Perfide BoE

Axel Botte, Ostrum AM

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La communication de la BoE en dit long sur la réalité des mandats d’inflation.

© Keystone

Les Banques centrales jouent avec les marchés financiers. Le statu quo de la BoE sur les taux (0,1%) a pris de court les investisseurs qui anticipaient une hausse conformément à la communication récente des banquiers centraux. Un vote 7-2 en faveur du statu quo apparaissait inimaginable. La fiabilité de la communication de la BoE a souvent été moquée. Celle d’Andrew Bailey ne fera pas exception. Sourire en coin, le gouverneur de la BoE juge après coup que les anticipations des marchés, certes dans la bonne direction, étaient excessives.

Le revirement a provoqué le débouclement de nombreuses positions vendeuses de taux, d’autant que le contexte monétaire mondial devient plus restrictif. La RBA est revenue sur sa politique de taux zéro jusqu’en 2024, dans le sillage du resserrement néo-zélandais. La BoC a prématurément mis un terme à l’assouplissement quantitatif. Dans les pays émergents, l’ampleur inattendue de la hausse des taux en Pologne (+75 pb) et les communications des Banques russe et brésilienne laissent aussi peu de doutes sur la dimension mondiale des pressions inflationnistes.

Le biais accommodant de la Fed est problématique, face à l’accélération des prix. Tout resserrement excessif révèlerait rapidement les fragilités financières sous-jacentes.

L’autre surprise de la semaine est l’inanité du discours de Jerome Powell. Sa reconduction à la tête de l’institution de Washington semble compromise par le scandale des transactions financières de plusieurs membres du FOMC. De ce fait, sa parole a moins de poids. Lael Brainard, pressentie comme la prochaine Présidente, s’exprime peu. Selon le communiqué du FOMC, le tapering s’échelonnera jusqu’en juin 2022, au rythme de 15 milliards de dollars de réduction chaque mois. Le relèvement des Fed Funds attendra la seconde moitié de l’année, après une période de transition. Les contrats euro-dollar intègrent néanmoins une hausse dès juillet. Le Board peine en effet à justifier le statu quo, alors que l’inflation se situe au-delà de 5%. La situation budgétaire et la question du plafond de la dette méritent d’être clarifiées avant le 3 décembre. Le second plan d’infrastructures «sociales» sera réduit à quelque 1700 milliards de dollars, les sénateurs Manchin et Sinema s’opposant aux investissements climatiques et aux hausses d’impôt nécessaires à leur financement. En outre, le pouvoir d’influence de Biden s’est réduit après deux revers, lors des élections des gouverneurs du New Jersey et en Virginie. Même l’OPEP n’est plus sujette aux pressions américaines. Le cartel est resté sourd à la demande des Américains de relever la production de pétrole en décembre au-delà des +400'000 barils par jour prévus. Sur le plan conjoncturel, les enquêtes demeurent solides. L’ISM des services est au plus haut. L’économie a créé 531'000 emplois en octobre, malgré 73'000 licenciements publics. Le chômage se réduit à 4,6%. Le taux de participation inchangé confirme la perte permanente d’offre de travail, ce qui rapproche l’économie du plein emploi effectif. En Europe, les goulets d’étranglement entraînent une contraction de la production industrielle, malgré les enquêtes bien orientées.

La dynamique des marchés peut sembler paradoxale. Le biais accommodant de la Fed est problématique, face à l’accélération des prix. Tout resserrement excessif révèlerait rapidement les fragilités financières sous-jacentes. Autrement dit, l’équilibre macro-financier requiert des taux réels structurellement négatifs à terme. Le marché le sait et la frilosité des Banques centrales justifiera toujours un biais acheteur sur les actifs risqués. Les taux bas et l’aplatissement des courbes sont aussi amplifiés par les précautions de langage, qui s’apparentent à une forme de micromanagement des marchés réduisant les primes de risque et de terme. Le T-note termine ainsi la semaine sous 1,50%, avec un rendement à 30 ans à 1,90%. La stratégie de refinancement du Trésor américain limite aussi les pressions sur les taux longs. Les montants à émettre ont été écrêtés en particulier sur l’échéance 20 ans. Le Trésor restera opportuniste sur les émissions d’emprunts indexés en fonction de la demande finale. En zone euro, le rendement du Bund rechute à -0,27%, le T-note et le Gilt ayant montré la voie. Les spreads souverains se sont révélés plus volatils depuis la fin du mois d’octobre. La coalition portugaise n’a pas trouvé d’accord budgétaire pour 2022 et des élections anticipées auront lieu fin janvier. L’Italie a annoncé un nouveau plan de soutien budgétaire à hauteur de 23 milliards d’euros (1,2 pp de PIB) incluant des baisses d’impôt, des dépenses sociales et des investissements publics. La situation budgétaire en France s’est détériorée par rapport à 2020 et les transferts motivés par la crise énergétique semblent donner le ton de la prochaine campagne présidentielle. Toutefois, l’OAT (34 pb à 10 ans) reste inerte, les rendements positifs au-delà de 10 ans assurant le maintien d’intérêts finaux. Parallèlement, l’écartement des spreads de crédit reste limité, avec davantage de volatilité sur le high yield (+ 10 pb en cinq séances).

Outre la dynamique des taux, les actions sont propulsées à la hausse par les publications trimestrielles bien orientées, de sorte que les principaux indices marquent des records dans un climat de faible volatilité. Le S&P perce brièvement les 4700 points, alors que le CAC 40 clôt au-delà de 7000. Le VIX s’échange autour de 16%. L’excédent de liquidité reste un puissant soutien aux actions, d’autant que la saison des résultats est dominée par les bonnes surprises. La pression sur les marges, historiquement élevées, va toutefois s’accentuer dans les mois à venir.

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