Les semi-conducteurs au cœur de la prochaine révolution industrielle

Thomas Fonsegrive, Marigny Capital

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Les analystes prévoient une année 2023 médiocre pour le secteur, mais tablent sur un fort rebond ensuite avec un objectif de ventes de plus de 1’000 milliards de dollars en 2030.

Les analystes prévoient une année 2023 difficile pour le marché des semi-conducteurs, dans un contexte récessionniste mondial de ralentissement des dépenses dans les biens de consommation discrétionnaires. Sans mettre en doute les compétences des prévisionnistes, 2022 nous a enseigné qu’ils font un métier particulièrement difficile. L’actualité entourant le secteur en cette fin d’année et un penchant certain pour la contradiction participent cependant à envisager un futur positif pour le secteur.

Je ne prendrai pas le risque de vous expliquer en détail le fonctionnement physico-électrique des semi-conducteurs. En revanche je peux vous rappeler que ce terme englobe l’ensemble des composants, tels que les puces («chips» en anglais), indispensables au fonctionnement de n’importe quel appareil électronique. On les retrouve naturellement dans les smartphones ou les ordinateurs, mais aussi dans les voitures, l’électroménager, les missiles et désormais les ballons de football. Dans à peu près tout en somme.

Ils sont largement composés de silicium (de sable donc), qui se dit silicon en anglais et qui a donné son nom à la célèbre vallée.

Le Covid a eu un double effet sur ce marché : une augmentation de la demande en composants en raison d’un besoin accru de travail à distance et d’équipements de loisirs des ménages, ainsi qu’une baisse de la production avec la fermeture des usines qui produisent ces puces. Principalement en Chine et à Taiwan, mais nous y reviendrons plus tard.

En 2020 le marché des semiconducteurs a ainsi augmenté de 8%, pour un chiffre d’affaires global estimé à 462 milliards de dollars d’après le cabinet Gartner.

Avec la contraction de l’économie mondiale annoncée pour 2023, et le ralentissement des ventes de smartphones et de PC annoncé au second semestre 2022 par Apple, Nvidia et Intel, le secteur n’a pas performé et la communauté des analystes attend une année 2023 sans saveur.

Ainsi l’indice SOX, représentatif du secteur avec en son sein les plus grosses capitalisation du secteur telles que Nvidia (422 milliards de dollars), le taïwanais TSMC (415 milliards) qui représente à lui seul 85% du marché des puces pour smartphones, ASML, Intel ou encore AMD, fait moins bien que le S&P depuis 2 ans.

Performance du Sox vs S&P500 depuis 2 ans

 

Pourtant, loin d’être en perte de vitesse, le secteur est au cœur des préoccupations économiques des dirigeants occidentaux puisque nous sommes encore dans une période où la demande en composants est supérieure à l’offre.

Ken Griffin, CEO du hedge fund Citadel, déclarait récemment que les US sont «totalement dépendants de Taiwan pour les semiconducteurs. Ils n’ont pas la capacité de produire le nombre de composants dont ils ont besoin pour faire fonctionner leur économie». On comprend mieux le soutien américain à Taiwan face à la convoitise de Pékin.

Par ailleurs, signe de l’importance stratégique du sujet, une des toutes premières sanctions prise à l’encontre de la Russie a été un embargo sur l’importation de semiconducteurs.

Mais plus important encore, au mois d’aout 2022 l’administration Biden a annoncé 2 plans de très grande envergure:

  • Le CHIPS and Science Act du 9 août: 280 milliards de dépenses sur 10 ans pour soutenir la production de semiconducteurs, et l’innovation dans les sciences de pointe comme les technologies quantiques, l’IA ou encore la transition énergétique sur le sol américain. Dont au moins 50 milliards seront investis dans la l’accroissement de la capacité de production de semiconducteurs d’après McKinsey.
  • L’IRA du 16 août: 369 milliards de dollars pour faire croitre le secteur des énergies propres et combattre l’inflation. Le secteur de la transition énergétique dépend très largement des semiconducteurs.

Ces 2 plans vont faire pleuvoir des milliards de dollars de subventions sur les entreprises, mêmes étrangères, qui produisent sur le sol américain dans les secteurs d’activités concernés. Cela pose d’ailleurs un problème pour l’attractivité et la compétitivité de l’Europe en la matière car pour l’instant elle ne propose pas un plan d’une telle envergure et craint de voir ses propres entreprises implanter une partie de leurs activités pour bénéficier de conditions exceptionnelles.

Et toujours pour démontrer l’importance de ces composants, le 7 octobre 2022 les USA ont restreint l’export vers la Chine d’outils servant à fabriquer les puces les plus récentes. Or c’est précisément un des enjeux de ce secteur que de créer des capacités de production supplémentaires pour faire face à une demande et une innovation sans cesse croissantes. Cela prend beaucoup de temps car il est alors nécessaire de créer de nouvelles usines. Trouver et négocier avec les états l’emplacement de la nouvelle usine, construire ladite usine, acheminer les ressources, élaborer et construire la ou les puces prend entre 2 et 4 ans.

Ainsi TSMC a revu à la hausse l’envergure de son implantation aux US puisqu’après avoir annoncé un investissement initial de 12 milliards, ce seront finalement 40 milliards de dollars qui seront investis sur plusieurs site en Arizona. Apple et Nvidia ont déjà annoncé qu’ils achèteraient les puces produites en Arizona.

Vous l’aurez compris, les puces sont une denrée particulièrement convoitée, et le seront davantage avec la part croissante de ces composants dans nos vies. Ainsi, les mêmes analystes qui voient le secteur avoir une année 2023 médiocre envisagent par la suite une croissance spectaculaire avec un objectif de chiffre d’affaires de plus de 1’000 milliards de dollars en 2030. Preuve de la solidité de la prédiction, Warren Buffett, pourtant connu pour son aversion pour les valeurs technologiques, a investi plus de 4 milliards de dollars dans TSMC au troisième trimestre 2022.

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