Les réseaux sociaux à l’heure de la maturité

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Deuxième partie. Evoluer pour remédier aux imperfections de jeunesse?

© Gerd Altmann, Pixabay

Révolutionnaires ou diaboliques, c’est selon. Chacun a son avis sur les réseaux sociaux. Quelles que soient les opinions, reste que plus de 3 milliards d’individus se connectent quasi-quotidiennement à l’une des plateformes. Les plus populaires sont devenues de véritables machines à profit sur le dos de leurs utilisateurs qui leur fournissent gracieusement des milliards d’heures de création de contenus. 

Dans une première partie, nous avons abordé Facebook, la success-story née dans une chambre d’étudiant à Harvard à laquelle il reste un long chemin à parcourir pour être en odeur de sainteté. Avec les années, les réseaux sociaux évoluent pour remédier à leurs imperfections de jeunesse et ont commencé à décliner différents modèles d’affaires. 

Dans un monde numérique qui évolue sans cesse, les applications se battent pour conserver leurs parts de marché. Et tous les coups sont permis. Après avoir copié sur Snapchat le concept de «stories», Instagram s’est ensuite inspiré du système de courtes vidéos de l’application chinoise TikTok, téléchargée 2 milliards de fois depuis sa création en 2016 et devenue virale pendant le confinement. Même Emmanuel Macron y apparait vêtu d’un t-shirt noir pour mener une campagne d’information à l’intention des jeunes. TikTok ne communique pas sur ses résultats car sa société-mère Bytedance n’est pas cotée en bourse. Bloomberg a néanmoins estimé que ses ventes en 2020 ont atteint 35 milliards de dollars US.

Twitter, l’oracle des marchés boursiers

Ce n’est pas la première fois qu’un réseau est employé à des fins politiques. Souvenez-vous des années Trump rythmées par ses tweets virulents, qui lui auront finalement valu une exclusion partielle des réseaux car, avec l’âge, ces derniers ne veulent plus être directement impliqués dans la vie politique. Mais malgré lui, Twitter s’est affirmé un indicateur de tendances boursières. Dans une note, IG Bank relevait: «Qu’en dépit des contraintes réglementaires pesant sur la bourse, Twitter s’est imposé comme un outil indispensable qui affole les marchés et qui réussit à prévoir efficacement les mouvements boursiers, contrairement aux sondages d'investisseurs et des grands médias traditionnels comme le Wall Street Journal ou CNBC». Porté par une actualité riche, son chiffre d'affaires s’est envolé de 74% pour atteindre 1,19 milliard de dollars au premier semestre.

Snapchat a perdu plus d’un milliard de valeur boursière suite au tweet d’une diva de la téléréalité.

Snapchat, qui a brassé 2,5 milliards de dollars cette année, en a fait les frais: la société a perdu plus d’un milliard de valeur boursière suite au tweet d’une diva de la téléréalité. Rappelons également l’armée de boursicoteurs amateurs qui, sur Reddit, a réussi à hisser le cours de l’action de Gamestop, une chaîne médiocre de jeux vidéo, de 5 à 325 dollars.

BitCloud, la mystérieuse bourse des célébrités

Ce n’est un secret pour personne, les réseaux brillent pour créer de la valeur grâce à leurs utilisateurs qui fournissent gratuitement des milliards d’heures de contenu numérique. Plus ce dernier est substantiel, plus la plateforme sera à même de le monétiser. En rupture avec ce modèle d’affaire initial, et inspiré du marché de l’art numérique, BitCloud, qui se présente comme un réseaux social décentralisé basé sur la technologie blockchain, permet de spéculer sur les créateurs de contenu avec de l’argent réel converti en cryptodevise de la plateforme, également nommé BitCloud. Le système est simple: l’achat d’une «pièce» de créateur vaut un prix à débourser en BitCloud, ce qui permet d'investir dans la cote de popularité d'une célébrité qui n’est cette fois-ci pas mesurée en followers ou likes intangibles, mais en espèces sonnantes et trébuchantes (enfin presque). Le BitCloud n'est inscrit sur aucune bourse de cryptomonnaies, mais une référence de la presse mondiale, le magazine New York a déjà évalué en avril dernier la plateforme à plus d'un milliard de dollars1. En juin, investir dans une «pièce» de Kim Kardashian vous coûtait 5’890,85 dollars.

OnlyFans, du matériel «pour adultes»

Sur le réseau OnlyFans, les créateurs de contenus sont rémunérés en fonction du nombre d’abonnés multiplié par le prix des abonnements - qui varient entre 4,99 à 49,99 dollars selon leur cote de popularité minorés d’une commission de 20% que le site perçoit sur chaque abonnement. Les créateurs ont perçu environ 5 milliards depuis la création du site. C’est le principe du pay-per-view de la startup anglaise qui avait originellement vocation à permettre aux fans d’accéder au contenu de leur idole. Ce modèle d’abonnement lui offre une belle visibilité sur ses revenus, mais contrairement à Instagram et Facebook, la plateforme n’a pas pris la peine de mettre en place un système de censure… et bien malgré elle s’est rapidement spécialisée dans le contenu érotique. 

Certains artistes y perçoivent également des pourboires plafonnés à 500 dollars pour des prestations photo ou vidéo à la demande. La mise à disposition de matériel numérique pour adultes, qui a connu un succès fulgurant durant le confinement suite à la fermeture des clubs de striptease, est un négoce tout à fait légal. Mais les sites controversés attirent difficilement les partenaires financiers…et OnlyFans qui cherche à lever un milliard de dollars tente de se repositionner en site grand public afin d’être pris au sérieux. Affaire (sulfureuse) à suivre…

Lire également la première partie: Décryptage d’une industrie passée de zéro à 50 milliards en 15 ans
Troisième et dernière partie vendredi 6 septembre. 

 

1 The Mysterious Influencer Stock Market Worth $1 Billion (https://nymag.com/intelligencer/2021/04/the-mysterious-influencer-stock-market-worth-usd1-billion.html)

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