Jerome Powell assumera une récession

Axel Botte, Ostrum AM

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Carnage sur les marchés avec le resserrement monétaire de la Fed et l’assouplissement budgétaire britannique.

Le tournant monétaire restrictif réaffirmé à Jackson Hole s’est concrétisé cette semaine. La Réserve fédérale assumera un net ralentissement de l’activité et une hausse du chômage pour contenir les pressions inflationnistes. La Banque nationale suisse et la Riksbank ont également opté pour des hausses de taux significatives. La Banque d’Angleterre relève de son côté les taux de 50pb, mais entamera dès octobre son resserrement quantitatif. La Banque du Japon semble perdue dans ses contradictions entre ciblage des taux longs et intervention sur le taux de change. Dans le monde émergent, la Banque centrale de l’Afrique du Sud relève ses taux, à l’inverse de la Banque turque qui choisit l’alternative de la fuite en avant face à l’inflation galopante.

Le resserrement monétaire des principales banques centrales pèse évidemment davantage sur les marchés boursiers qui plongent de 5%. Les taux longs s’envolent. Le Bund perce le seuil de 2% pour la première fois depuis 2011. Le T-note s’échange au-delà de 3,75%, comme le Gilt qui risque l’indigestion avec la révision des perspectives d’émissions de dette publique. Les spreads se tendent avec la reconstitution des primes de risque et la remise en place de protection sur la nouvelle série d’iTraxx. Le crossover s’échange au-delà des 630pb. La chute du yen s’est accélérée jusqu’à l’intervention unilatérale de la Banque du Japon autour des 145 yen contre 1 dollar. Cette opération semble avoir stabilisé le yen. Dans ce contexte troublé, on en oublierait presque les élections italiennes auxquels les spreads des BTP ne prêtent aucune attention ou l’escalade mortifère annoncée par Poutine qui mobilise 300'000 hommes supplémentaires, agitant de surcroît la menace nucléaire.

Le resserrement monétaire pèse déjà

La Fed a ainsi relevé les taux de 75pb à 3-3,25%. Cette décision s’accompagne d’une révision de la trajectoire des taux incluant deux nouveaux mouvements de 75pb et 50pb, respectivement, au quatrième trimestre. L’impact attendu du resserrement monétaire se chiffre à 0,5pp de croissance sur 2023 en raison d’une remontée du taux de chômage à 4,4%. Les prévisions de la Fed soulèvent néanmoins une question: l’inflation sous-jacente étant prévue à 3,1% au quatrième trimestre, la hausse d’un demi-point du chômage suffira- t-elle à changer la donne? La prudence en matière de politique monétaire implique sans doute un biais restrictif prolongé. Le resserrement quantitatif prendra le relais des hausses de taux. Le portefeuille de T-bills a commencé à s’amortir, conformément à l’objectif de 60 milliards de dollars de réduction des avoirs en Treasuries.

Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre opte pour 50pb avec une courte majorité, compte tenu des trois votes pour 75pb et un pour 25pb. Le resserrement quantitatif intègrera des ventes de Gilts à hauteur de 10 milliards de livres chaque trimestre. La réduction du bilan se chiffre à près de 100 milliards de livres à l’horizon de 12 mois. Le soutien budgétaire décidé par Liz Truss requerra des emprunts obligataires à hauteur de 193 milliards de livres. Le cadrage macroéconomique de la Banque d’Angleterre sera revu en novembre. Le plafonnement des prix de l’énergie atténuera la hausse des prix, mais les transferts aux ménages sont un pari risqué dans l’environnement actuel. La BNS a relevé son taux de 75pb sous prétexte d’inflation, mais surtout par mimétisme de la BCE. Ailleurs, la Banque du Japon est confrontée aux effets collatéraux de l’assouplissement quantitatif sans limites. L’effondrement du yen force la Banque du Japon à une intervention périlleuse sur le marché des changes.

Le resserrement monétaire pèse énormément sur les valorisations des actifs, avant même que la récession éventuelle ou les probables bouleversements géopolitiques liée à l’agression de l’Ukraine par la Russie ne soient totalement intégrés. Les taux grimpent rapidement. Le T-note s’échange au-delà de 3,75% avec des taux réels au- delà d’1,35% à 10 ans. L’adjudication de TIPS 10 ans s’est soldé par une prime inhabituelle. La dynamique de la courbe a aussi changé depuis le mois d’août. La courbe des taux réels s’aplatit, alors que celle des anticipations d’inflation se pentifie de nouveau, la baisse du pétrole amplifiant ce retournement de tendance. Aux niveaux actuels, les TIPS longs couvrent bien le risque de stagflation.

En zone euro, le Bund suit le mouvement des Treasuries touchant 2,10% en séance vendredi. La recherche de convexité dans un environnement de volatilité élevée entretient la demande de 30 ans de sorte que le spread s’inverse désormais. L’inversion de la courbe euro n’est peut-être qu’une question de semaines. Les spreads souverains sont d’une stabilité déconcertante, compte tenu des risques d’inflation, de crise énergétique et des élections en Italie. Le BTP cote autour de 230pb. Le crédit demeure orienté à l’écartement, mais, à l’instar des swap spreads, l’ajustement est sans commune mesure avec celui des actions. Les flux sont défavorables aux actions européennes où seules les banques surnagent dans cet environnement de taux d’intérêt. Le plongeon de l’euro atténue l’ajustement des valorisations, mais les points bas de juin ont été enfoncés. Enfin, l’euro enfonce le seuil des 98c et le yen en perdition trouve finalement un soutien dans l’intervention de la Banque du Japon.

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