Limiter le droit d'urgence aide la place financière

Thomas Fedier, VT Wealth Management

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Que le Conseil fédéral ait (à nouveau) utilisé le droit d'urgence dans le cas d'UBS/CS soulève des questions pour l'avenir de la place financière suisse.

La place financière suisse vit ces jours-ci une période intéressante et dramatique. L'application du droit d'urgence ne soulève pas seulement des questions. Elle est aussi dangereuse. Car du droit d'urgence à l'injustice, il n'y a qu'un pas. Et là où celui-ci règne, personne ne veut y mettre les pieds.

Recours à l'armoire à poison

Après avoir eu recours au droit d'urgence dans le cadre de l'affaire Covid, le Conseil fédéral a de nouveau recours à l'armoire à poison dans le cas d'UBS/CS. C'est inesthétique et dangereux – également pour l'ensemble de la place financière. Si les investisseurs (internationaux) doivent craindre que les bases légales soient également modifiées du jour au lendemain en Suisse, cela nourrit les craintes que les droits de propriété puissent être touchés.

Jusqu'à présent, les investisseurs actifs sur la place financière suisse pouvaient partir du principe que les accords s'appliquaient sans condition. Le risque d'un changement soudain de gouvernement n'existe pas en Suisse. Les moyens que sont les référendums et les initiatives limitent le pouvoir. Contrairement à d'autres pays, l'opposition n'est pas le gouvernement dans la salle d'attente, mais fait partie intégrante du gouvernement. Bref, la stabilité politique a été jusqu'à présent un atout important de la place financière suisse. En effet, la Suisse ne connaît généralement des changements soudains et décisifs que lorsqu'elle y est contrainte.

Avoirs russes et secret bancaire

Les exemples ne manquent pas pour illustrer cette thèse. En ce qui concerne la place financière, il convient de mentionner dans ce contexte les récents changements dans le volume des avoirs russes. En ce qui concerne l'abolition du secret bancaire, qui a eu des conséquences importantes, les impulsions sont également venues de l'extérieur. Le système politique suisse, finement équilibré, a toutefois permis d'avancer de manière relativement pragmatique et tranquille sur ces questions.

Tout va bien tant que le système politique joue dans sa diversité. Les choses deviennent dangereuses lorsque des raccourcis sont pris. Le recours au droit d'urgence en est un.

Cela montre que tant que les mécanismes politiques établis fonctionnent, tout va bien. Cela devient problématique lorsque, suite à la pression extérieure, on s'écarte de la procédure habituelle, établie et peut-être aussi un peu ennuyeuse. C'était et c'est sans aucun doute le cas pour le CS.

Est-ce que c'était nécessaire?

A la mi-mars, le Conseil fédéral est manifestement parvenu à la conclusion que le sauvetage du CS par le biais du droit d'urgence était nécessaire pour éviter l'effondrement de l'ensemble du système financier mondial. Était-ce vraiment nécessaire? Ce qui est sûr, c'est que les marchés se sont très vite calmés. Et il est tout aussi certain que le recours au droit d'urgence a ébranlé la confiance dans la fiabilité du système en Suisse.

Dans ce contexte, qui s'étonnera que des clients actifs au niveau international se demandent ce qu'il en est de la garantie de la propriété en Suisse? Sur le papier, tout est clair: «La propriété est garantie. Les expropriations et les restrictions à la propriété équivalant à une expropriation sont entièrement indemnisées». Mais nous savons tous que ce n'est pas si clair et qu'il existe des nuances de gris.

Dans ce contexte, la crainte que la Suisse puisse à nouveau recourir directement ou indirectement à des expropriations via le droit d'urgence lors d'une future crise n'est pas à écarter. Ce ne serait pas la première fois dans l'histoire qu'un Etat aurait recours à de tels moyens. Dans cette logique, les périodes exceptionnelles appellent des mesures tout aussi exceptionnelles. Dans le contexte de crises monétaires ou d'une explosion de la dette publique, d'autres pays ont eu recours à des emprunts obligatoires ou à d'autres moyens issus de l'armoire à poison.

Il n'y a rien de plus volatile que le capital.

Vu d'aujourd'hui, cela semble très improbable pour la Suisse. Mais qui veut exclure l'inattendu et l'improbable à notre époque? Les changements concernant les avoirs russes ou l'adaptation du secret bancaire n'étaient pas non plus attendus sous cette forme, même peu de temps avant les changements en question. Ce qui est sûr, c'est que les investisseurs internationaux sont très sensibles aux changements climatiques. Il n'y a rien de plus volatile que le capital. Dans ce contexte, les informations selon lesquelles le Qatar veut se retirer du secteur hôtelier suisse sont préoccupantes.

Que faut-il faire? D'une manière générale, il serait certainement très judicieux de veiller à ce que le Conseil fédéral puisse moins facilement recourir à l'instrument du droit d'urgence à l'avenir. La confiance dans la place financière suisse s'en trouverait sans doute renforcée.

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