plongeon instantané du contrat sur le S&P de 3,6% avant que des reventes de puts n’engendrent un rebond de plus de 5% vers une clôture au plus haut de la séance le 13 octobre. Dans ce contexte, le dollar, sans doute surévalué par manque d’alternatives, demeure un baromètre fiable de l’aversion pour le risque, évoluant à l’inverse des actifs risqués. L’obstination de la BoJ à maintenir une politique d’assouplissement envoie la parité dollar-yen toujours plus haut vers 148.

Le rebond des prix du pétrole depuis la décision de l’OPEP constitue un risque haussier à court terme.

Le gouvernement britannique semble disposé à revoir sa copie. Kwasi Kwarteng est évincé. C’était la condition sine qua non d’une accalmie sur les emprunts britanniques. Après la réintroduction de la tranche d’impôt à 45%, des réductions de dépenses et des hausses d’impôt sur les sociétés viendront réduire le montant non financé. Dans ce contexte, l’intervention d’urgence de la BoE sur le Gilt peut prendre fin même si la facilité de repo restera disponible. La Banque centrale a gagné le bras de fer qui l’opposait au gouvernement et pourra se reconcentrer sur la lutte contre l’inflation. Les anticipations de marché font état d’une hausse des taux de 100 à 125 pb le 3 novembre et un repo à près de 5,5% en milieu d’année prochaine.

Aux Etats-Unis, l’inflation atteint 8,2% en septembre et 6,6% hors énergie et produits alimentaires. L’inertie de l’inflation est impressionnante. Les biens et services dont les prix changent peu fréquemment («sticky prices») affichent une hausse annuelle de 6,5%. Les loyers progressent encore à un rythme soutenu de 8-9% l’an. En outre, les prix des biens «sortie d’usine» continuent de pointer à la hausse. Les pressions sur les coûts de production restent vives malgré la concurrence étrangère et le dollar fort qui pèsent sur les prix des biens importés. Par ailleurs, le rebond des prix du pétrole depuis la décision de l’OPEP constitue un risque haussier à court terme.

La volatilité des taux reste considérable. Le niveau de 4% sur le T-note, cassé brièvement après l’IPC, constitue néanmoins un niveau d’intervention pour les investisseurs. La courbe américaine reste fortement inversée avec un spread 2-10 ans à -50 pb. L’effet mémoire de l’inflation forcera probablement la Fed à maintenir des taux d’intérêt élevés en négligeant les effets de base – illusoires – du printemps prochain. La prime de terme négative reste une énigme compte tenu de la persistance de l’inflation à un niveau incompatible avec la cible de 2%. Les points morts d’inflation représentent une belle opportunité dans ce contexte. Les spreads des MBS (77 pb) s’élargissent constamment depuis le milieu de l’été. L’inflexion des prix immobilier et la remontée des taux longs sont doublement défavorables à la classe d’actifs. En zone euro, le Bund s’est échangé au-delà de 2,40% avec une détente (sous 2,20%) dans le sillage du Gilt. Le repli du 10 ans allemand s’accompagne d’un écartement du 10-30 ans qui redevient positif. Les swap spreads traitent à des niveaux de crise bancaire, au-delà de 100 pb sur tous les points de maturité. Les spreads souverains sont globalement stables mais les mesures de liquidité du marché attestent d’une dégradation. L’OAT à 10 ans s’échange autour de 60 pb. Le marché attend la nomination du gouvernement italien probablement vers le 20 octobre. Giancarlo Giorgetti, Ministre du développement économique sous Mario Draghi, semble désormais tenir la corde pour le poste de ministre des Finances.

La volatilité des taux d’intérêt perturbe le marché primaire sur le crédit. Les primes offertes à l’émission sont conséquentes et entrainent la lourdeur du secondaire. Le crédit Euro IG offre des spreads de 235 pb contre le Bund, probablement excessifs dans le cadre d’un ralentissement économique mais insuffisants pour raviver l’intérêt des investisseurs finaux. Le high yield demeure illiquide mais l’absence de primaire atténue l’impact des rachats de fonds. L’iTraxx Crossover (616 pb) évolue au gré de l’aversion pour le risque entre 691 pb au plus large le 28 septembre et 585 pb 5 jours de bourse plus tard. C’est aussi le seul moyen de s’exposer rapidement au high yield européen.

Les marchés actions demeurent fragiles malgré le rebond spectaculaire de jeudi. Les premières publications bancaires aux Etats-Unis pour le troisième trimestre sont mitigées. L’Euro Stoxx 50 reprend 1,5% cette semaine.

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