Panique à Londres

Axel Botte, Ostrum AM

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Le réveil des justiciers obligataires force une intervention d’urgence de la Banque d’Angleterre.

©Keystone

La promesse d’une Singapour sur la Tamise a tourné court, et Londres prend des allures de Buenos Aires. Les baisses d’impôt non financées défendues par la première ministre Liz Truss relèvent de l’irresponsabilité fiscale, alors que l’inflation britannique tutoie les 10% et que le pays est en proie aux grèves. La Banque d’Angleterre (BoE), qui avait opté pour 50 points de base seulement, va devoir relever les taux par pas de 100pb si le gouvernement ne revoit pas sa copie. Dans l’intervalle, la BoE se trouve contrainte de stabiliser le marché du Gilt chahuté par une volatilité phénoménale, avec des mouvements journaliers de plus 50pb sur le 30 ans. La réduction du bilan est reportée d’un mois et une enveloppe de 65 milliards de livres sterling d’achats de Gilts, disponible pendant 13 jours, a été annoncée.

La balle est dans le camp du gouvernement de Liz Truss sous le feu des critiques du FMI, de la Fed et des agences de notation. La volatilité du Gilt s’est répercutée sur les principaux marchés de taux faisant plonger les indices boursiers et s’écarter les primes de risque de crédit. La livre semble anticiper une sortie de crise en fin de semaine, mais les déficits jumeaux forment un cocktail explosif pour la devise britannique. A l’instar de la Fed, la Banque centrale européenne, consciente des risques d’instabilité financière, maintient le cap du resserrement monétaire. Les points morts d’inflation témoignent de la crédibilité de cet engagement.

Le réveil des justiciers obligataires

Le policy mix britannique irresponsable a donc déclenché une tempête financière. L’absence de chiffrage précis du déficit public, induit par les baisses d’impôts centrées sur les tranches supérieures ou le plafonnement des prix de l’électricité, est révélatrice de la dominance budgétaire qui continue de prévaloir dans les esprits des gouvernements. Il manquerait 45 milliards de livres au bas mot. La hausse de taux de la BoE, limitée à 50pb, a semble-t-il été interprétée comme favorable à cette fuite en avant. Cela aura eu le don de réveiller les réflexes des justiciers obligataires anesthésiés par les années d’assouplissement quantitatif. Le 30 ans britannique s’est envolé de 150pb en dix jours, la panique sur le Gilt étant, en retour, alimentée par les ventes de fonds de pension pour faire face aux appels de marge sur leurs positions en dérivés de taux. Ces dépôts se chiffrent en centaines de millions de livres. Dès lors, l’intervention de la BoE pour stabiliser le marché paraît surdimensionnée. De fait, la banque centrale n’a racheté qu’un milliard de sterling par jour au lieu des cinq prévus. S’il s’agit d’un problème de liquidité, une assurance sur le marché du repo aurait dû suffire à stabiliser les taux à long terme. Cela peut paraître contre-intuitif pour des marchés dopés à la liquidité, mais la stabilité requiert des taux plus élevés.

La stabilité relative des spreads souverains traduit probablement les réinvestissements des tombées du PEPP de la BCE.

La volatilité des taux s’est répercutée partout. Le biais restrictif entretenu par les discours des membres de la Fed avait tendu le T-note vers un sommet à 4% avant que l’assouplissement quantitatif «temporaire» de la BoE ne rebatte les cartes. Le 10 ans américain termine la semaine autour de 3,70%. L’inflation, encore trop élevée, requiert la poursuite du resserrement, ce qui entretient la dynamique d’aplatissement de la courbe des taux. On observe aussi une détente du Schatz qui semble attribuable au regain de tensions sur les swap spreads. Le swap spread à 10 ans s’est rapproché du seuil de 100pb. La BCE n’a pas réussi à résoudre le phénomène de pénurie de collatéral. D’autres mesures sont à prévoir avant le resserrement quantitatif, que Christine Lagarde ne semble envisager qu’après la «normalisation» des taux. La stabilité relative des spreads souverains traduit probablement les réinvestissements des tombées du PEPP de la BCE. Les adjudications italiennes ont rencontré une demande satisfaisante.

Retour au calme sur les marchés de taux

La semaine s’est révélée très difficile sur les marchés du crédit. Les spreads sur l’investment grade européen se sont écartés de plus de 20pb à 224pb contre Bund. Il s’agit des niveaux les plus larges de 2022. L’iTraxx IG s’échange autour de 135pb. Le retour à un calme précaire sur les marchés de taux a néanmoins permis une détente des spreads en fin de semaine. Les primes à l’émission élevées en septembre ont quelque peu amorti la baisse du marché secondaire. Les trois-quarts des nouvelles émissions non- financières de septembre se sont resserrés depuis leur lancement. La proportion de resserrement est bien moindre pour le secteur financier où les dettes financières subordonnées subissent la tendance à l’écartement.

Les actions restent très sensibles aux taux, qui continuent de dicter la tendance. Les indices américains plongent de 3% sur la semaine, alors que les regards vont bientôt se tourner vers la saison des résultats.  La résilience des marges aux États-Unis pourrait finir par s’effriter en raison du dollar fort et des pressions sur les coûts. En Europe, la remontée de l’euro concomitante avec celle des indices indique peut-être une amélioration du sentiment envers les actions européennes. Les flux vendeurs semblent moins intenses en septembre, mais la capitulation n’est jamais loin.

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