Les semi-conducteurs se sont semi-envolés

Kevin Vennat, Atlantic Financial Group

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La Chine et les Etats-Unis se livrent une véritable «guerre des puces». Taïwan est en quelque sorte la ligne de front de ce conflit.

La pandémie de COVID-19 est venue accélérer le processus de digitalisation de l'économie. La low touch economy se met en place de différentes manières mais toujours grâce à des semi-conducteurs. L'industrie est en pleine consolidation tandis que les Etats-Unis et la Chine se livrent une «guerre des puces». Les titres cotés ne sont pas bon marché mais ils ne le seront jamais véritablement. Chaque correction boursière doit être considérée comme une opportunité d'achat.

LES SEMI-CONDUCTEURS SONT PARTOUT

Le secteur des semi-conducteurs a surperformé les autres valeurs technologiques au cours des trois derniers mois et continuera de bien se porter. A long terme, la tendance est structurellement haussière puisque l'offre peine à suivre la demande. Les semi-conducteurs font partie de toute l'électronique que nous utilisons aujourd'hui. Ils sont dans les circuits intégrés, les transistors, les processeurs de nos téléphones portables, les serveurs réseau et tous les autres objets informatiques connectés. Ils sont à la technologie ce que le pétrole est à l’automobile: sans eux, la filière entière est en panne. Le secteur est cyclique dans la mesure où, lorsque l'économie mondiale accélère, les entreprises de tous les secteurs d’activités cherchent à mettre à niveau leurs équipements électroniques, augmentant leurs dépenses d'investissement et, in fine, la demande de semi-conducteurs. L'industrie se caractérise donc par une demande importante et tendanciellement croissante. 

Cette tendance structurelle s'est même renforcée avec la pandémie de COVID-19, les confinements et, in fine, la digitalisation accélérée de l'économie mondiale. Pour une fois, le ralentissement cyclique a été une aubaine pour les semi-conducteurs. La vente d'ordinateurs personnels, par exemple, a cru de manière extraordinaire, la plus forte des dix dernières années, que ce soit pour faciliter le travail à domicile, l'enseignement à distance ou pour satisfaire les besoins de loisirs. Les ménages devraient continuer de se rééquiper, afin de mettre à niveau leur matériel informatique «au cas où». Par ailleurs, la sortie des consoles de dernière génération (Xbox Series X et PlayStation 5) contribuera également à dynamiser la demande de semi-conducteurs. Les versions précédentes de ces deux modèles s’étaient écoulées à respectivement 50 millions et 114 millions d'unités. 

La low touch economy crée une demande
incroyablement forte pour les semi-conducteurs.

Dans ces conditions, les perspectives bénéficiaires sont en forte hausse, à la différence de celles des sociétés cotées en générale: une belle manière d'illustrer la reprise en K et de justifier les performances boursières hors-norme. La low touch economy crée une demande incroyablement forte pour les semi-conducteurs. A l'avenir, l'adoption rapide et massive de la 5G, de l'Intelligence Artificielle (IA), de l'Internet des Objets (IoT) mais aussi de la télémédecine, des applications robotiques ou des véhicules autonomes, soutiendront la demande. L'utilisation de ces technologies en devenir devra être soutenue par une infrastructure (data centers, serveurs, calculateurs, etc.) solide et évolutive. 

Le secteur est actuellement en ébullition car des groupes comme Google, Amazon (AWS), Microsoft ou Samsung, en pointe sur l'intelligence artificielle, sont en quête de puces permettant d'accroître l'efficacité de leurs centres de données dans des tâches spécifiques. Par ailleurs, le secteur est en phase de consolidation. Après le rachat d'Arm par Nvidia pour 40 milliards de dollars en septembre, AMD a annoncé en octobre avoir conclu le rachat de Xilinx pour 35 milliards de dollars en actions. Parmi les prochaines cibles potentielles, se trouvent des entreprises comme Lattice, par exemple, une des toutes dernières sociétés spécialisées dans le segment des circuits logiques programmables. 

LA CHINE ET LES éTATS-UNIS CHERCHENT à GARDER LE CONTRÔLE

Preuve de l'importance des semi-conducteurs pour l'avenir, la Chine et les Etats-Unis se livrent une véritable «guerre des puces». Taïwan est en quelque sorte la ligne de front de ce conflit. Ce territoire indépendant mais toujours revendiqué par Pékin fabrique 70% des puces électroniques dans le monde. Il abrite notamment le principal sous-traitant de l'industrie, TSM. Ces derniers mois, la Chine s'est montrée de plus en plus menaçante vis-à-vis de Taïwan. De quoi inquiéter Washington, qui considère que sa suprématie militaire dépend notamment de sa supériorité technologique dans les puces électroniques, mais également des entreprises comme Apple, Qualcomm et Nvidia, qui sous-traitent leur production à TSM.

L'élément géopolitique que sont les terres rares est à surveiller de près.

Pour contrer cette menace, les Etats-Unis tentent d'augmenter leur production nationale. Donald Trump a tout fait pour inciter les fabricants de puces à accroitre leurs capacités de productions sur le sol américain et à ne plus importer depuis la Chine. En effet, si les vendeurs de semiconducteurs sont majoritairement américains, ils ne sont pas souvent des «fondeurs»: ils conçoivent et vendent les puces mais les fabriquent pas à proprement parler. Dans le cas d'un produit Apple par exemple, il est conçu par la marque à la pomme en Californie mais assemblé en Chine, en particulier la mémoire vive (RAM). C'est le cas pour Apple mais également pour de nombreuses autres sociétés américaines. Le gouvernement américain souhaite donc que la production se fasse majoritairement sur son territoire, une stratégie qui commence à porter ses fruits. 

Pékin pourrait toutefois répliquer en restreignant ses exportations de terres rares, composants incontournables des semi-conducteurs, vers les Etats-Unis. Cet élément géopolitique est à surveiller de près car si les relations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis s'amélioraient quelque peu avec l'arrivée de Joe Biden, les chaînes d'approvisionnement mondiales s'en trouveraient «sécurisées». 

Au final, le principal point noir du secteur des semi-conducteurs est qu'il n'est pas bon marché: ses ratios de valorisation sont élevés. La flambée des cours boursiers en 2019 et 2020 a été alimentée par une forte expansion des multiples, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou en Asie. Le segment se négocie maintenant à des primes importantes par rapport aux médianes historiques. La situation était identique en début d'année, lors de notre précédente analyse, et cela n'a pas empêché les sociétés cotées d'enregistrer de très belles performances. La thématique demeure porteuse.

Perspectives bénéficiaires dans le secteur des semi-conducteurs 

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