2021 sera l’année où la facture des plans de relance ne pourra plus être mise sous le boisseau au nom de l’urgence sanitaire.
Les difficiles négociations autour du Brexit montrent que l’unité de l’Europe nécessite des efforts constants, d’autant plus avec le départ prévu d’Angela Merkel en septembre prochain.
Les sujets de dissension entre Européens au sujet du Brexit sont nombreux : la France souhaite préserver l’accès aux eaux britanniques pour ses pêcheurs, l’Allemagne son industrie automobile, les Pays-Bas ses multiples entreprises installées des deux côtés de la Mer du Nord, le Luxembourg son très prospère secteur financier, et la liste est longue.
Pourtant, depuis juin 2016, les britanniques semblaient avoir réussi l’impossible: unir les Européens autour de l’avenir des relations entre l’Union à Vingt-Sept et son futur ex-membre. Rassemblés autour de Michel Barnier, négociateur unique, les vingt-sept pays n’ont pas cédé aux multiples tentatives de leur voisin pour générer des lignes de fracture.
Jusqu’à cette dernière ligne droite entamée voici quelques semaines. Le camp européen fait face à la pression du temps et à la limite du 31 décembre 2020 gravée dans le marbre par Boris Johnson pour obtenir un accord. L’Allemagne, qui préside l’Union ce semestre, ne veut pas ternir l’impeccable historique européen de la Chancelière et la présidente de la Commission semble sur la même ligne. A l’inverse, la France ne souhaite pas transiger en particulier sur le mécanisme garantissant des «règles du jeu» communes une fois le Royaume Uni en dehors de l’Union. La fragmentation menace.
Elle se manifeste également dans les négociations budgétaires et autour du plan de relance européen dit «Macron-Merkel». Or tout délai dans la validation définitive de ce plan retarde d’autant sa mise en oeuvre, à l’heure où les dernières prévisions de l’OCDE créditent la zone Euro d’une récession sévère, à hauteur de 7,5% en 2020.
Déjà, le blanc-seing du parlement européen sur ces deux éléments – budget pluriannuel et plan de relance - a été très laborieux. Les discussions se sont cristallisées autour du nécessaire respect de «l’état de droit» pour bénéficier des sommes prévues. Après des nuits de négociations, un accord a été trouvé, mais ni la Pologne, ni la Hongrie, n’acceptent ce compromis. La possibilité de passer outre leur accord – et de les exclure de facto des fonds de relance - est désormais évoquée, ce qui représenterait un fâcheux précédent et lancerait l’année 2021 sous le signe de la division.
Comme pour le Brexit, il reste probable qu’un accord soit trouvé dans un petit matin bruxellois. Mais ces dissensions jettent une ombre malvenue sur l’année qui vient. 2021 sera en effet l’année où la facture des plans de relance ne pourra plus être mise sous le boisseau au nom de l’urgence sanitaire: les vaccins arrivent et le monde post-COVID se profile… et avec lui la fin du «quoiqu’il en coûte» universellement pratiquer. L’ère de la Grande Divergence va succéder au Grand Consensus… et la dette pourrait bien redevenir un sujet en particulier dans la zone euro, en particulier une fois qu’Angela Merkel aura quitté le pouvoir en Allemagne.
Car en septembre 2021, c’est bien une page qui va se tourner en Europe: la plus ancienne chef de gouvernement de l’Union, à la tête de la première puissance économique du continent – et premier actionnaire de la BCE! – va tirer sa révérence.
Angela Merkel représente à la fois la mémoire des crises récentes de l’Europe, de la grande crise financière à la pandémie, en passant par les épisodes grecs et britanniques, et sa conscience. Sa personnalité, au centre de l’échiquier politique et social allemand, lui a permis de donner les impulsions nécessaires lorsqu’il a été question du mandat implicite de la BCE pour stabiliser le système financier et donc pour acheter directement des dettes d’état, ou, plus récemment, pour accepter d’émettre des dettes mutualisées au nom de l’Union pour contrer la pandémie. Son successeur, surtout s’il s’agit du conservateur Friedrich Merz, ne sera probablement pas du même bois…
L’Union est donc plus que jamais une nécessité pour les Vingt-Sept. Le prochain sommet européen des 10 et 11 décembre prochains sera décisif… d’autant plus qu’il coïncidera avec les nouvelles prévisions économiques de la BCE qui seront présentées lors de la réunion du conseil de politique monétaire du 10 décembre. Les marchés attendent des gestes concrets pour éviter le retour des tensions financières et aborder sereinement cette fin d’année.