Les taux d’intérêt peuvent-ils remonter?

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Au-delà des incertitudes sur les modalités et la vitesse de la reprise économique, c’est l’environnement monétaire qui suscite des questions.

Depuis le début de l’année, les marchés sont hésitants. Dopés à la liquidité et aux taux bas, ils espèrent que la fin de cet âge d’or monétaire ne s’approche pas. 

Après une fin d’année très solide, les grands indices mondiaux font du sur-place. Passé le retour de l’optimisme lié aux vaccins, les difficultés de déploiement de ces derniers et le regain épidémique ont douché l’optimisme des investisseurs. 

Au-delà des incertitudes sur les modalités et la vitesse de la reprise économique, c’est l’environnement monétaire qui suscite des questions. La très forte remontée des indices depuis mi-mars 2020 a en effet été très largement tirée par les valeurs de croissance – technologie, luxe… - qui ont profité à plein des taux à zéro, voire négatifs. Aux Etats-Unis, Les GAFAM – auxquels il faut désormais ajouter le T de Tesla - pèsent ainsi désormais plus du quart de la capitalisation boursière du S&P500. 

Les banques centrales ont volé au secours du système financier et fait spectaculairement baisser les coûts de financement des entreprises et des Etats en 2020. Mais le climat change. Le taux américain à 10 ans, encore autour de 0,65% fin septembre 2020, est désormais proche de 1,1%. En Europe, rien de tel mais le 10 ans allemand est tout de même passé de -0,63% fin novembre à -0,50% fin janvier tandis que son homologue français remontait en quelques semaine de -0,38% à -0,28%. 

Les craintes sont différentes des deux côtés de l’Atlantique. En Europe, les propos un peu flous de Christine Lagarde lors de sa conférence de presse du 21 janvier au sujet d’une approche «holistique» de la mesure de l’inflation, ont semé la perplexité parmi les intervenants, même si ces derniers se focalisent davantage sur les risques d’une divergence croissante dans les performances économiques des pays de l’Eurozone en 2022. 

Mais c’est aux Etats-Unis que la tension est la plus forte. D’une part en raison des montants colossaux à financer pour combler les besoins du Trésor américain suite aux plans de relance de Trump (3’000 milliards de dollars) et de Biden (1’900 milliards annoncés en attendant le projet sur les infrastructures): après 15% en 2020, on parle désormais d’un déficit public potentiel de plus de 30% du PIB en 2021, de quoi mettre sous pression les bons du Trésor. 

Et d’autre part parce que la pression inflationniste aux Etats-Unis n’a pas dit son dernier mot. Alors qu’en Europe les anticipations de hausse de prix à 5 ans restent autour de 1,3%, elles dépassent en effet les 2,3% Outre-Atlantique. 

Ces anticipations s’appuient sur plusieurs éléments tangibles. Tout d’abord, à mi-décembre 2020, soit avant le dernier plan de relance de l’administration Trump, les américains avaient accumulé 1’600 milliards de dollars d’épargne excédentaire, de quoi accélérer brutalement la demande dans les trimestres à venir. 

Ensuite parce que le dernier plan Trump et celui annoncé par Joe Biden le lendemain de son investiture équivalent, pour les ménages, à l’équivalent du premier plan de relance, soit, toutes choses égales par ailleurs, encore 1’600 milliards de dollars de possible excès d’épargne supplémentaire, prêts à être injectés dans la consommation.

Et enfin parce que la Fed a promis de rester accommodante aux premiers signes de retour de l’inflation… de quoi la laisser prendre de la vitesse, et faire monter les taux longs, rendant ainsi le financement des entreprises plus onéreux. 

Nous pensons néanmoins que ce scénario reste peu probable à ce stade: la possibilité de futures hausses d’impôts pour réduire les déficits, clairement envisagées par la Secrétaire au Trésor Janet Yellen, devrait inciter les ménages à la prudence dans leurs envies de dépenses; en outre, le nouveau plan Biden sera probablement édulcoré, peut-être même réduit d’au moins la moitié, après passage par le Sénat. Enfin parce que la Fed peut tout à fait lancer dans les mois qui viennent un véritable programme de contrôle de la courbe des taux, imitant en cela son homologue japonaise, et plafonnant ainsi la hausse des taux longs autour de 1,5% pour le 10 ans fort pour une économie affaiblie par la pandémie. 

Les marchés seront attentifs à cet équilibre, essentiel pour la bonne tenue des indices en 2021! L’environnement monétaire devrait normalement continuer à être favorable dans les mois qui viennent.

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