Les paradis artificiels

Axel Botte, Ostrum AM

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Des «trous noirs» de la galaxie financière nés de l’indigence des politiques monétaires des années 2010.

Le contraste est saisissant entre l’effondrement des paradis artificiels des cryptomonnaies et le Krach à la hausse sur l’ensemble des actifs risqués après la publication de l’inflation aux Etats-Unis, inférieure aux attentes de 0,2pp (7,7% en octobre). La violence du rebond des actions est à la mesure des positions spéculatives vendeuses sur le S&P500 et du plongeon des rendements obligataires. Le T-note (3,81%) a effacé 40pb depuis la clôture du 7 novembre. Le Bund (2,16%) a suivi le mouvement mais les volumes étriqués de vendredi (Veterans’ Day, 11 novembre) ont favorisé les prises de profit. Les spreads de crédit ont accompagné cette embellie sur les actifs risqués, à peine freinés par un marché primaire chargé. Le high yield se resserre de 101pb depuis un mois. Le billet vert, baromètre ultime de l’aversion pour le risque, abandonne 4% (DXY), sous l’effet d’une révision des perspectives de hausses des Fed funds. L’euro-dollar repasse (1,035 dollars) s’échange au plus haut depuis le début de l’été.

Les symptômes de l’instabilité

L’effondrement de FTX, lâché par Binance après une «due diligence de 24 heures», constitue le dernier exemple en date de la fragilité de ces «trous  noirs» de la galaxie financière nés de l’indigence des politiques monétaires quantitatives des années 2010. Le canal de transmission monétaire était un tuyau percé. Les excédents de liquidité fuyant les rendements négatifs et les valorisations excessives ont trouvé chemin vers les actifs illiquides et, en dernier recours, l’innovation financière représentée par les cryptomonnaies et les NFTs. La pénurie d’actifs rentables a fait naitre toutes les folies. L’extrême sensibilité des marchés financiers à l’inflation et l’obsession du «pivot de la Fed» constituent aussi des symptômes d’instabilité. Les options à courtes échéances, terrain de jeu des investisseurs individuels l’an dernier, sont de plus en plus utilisées par les comptes institutionnels, au point de dicter la tendance des indices sous-jacents. C’est le monde à l’envers. Le positionnement consensuel sur le dollar américain favorise aussi un mouvement binaire commun à tous les actifs.

La saison des publications du troisième trimestre aux Etats-Unis est globalement meilleure qu’attendu, les chiffres d’affaires en hausse de 12% compensant les pressions sur les marges.

La publication de l’indice des prix à la consommation (IPC) était l’évènement occultant même la résilience surprenante du parti démocrate lors du scrutin de mi-mandat. L’inflation américaine ressort ainsi 0,2pp en dessous du consensus à 7,7% en octobre. La hausse mensuelle des prix de l’énergie (+1,8%) et de l’alimentaire (+0,6%) était attendue. La composante logement (+0,8%) n’intégrera qu’au printemps prochain le retournement de tendance actuel pour des raisons essentiellement méthodologiques. La surprise à la baisse provient des prix de la santé et, précisément, des prix de l’assurance santé estimés, une fois l’an, au travers des bénéfices non-distribués des assureurs. La hausse mensuelle moyenne de 2% sur l’année écoulée sera de -4% jusqu’en septembre 2023 et retirera environ 0,5pp à l’IPC.

Surprise sur l’inflation américaine

Les marchés financiers ont rapidement révisé la trajectoire des Fed funds effaçant la hausse supplémentaire justifiée par le discours de fermeté de Jerome Powell lors du dernier FOMC. Le point haut des Fed funds est désormais projeté à 4,75-5% au milieu de 2023. Le rendement à 10 ans s’est effondré de 40 pb à 3,81% sous l’effet des rachats de positions vendeuses avant le long weekend de Veterans Day. L’inversion de la courbe des taux atteint 52pb sur le segment 2-10 ans. A l’inverse, le spread 10-30 ans augmente de 12pb sur la semaine. En zone euro, le Bund termine la semaine en baisse de 14pb mais la séance de vendredi (+15pb) entretient une volatilité élevée. La décision de la BCE de relever à 250 milliards d’euros le plafond des prêts de titres contre des liquidités a initié un mouvement de resserrement des swap spreads à 79pb sur le Bund. Cette détente des swap spreads a bénéficié aux emprunts souverains.

La surprise sur l’inflation américaine a provoqué un Krach à la hausse sur les indices actions. Le contrat à terme sur le Nasdaq s’est immédiatement adjugé 5% puis encore 5% lors des séances de jeudi et vendredi. Le contexte est pourtant délicat pour les valeurs américaines de technologie en proie aux restructurations. La saison des publications du troisième trimestre aux Etats-Unis est globalement meilleure qu’attendu, les chiffres d’affaires en hausse de 12% compensant les pressions sur les marges. Toutefois, l’effet relutif des rachats améliore les métriques par actions. On projette jusqu’à 1000 milliards de dollars de rachats d’actions en 2022. En Europe, la faiblesse de l’euro gonfle les chiffres d’affaires (+25%) et la profitabilité moyenne (+21%) de l’indice Stoxx Europe.

La surperformance du crédit se poursuit. Les spreads se sont resserrés de 28pb contre Bund sur le mois écoulé. Il s’agit principalement d’un mouvement de swap spread mais la balance des flux est plus favorable désormais. Les émetteurs exploitent les dernières fenêtres de l’année pour placer leurs emprunts obligataires, avec des primes parfois élevées notamment sur les dettes financières. Le high yield connait également une embellie. Le spread moyen en zone euro s’est resserré de 101pb depuis un mois.

Enfin sur le marché des changes, le dollar se replie de 4%. Le yen respire enfin et bondit de 6% à 138 yens pour un dollar.

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