De hauts fonctionnaires de la BCE planchent sur la création d’un site internet pour vendre des prêts bancaires à risque (distressed).
Pour éviter une crise économique trop sévère, les Etats sont intervenus massivement. Cette stratégie, si elle s'éternise, finit par générer une perte de confiance généralisée. Les entreprises et les ménages en mauvaise santé financière sont dissimulés parmi celles et ceux qui sont parvenus à préserver leur équilibre financier. Le doute s'installe. Les banques hésitent à prêter, les entreprises rechignent à accorder des délais de paiements et les ménages accroissent leur épargne de précaution. Sans être identique, cette situation de défiance ressemble à la situation japonaise des années 90, où le manque de transparence vis-à-vis des crédits à risque avait engendré une paralysie du secteur bancaire. La crise s'éternisant, le Japon est alors entré en déflation et n'a pas véritablement réussi à en sortir depuis. Pour éviter une telle situation en Europe, la Banque Centrale Européenne (BCE) travaille déjà sur une batterie de solutions.
Le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, a récemment déclaré que «Bien que les effets de la pandémie sur la qualité des actifs ne soient que partiellement visibles dans les données initiales du premier trimestre, nous pouvons déjà voir les signes d'une aggravation de la situation en ce qui concerne les prêts non performants (NPL). Elle n'a pas encore entraîné une augmentation de ces prêts, mais ce n'est probablement qu'une question de temps. Il y aura un certain décalage avant que cela n'arrive. Nous ne voulons pas que ce type de prêts se retrouve dans le bilan des banques. L'histoire nous montre qu'il vaut mieux s'y attaquer tôt et de manière décisive. Nous allons maintenant travailler avec les gouvernements, les banques et les investisseurs de l'UE pour élaborer le plus tôt possible une stratégie globale visant à empêcher l'accumulation de prêts non performants.»
d'euros de prêts non performants.»
Dans le cas d'une reprise plus faible que prévu, le président du conseil de surveillance de la BCE Andrea Enria, estime que «nous pourrions voir jusqu'à 1'400 milliards d'euros de prêts non performants, un niveau plus élevé que ce que nous avons connu lors de la dernière crise. Nous devons donc nous préparer et c'est ce que nous demandons instamment aux banques de faire».
Faisant écho à ces commentaires, des hauts fonctionnaires de la BCE ont annoncé qu'ils travaillaient sur un site internet, ressemblant à Amazon ou eBay, en s'inspirant du site italien BlinkS, pour vendre des prêts bancaires à risque (distressed). Le volume de ces papiers est en forte augmentation avec la crise du coronavirus. La BCE souhaiterait ainsi ouvrir le marché aux petits acheteurs et éviter que ces créances douteuses soient stockées dans le bilan des banques ou rachetées à prix dérisoire par une poignée de fonds spécialisés dans ce domaine, comme lors des précédentes crises. Une étude de Deloitte a révélé qu'entre 2014 et 2019, sur les plus de 450 milliards d'euros de prêts vendus en Europe, la moitié a été achetée par Cerberus, Blackstone, Lone Star et Goldman Sachs. Cette stratégie est habituellement très profitable car les banques vendent ces dettes à risque avec un important discount. L'objectif pour elles est essentiellement de libérer leur bilan, afin de pouvoir accorder de nouveaux prêts et maintenir en vie leurs activités de crédit. Les fonds acquéreurs, parfois appelés fonds vautours, enregistrent ainsi de juteux profits.
c'est-à-dire les banques, la BCE aiderait ces dernières à préserver leur profitabilité.
La plate-forme de trading envisagée par la BCE permettrait d'accroitre le nombre d'intervenants sur ce marché et d'attirer des acheteurs plus petits, susceptibles de payer plus cher pour ces papiers. En favorisant une moindre décote pour les vendeurs, c'est-à-dire les banques, la BCE aiderait ces dernières à préserver leur profitabilité déjà structurellement malmenée par la faiblesse des taux d'intérêt, les contraintes administratives renforcées, la concurrence des fintechs, la suspension de leurs dividendes, la récente enquête sur les FinCEN files et prochainement la hausse des prêts à risque.
Les travaux de la BCE pour éviter une accumulation des Non-Performang Loans dans le bilan des banques commerciales est une bonne nouvelle pour le secteur. De là à être confortable pour un investissement de long terme, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Les vents contraires demeurent puissants. En revanche, pour les investisseurs de court terme dont l'aversion au risque est faible, le secteur présente un intérêt. La progressive diffusion du projet de la BCE dans les milieux financiers est capable de générer un rebond temporaire intéressant, notamment après le marasme des derniers jours suite à la publication des FinCEN files. Le secteur bancaire européen se traite désormais à 0,35 fois sa valeur comptable, un plus bas historique, bien loin de la parité. S'il mérite d'être faiblement valorisé, la décote est sans doute exagérée.