Les réseaux sociaux à l’heure de la maturité

Salima Barragan

3 minutes de lecture

Première partie. Décryptage d’une industrie passée de zéro à 50 milliards en 15 ans.

© Gerd Altmann, Pixabay

Révolutionnaires ou diaboliques, c’est selon. Chacun a son avis sur les réseaux sociaux. Quelles que soient les opinions, reste que plus de 3 milliards d’individus se connectent quasi-quotidiennement à l’une des plateformes. Les plus populaires sont devenues de véritables machines à profit sur le dos de leurs utilisateurs qui leur fournissent gracieusement des milliards d’heures de création de contenus. 

Dans une série en 3 parties, Allnews dresse le portrait d’une industrie passée en 15 ans de zéro à 50 milliards de dollars mais qui doit encore mûrir pour remédier à ses défauts de jeunesse. Dans un dernier volet, nous proposerons de découvrir quelques plateformes chinoises, très avancées technologiquement, mais non moins critiquables.

La success-story née dans une chambre d’université

Huit ans après sa création, Facebook crée la sensation lors de son entrée au Nasdaq en 2012. Avec l’équivalent de 18,4 milliards de dollars souscrits en actions, elle devient la capitalisation boursière la plus élevée jamais observée lors d’une IPO. Aujourd’hui, la firme a rejoint le club très fermé des capitalisations de plus de 1’000 milliards de dollars, en partie grâce aux revenus publicitaires. Sa base de 2,85 milliards d’utilisateurs lui confère une force de frappe formidable pour multiplier les opportunités d’investissement. 

En 2012, Facebook rachète, pour un milliard de dollars en cash et en actions, la plateforme de partage de photos et vidéos Instagram, «Insta» pour les initiés. Considéré comme le royaume des influenceurs, Instagram compte près d’un milliard d’utilisateurs et a été évalué par Bloomberg à plus 100 milliards de dollars moins de huit ans après. Cette plateforme très visuelle est rapidement devenue un relais de croissance juteux face à la popularité en déclin de Facebook, notamment auprès de la nouvelle vague de jeunes qui lui préfèrent aussi Snapchat, l’application de photos éphémères, et TikTok, un système de courtes vidéos dans lesquelles ils se mettent en scène et qui appartient à la société chinoise Bytedance. A noter, selon Instagram, plus de 90% de ses usagers suivent le compte d'une marque au moins, ce qui en fait un inépuisable réservoir de publicité. 

Facebook rachète en 2014 l’incontournable messagerie instantanée WhatsApp pour la somme record de 19 milliards.

Insatiable, Facebook rachète en 2014 l’incontournable messagerie instantanée WhatsApp pour la somme record de 19 milliards de dollars à la start-up éponyme dans laquelle le fonds d'investissement Sequoia Capital avait investi trois ans plus tôt la somme de 8 millions de dollars. Une participation qui sera valorisée à 3,6 milliards par Bloomberg lors de la transaction.

Des amendes comme s’il en pleuvait

Mais cette acquisition aura également coûté à Facebook la bagatelle de 110'000 millions d’euros en amendes pour avoir omis de divulguer, lors l’enquête sur le rachat de la messagerie au logo vert par la Commission européenne, qu’il était techniquement possible de lier les identités des utilisateurs des deux systèmes. Pour dire vrai, cette pénalité n’est que peu de chose vis-à-vis des 5 milliards que Facebook a payé dans le cadre du scandale de Cambridge Analytica qui a défrayé la chronique en 2016. Cette société de consulting britannique avait intercepté - par le biais d’une une application -, puis abusivement utilisé 87 millions de profils d’utilisateurs au profit de la campagne présidentielle de Donald Trump et du Brexit. Il faut bien admettre que Facebook fait très régulièrement l’objet de controverses. Si elles ne portent pas sur les questions relevant de la vie privée des utilisateurs, elles dénoncent les effets psychologiques du réseau tels que l'addiction et la dépression. Mais aussi la diffusion de fake news, de théories du complot, de discours de haine et de campagnes de désinformation. La dernière en date est une campagne russe contre le vaccin anti-COVID qui affirmait que certains vaccinés se transformerait en Chimpanzés. «La désinformation n’est pas toujours subtile», avait noté ironiquement le directeur d’un des services de cybersécurité de Facebook, qui se donne les moyens de combattre certains travers dont on l’accuse. Reste à savoir si une entreprise technologique peut vraiment être tenue responsable de la bêtise d’une frange d’utilisateurs? 

Destructeurs du tissu social?

Un documentaire récent de Netflix, The Social Dilemma, tirait la sonnette d’alarme sur la dangerosité des réseaux sociaux. Il dépeint les grandes entreprises technologiques comme destructeurs du tissu social. Pour Katherine Davidson, gérante de fonds chez Schroders la réalité est plus nuancée: «Je reconnais que les effets psychologiques des médias sociaux peuvent être néfastes, avec des modèles économiques qui se nourrissent de la dépendance et de la polarisation. Mais cela ne signifie pas que les entreprises technologiques et leurs produits sont tous toxiques, car les médias sociaux peuvent être bénéfiques et agréables s’ils sont consommés avec modération comme beaucoup d’autres choses. Il y a effectivement beaucoup à faire en termes de réglementation, mais aussi d'éducation».

Conscient des défauts de jeunesse de la plateforme pionnière, mais aussi visionnaire sur le futur des réseaux, Mark Zuckerberg, veut préparer sa société pour une nouvelle ère, celle des méta-univers ou métavers. Il s’agit de mondes parallèles peuplés d’avatars, similaires à ceux des jeux vidéo, à mi-chemin entre la réalité physique et virtuelle où les individus, équipés de casques immersifs, interagissent dans un cyberspace. D’ici 5 ans, le CEO de Facebook a prévu d’entrer dans ce monde très particulier.

Parlons valorisation

Passé de 31 dollars en 2012 à 339 en 2021, le cours de Facebook n’a cessé de surprendre les observateurs les plus sceptiques. Mais le succès de son modèle d’affaires basé sur la publicité en ligne est sans appel. Pour Richard Speetjens qui gère un fonds sur les nouvelles tendances de consommation chez Robeco, les actions des réseaux sociaux, qui traitent légèrement en-dessus de la moyenne de leur multiples, ne sont pas excessivement valorisées: «Ceux dont les revenus proviennent de la publicité ont affiché des performances étonnamment fortes. Nous avons observé une reprise de la publicité en ligne: les revenus se sont envolés de 40 à 60% sur les derniers trimestres».

Première partie d’une série en trois volets. 
La suite demain:
Evoluer pour remédier aux imperfections de jeunesse?

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