Pas de virage accommodant de la Fed: les actions chutent

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Le président Powell s’attend à ce qu’il soit nécessaire de maintenir une politique monétaire restrictive pendant un certain temps afin de maîtriser l’inflation.

L’indice S&P 500 vient de céder passablement de terrain, dont 3,4% dans la foulée des déclarations de Jerome Powell. Le président de la Réserve fédérale américaine (Fed) s’attend à ce qu’il soit nécessaire de maintenir une politique monétaire restrictive pendant un certain temps afin de maîtriser l’inflation.

Dans un discours prononcé lors de la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole, Jerome Powell a douché l’espoir d’une amorce de baisse des taux directeurs début 2023 qui aurait été permise par l’atténuation de la pression inflationniste. «Les données historiques ne plaident pas pour un assouplissement monétaire prématuré», a-t-il indiqué.

Les actions et le moral des investisseurs plongent

Ses déclarations empreintes d’orthodoxie ont fait écho à celles d’autres hauts responsables de la Fed ces dernières semaines et elles ont miné le moral des investisseurs, après un rebond de 17% des actions américaines par rapport à leur point bas de juin.

Tant le S&P 500 que l’indice Nasdaq Composite, qui fait la part belle aux valeurs technologiques et qui est plus vulnérable à la hausse des taux d’intérêt, ont cédé du terrain et accusent désormais des replis sensibles par rapport aux sommets atteints dans le courant du mois d’août.

Peu d’évolution du côté des contrats à terme

Le rendement des bons du Trésor américain à deux ans a grimpé de seulement 2 points de base (pb) le jour de l’annonce de la Fed, puis de 8 pb supplémentaires quelques jours plus tard, à 3,47%, au plus haut depuis quinze ans.

Les contrats à terme sur les Fed funds (taux d'intérêt auquel les institutions de dépôt prêtent des soldes de réserve à d'autres institutions de dépôt, du jour au lendemain, sans garantie) n’ont guère évolué. Il y avait toutefois eu un ajustement ces dernières semaines pour refléter une probabilité plus faible d’amorce de baisse des taux directeurs en 2023.

Pas plus tard qu’à la mi-juillet, les cours de ces contrats à terme impliquaient une baisse de taux directeurs de plus de 80 pb l’an prochain, amorcée dès le mois de mars. A présent, ils impliquent une réduction de 30 pb l’an prochain, à partir du mois de novembre.

Appréciation du dollar

Sur les marchés des changes, le dollar américain s’est légèrement apprécié. L’indice DXY a atteint un nouveau sommet depuis vingt ans, à plus de 109 points. Les devises à forte croissance comme les dollars australien et néozélandais, ainsi que la couronne norvégienne se sont dépréciées. L’euro et le yuan se sont également retrouvés sous pression.

L’inflation baisse, oui mais…

Le symposium de Jackson Hole a éclipsé des données économiques encourageantes qui suggèrent que le mois de juillet a marqué un tournant sur le front de l’inflation aux Etats-Unis. En particulier, le déflateur PCE (le baromètre de l’inflation préféré de la Fed) est ressorti à un niveau inférieur aux attentes (-0,1% en glissement mensuel en juillet), tandis que l’inflation sous-jacente (indice «core PCE») n’a progressé que de 0,1%. «Même si les chiffres plus bas de l’inflation sont à saluer, une amélioration sur un seul mois ne suffit pas à convaincre le comité de politique monétaire que l’inflation observe une décrue», a précisé le président de la Fed.

Jerome Powell a également souligné l’importance des anticipations d’inflation. Juste au moment où il commençait son discours, la publication des résultats de l’enquête de l’Université du Michigan sur le moral des ménages a mis en évidence une stabilité des anticipations d’inflation de cinq à dix ans à 2,9%, un chiffre assez proche de l’objectif de la Fed.

A quoi faut-il s’attendre?

Récemment, on a pu remarquer que les investisseurs avaient commencé à sous-estimer la volonté des banques centrales de resserrer leur politique face aux taux d’inflation actuels. La réaction du marché aux déclarations de Jerome Powell conforte ce constat.

La Recherche d’UBS est toujours d’avis que la Fed relèvera ses taux de 100 pb supplémentaires d’ici la fin de l’année, voire plus si l’inflation enregistre une décrue plus lente que prévu.

Comme les taux devraient rester durablement élevés, le scénario de base table en 2023 sur une volatilité persistante, sur des prévisions de bénéfices revues à la baisse et sur des taux de défaillance plus élevés que prévu. «La hausse des taux d’intérêt, le ralentissement de la croissance et la détente du marché de l’emploi feront retomber l’inflation, mais les ménages et les entreprises en souffriront», a prévenu Jerome Powell.

Beaucoup d’incertitudes demeurent

L’objectif de cours de la Recherche d’UBS pour le S&P 500 en juin 2023 est de 4200 points, contre 4057 à la clôture il y a dix jours. S’agissant du rendement des bons du Trésor américain à dix ans, elle table sur 2,75%, contre 3,11% à l’heure actuelle.

Par ailleurs, une forte incertitude demeure quant à l’évolution de l’inflation, des prix de l’énergie, de la guerre en Ukraine et de la politique économique en Chine. Par conséquent, les investisseurs doivent rester sur leurs gardes car des scénarios plus défavorables ne sont pas exclus. Il convient donc de faire preuve, en ce moment, de sélectivité sur les marchés d’actions.

Malgré ce contexte incertain, les investisseurs peuvent actionner plusieurs leviers pour préparer leur portefeuille à différentes éventualités, tout en mettant l’accent sur la performance à long terme. Ils doivent tenir compte du coût d’opportunité associé au choix de rester sur la touche.

Comment investir?

Dans cet environnement, il est recommandé aux investisseurs de faire preuve de sélectivité. Explications en quatre points.

  • Investir dans la valeur
    L’inflation des prix à la consommation devrait rester supérieure aux objectifs des banques centrales pendant un certain temps. Les valeurs décotées surperforment généralement les valeurs de croissance en période de forte inflation et 2022 n’échappe jusqu’ici pas à la règle.
    La Recherche d’UBS affiche une préférence pour les valeurs décotées internationales et le marché des actions britannique, qui fait la part belle aux secteurs décotés. En outre, les actions du secteur de l’énergie devraient profiter d’un rebond des cours du pétrole, ainsi que de la multiplication des rachats d’actions et du versement de confortables dividendes. Plus de précisions ici.
  • Renforcer l’exposition aux valeurs défensives et de qualité
    Alors que la croissance économique aux Etats-Unis s’annonce inférieure à la tendance et qu’une récession se profile dans la zone euro et au Royaume-Uni, les investisseurs feraient bien d’accentuer leur exposition aux segments plus défensifs du marché des actions, aux obligations les mieux notées et au franc.
    La préférence pour le secteur de la santé reste d’actualité car ses perspectives de croissance à long terme sont attrayantes. Il regorge d’entreprises de qualité au profil défensif, qui offrent une confortable rémunération à leurs actionnaires et qui présentent une valorisation raisonnable.
    Le secteur de la consommation de base est également apprécié. Ce secteur est traditionnellement bien armé pour résister au ralentissement de l’économie. En outre, il a tendance à surperformer le marché dans son ensemble lorsque les indicateurs avancés tels que l’indice ISM fléchissent. Plus de précisions ici.
  • Profiter de la volatilité
    La Fed a laissé entendre qu’elle était disposée à laisser les acteurs économiques souffrir pour faire retomber l’inflation, ce qui devrait se traduire, à l’avenir, par de nouveaux accès de volatilité. Les stratégies de protection du capital et d’allocation d’actifs dynamique devraient être de bons moyens d’adopter un positionnement plus défensif.
    Des opportunités qui permettent de générer du rendement dans un contexte de volatilité des devises, des matières premières et des actions existent également. Par exemple, s’agissant des matières premières, il est possible de vendre le potentiel de baisse des cours du pétrole Brent et du cuivre. La courbe des contrats à terme en déport et la conviction que les prix du pétrole resteront durablement élevés plaident en faveur d’une telle stratégie. Plus de précisions ici.
  • Etre sélectif sur la croissance à long terme
    Les valeurs de croissance restent sensibles aux fluctuations des anticipations d’inflation et de taux d’intérêt, d’où la nécessité de faire, à ce stade, le tri parmi elles. La Recherche d’UBS a récemment lancé un nouveau thème d’investissement axé sur «l’économie circulaire», compte tenu des opportunités dans la collecte et la gestion des déchets (recyclage), du plastique (réduction) et de la revente en tant que service (réutilisation).
    Les entreprises qui adhèrent à la «circularité» devraient profiter de l’évolution de la réglementation et des préférences des consommateurs, de la rareté des ressources et de la pression sur les coûts, ainsi que de l’innovation technologique. Plus de précisions ici.

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