Le pivot de la Fed, un vœu pieux dangereux

Axel Botte, Ostrum AM

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Répit de courte durée pour les actifs risqués en début de trimestre. Des signaux inquiétants émanent du marché des prêts bancaires.

L’intervention d’urgence de la Banque d’Angleterre a ramené un calme précaire sur les marchés financiers. Les banquiers centraux redoublent d’efforts pour convaincre les intervenants que le resserrement monétaire est loin d’être terminé, compte tenu des tensions inflationnistes persistantes. Les baisses de taux intégrées par les marchés pour 2023 s’apparentent à un vœu pieux. Le rebond réflexe des actifs risqués en début de trimestre, visible tant sur les actions, les indices de crédit que le repli du dollar, s’est progressivement estompé après la publication de l’ISM des services, puis de l’emploi, aux Etats-Unis compatibles avec la prolongation du cycle économique. Les enquêtes manufacturières prédisent néanmoins une décélération.

L’inflation restera le juge de paix en matière de politique monétaire. Les points morts d’inflation expliquent l’intégralité du rebond des taux à long terme. L’attitude non-coopérative de l’Opep+ change la donne pour l’équilibre du marché du pétrole en 2023. Les spreads de crédit se sont détendus légèrement sur la semaine, malgré les tensions renouvelées sur les swap spreads. La pénurie de collatéral ne semble pas s’atténuer. En revanche, les spreads sur les dettes souveraines sont d’une remarquable stabilité dans un environnement de volatilité sur les marchés de taux.

L’échec de l’opération séduction de Biden

La situation du Gilt s’est progressivement normalisée, grâce à la main ferme de la Banque d’Angleterre, qui s’est muée en teneur de marché en dernier ressort, et aux ajustements budgétaires promis, sous la contrainte, par le gouvernement de Liz Truss. La tranche haute d’imposition est rétablie et l’indexation des prestations sociales sur l’inflation est exclue, ce qui diminue apparemment le montant non financé de la relance. Le soutien de la Banque d’Angleterre est sensé expirer le 14 octobre, une échéance redoutée par les marchés. Le sentiment de fragilité provient également de la croyance en un «pivot» imminent de la Fed.

En zone euro, l’inflation à 10% ne laisse aucune marge de manœuvre à la banque centrale européenne.

La hausse, moins forte qu’attendu, des taux de la Banque de Réserve d’Australie a certes pu être interprétée comme le signal d’une inflexion, mais la Fed a clairement indiqué que les baisses de taux attendues par le marché en 2023 étaient injustifiées. L’institution monétaire veut s’assurer que les conditions financières restent restrictives suffisamment longtemps pour éviter un rebond de l’inflation aux premiers signes de reprise de l’économie mondiale. L’activité est déprimée en Chine et l’Europe ralentit après un premier semestre de résilience de l’activité. La baisse des matières premières semble cependant déjà consommée. L’attitude non-coopérative de l’Opep qui réagit au projet de plafonnement des prix du pétrole, voire du gaz en Europe, ajoute au risque de reprise de l’inflation.

L’or noir a rebondi de plus de 10 dollars sur la semaine, alors que le cartel annonçait une baisse des quotas de production de 2 millions de baril par jour. La stratégie de rapprochement avec l’Arabie Saoudite de Biden semble avoir échoué. L’utilisation des réserves stratégiques touche à sa fin et l’Etat fédéral devra bientôt les reconstituer, ce qui provoque une remontée des prix du pétrole à terme. La lutte contre l’inflation se complique.

Des signaux inquiétants

Les marchés financiers auraient tort de croire au rétablissement du put de la Fed. La structure par terme de l’inflation anticipée, qui intègre une décélération rapide des prix, laisse planer le risque d’une repentification des courbes de taux si l’inflation élevée persiste. Une remontée des taux longs raviverait la pression sur les valorisations des actifs risqués, en particulier les actions de croissance et le crédit à long terme. Des signaux inquiétants émanent du marché des prêts bancaires où certaines transactions ne trouvent plus preneurs. Dans ce contexte, la remontée du 10 ans américain vers 3,90% s’accompagne d’un élargissement du spread 2-10 ans. Les emprunts indexés restent l’actif le plus attrayant dans la situation actuelle.

En zone euro, l’inflation à 10% ne laisse aucune marge de manœuvre à la banque centrale européenne. Une hausse de 75pb semble acquise pour la réunion du 27 octobre. La BCE doit aussi gérer les arbitrages de liquidité. Un système de reverse tiering est à l’étude pour éviter que les banques ne gagnent une marge sur les opérations ciblées de refinancement à plus long terme. La pénurie de collatéral élargit invariablement les swap spreads. La solution est pourtant évidente: il suffit que la BCE prête une plus grande partie de son portefeuille à des conditions de marché. Des mesures dans ce sens devraient rapidement être mises en œuvre pour éviter des taux de repo très négatifs autour du passage de fin d’année. Sur les maturités longues, le Bund se redresse vers 2,20% sans préjudice aux spreads souverains. Le BTP s’échange en effet autour de 240pb et les émissions longues en France et en Espagne ont été bien absorbées par le marché. Contrairement à la période de juin-juillet, la BCE n’a pas eu à utiliser les remboursements d’obligations sans risque (Allemagne, Pays-Bas) pour soutenir les dettes périphériques.

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