MiCA: la régulation européenne est en marche

Manuel Valente, Coinhouse

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Chronique blockchain. L’unification de la réglementation sur les cryptoactifs au niveau de UE permet une simplification et un équilibre entre les différentes entreprises.

La France a été un des premiers pays au monde à se doter d’une régulation du marché des cryptoactifs puisque, dès 2019, la loi PACTE prévoyait un encadrement des entreprises réalisant des transactions, conservant des actifs pour leurs clients, ainsi que celles réalisant des levées de fonds par le biais d’ICO. Mais nous sommes encore aujourd’hui dans un marché complètement fractionné au niveau européen, chaque pays ayant réglementé (ou peu) le marché avec ses propres règles. Aujourd’hui, l’Union européenne cherche à harmoniser l’ensemble de ce marché en proposant une réglementation commune appelée MiCA pour Markets in Crypto Assets, actuellement en discussion au parlement.

Bien entendu, la proposition en question fait son chemin depuis déjà deux ans dans les méandres de l’administration bruxelloise, mais elle a récemment fait couler beaucoup d’encre dans l’écosystème crypto. En effet, un amendement a été âprement discuté dans la commission préparant le texte, qui proposait l’interdiction de la preuve de travail sur le territoire de l’Union européenne. On le sait, le minage par preuve de travail notamment utilisé par Bitcoin consomme des quantités assez importantes d’électricité, ce qui pose un problème évident en rapport avec les questions environnementales.

L’interdiction de la preuve de travail aurait exclu l’utilisation des cryptoactifs utilisant ce mode de vérification des transactions.

L’amendement en question a été rejeté, mais le marché a senti le vent du boulet. L’interdiction de la preuve de travail aurait non seulement banni du territoire de l’UE les mineurs encore présents malgré des coûts énergétiques prohibitifs, mais également et surtout interdit l’utilisation des cryptoactifs utilisant ce mode de vérification des transactions, au premier rang desquels le Bitcoin et l’Ethereum. Ceci aurait évidemment signé l’arrêt de mort immédiat de toutes les entreprises qui utilisent les cryptoactifs au quotidien.

Les menaces ne sont cependant pas complètement écartées. Cette semaine, un nouveau vote aura lieu sur le texte, qui pourrait obliger tous les porteurs de portefeuilles en cryptoactifs de s’identifier nommément. Une telle mesure, plaquée sur le fonctionnement des institutions financières traditionnelles, peut se comprendre sur le plan de la lutte contre le blanchiment. Mais elle remettrait complètement en cause le fonctionnement même du marché des cryptoactifs, et serait extrêmement difficile à mettre en œuvre: comment obliger une personne qui vient de télécharger un logiciel à s’identifier auprès d’un organisme étatique?

Au-delà de ces problématiques, il est nécessaire de considérer ce qui sera inclus dans la loi en question. Le premier aspect est que la future régulation devrait permettre à des entreprises régulées dans un pays de pouvoir accéder à l’ensemble des autres pays via un statut créé pour l’occasion, CASP (crypto assets services provider). En effet, les acteurs de cet écosystème ne veulent surtout pas avoir à traiter les différentes réglementations imposées par chaque pays pour pouvoir s’y implanter. Et bien entendu, ces différences posent des problèmes de concurrence entre les différents acteurs qui ne sont pas astreints aux mêmes obligations. La plupart d’entre eux voit donc d’un bon œil une régulation européenne commune pour aplanir ces différences.

L’essentiel du texte est dans ces lignes, et il est visible que ces réglementations ont été calquées sur les textes relatifs aux acteurs de la finance classique. Même si les enjeux ne sont pas en tout point identiques, le but global des autorités européennes reste la protection des consommateurs, ainsi que la lutte contre le blanchiment de capitaux.

MiCA prévoit un encadrement strict des émetteurs de stablecoins.

Il reste encore un certain nombre de questions en suspens. En particulier, les services de finance décentralisée, qui pour la plupart ne sont ni des entreprises, ni situés sur le territoire de l’Union européenne, pourraient être considérés comme assujettis aux mêmes obligations, avec toute la complexité additionnelle que cela pourrait engendrer. De même, le texte envisage une régulation des NFT, possiblement requalifiés comme des instruments financiers à part entière, dans la mesure où une espérance de gain peut être envisagée par les investisseurs achetant ces produits.

Dernier point, et non des moindres, MiCA prévoit un encadrement strict des émetteurs de stablecoins, ces cryptoactifs dont le cours est fixe par rapport à une monnaie fiduciaire classique. On se souvient du tollé qu’avait provoqué le projet mort-né de Facebook, le Libra. Visiblement, les autorités ne souhaitent plus être prises par surprise sur ce genre de projet et réclameront un agrément aux entreprises souhaitant créer ce genre d’actifs. Les établissements de crédit et autres banques seront eux exemptés de cette obligation, ce qui crée tout de même un déséquilibre flagrant par rapport aux acteurs classiques du marché.

Le projet de régulation MiCA était depuis longtemps nécessaire: une unification de la réglementation sur les cryptoactifs au niveau de l’Union européenne permet une simplification et un équilibre entre les différentes entreprises de l’écosystème, et garantit la mise en place d’un marché concurrentiel et innovant.

Un certain nombre de questions restent en suspens, et pourraient être relativement difficiles à régler, au vu de la spécificité du fonctionnement de ce marché et de la familiarité limitée des parlementaires européens sur le sujet. Heureusement, les entreprises en question sont écoutées aux différentes étapes de l’élaboration du projet, et espèrent pouvoir aboutir à une réglementation équilibrée.

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