L’Europe et l’illusion budgétaire

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

1 minute de lecture

Après le «quoiqu’il en coûte» unanime de 2020, les réalités budgétaires vont se rappeler au bon souvenir des autorités fiscales. Surtout en Europe.

L’irruption du CoVid-19 a fait voler en éclats les règles budgétaires de la plupart des gouvernements de la planète. Au total, entre 2020 et les premiers mois de 2021, ce sont plus de 12000 milliards de dollars de plans de relance ou de soutien budgétaire qui auront été injectés dans l’économie mondiale, soit quelques 14% du PIB mondial. Le prix à payer pour éviter un chaos social et financier sans précédent: après une baisse d’activité très marquée en 2020 (-4,4%) - une première depuis plus de 70 ans - le FMI prévoit un rebond de 5,2% de l’économie internationale en 2021.

Partout – à l’exception notable de la Chine – les autorités fiscales ont décrété le «quoiqu’il en coûte», et ont mis sous le boisseau les règles de discipline budgétaire longtemps considérées comme l’alpha et l’oméga de la bonne gestion. Aux Etats-Unis, les plans de relance et d’aide aux chômeurs se sont succédés depuis le printemps jusque fin décembre.

2021 pourrait bien être l’année où la brume
de l’illusion budgétaire se déchire sur le Vieux Continent.

En Europe, la cible des 3% de déficit a été très rapidement suspendue, tout comme l’objectif – depuis longtemps illusoire il est vrai – de limiter la dette publique des Etats membres de la zone euro à 60% de leur PIB. L’Europe a même accepté, pour la première fois, d’émettre un montant significatif de dette au nom de l’Union afin de renforcer les moyens financiers disponibles pour accélérer la reprise économique. Il aura fallu la pandémie pour créer les Euro-Bonds!

Tout ce déversement d’argent public n’aurait pas été possible sans le soutien massif des banques centrales: Non seulement les taux sont à zéro ou largement négatifs en Europe – ce qui permettra par exemple à la France d’avoir un coût de sa dette publique inférieure en 2021 à celui de 2008 pour un montant d’engagement plus de deux fois supérieur - mais les rachats d’actifs se multiplient. En 2021, le seul programme «pandémie» de la BCE lui permettra d’acheter plus de 70% des émissions de dette programmées par les Etats de l’Eurozone. Le financement est donc assuré, au moins pour cette année.

Pourtant, 2021 pourrait bien être l’année où la brume de l’illusion budgétaire se déchire sur le Vieux Continent. Car l’Europe n’est pas protégée par le statut international de sa monnaie, à la différence des Etats-Unis. Après l’union sacrée contre le virus, les différences de performances entre les pays de la zone euro vont de nouveau attirer l’attention des investisseurs. L’écartement des spreads viendra alors rappeler à l’ordre les insouciants. Et en septembre prochain, Angela Merkel ne sera plus là pour calmer le jeu. Tout reposera donc sur Christine Lagarde… et sur le sens des responsabilités des autorités budgétaires de chaque pays.

A lire aussi...