Les fondations du métavers s’érigent à vue d’oeil

Alexandre Stachtchenko & Stanislas Barthélémi, Blockchain Partner by KPMG

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Chronique blockchain. Après Facebook devenu Meta, l’acquisition d’Activision-Blizzard par Microsoft est révélatrice d’une tendance.

En octobre 2021, Facebook annonçait un pivot total symbolisé par le changement de nom en Groupe Meta avec à la clé un plan d’investissement massif sur 10 ans. Le terme de métavers arrivait de fait avec fracas sur le devant de la scène médiatique. Le terme est aujourd’hui couramment utilisé par les marques qui pour nombre d'entre-elles font part désormais de leur velléité de se lancer dans le sujet (Disney notamment) ou pour les plus avancées réalisent des acquisitions (comme Nike avec l’acquisition de RTFKT ou Microsoft avec celle de Blizzard).

Le terme métavers a ainsi gagné ses galons de «buzzword», reconnaissance suprême pour un concept dont la tangibilité s’évanouit à mesure qu’il est invoqué. Pourtant le terme remonte aux années 1990, et SecondLife en est une représentation certes préhistorique mais éclatante tout de même. 

Pour rappel, le métavers est l’idée que le temps que nous passons en ligne serait dans un monde en 3D plus immersif en mêlant réalité augmentée et réalité virtuelle, ou nos interactions sociales se tiendraient que ce soit au travail, dans une galerie d’art, pour jouer à un jeu-vidéo, et le tout avec de la valeur représentée par la diversité des cryptoactifs.  

Le problème n’est pas tant la technique (encore rudimentaire) que son utilisateur.

Derrière l’effet de mode et l'euphorie inhérents à toute révolution annoncée, une vidéo émanant de Wal-Mart a été raillé sur les réseaux sociaux qui faisait part d’une expérience peu probante en l’état ou nous pourrions faire nos courses en VR. La vidéo datait en réalité de 2017, et donc était une attaque vaine envers le concept. De plus, ces expériences sont souvent décrites comme dystopiques car ne répondant pas à un besoin encore défini ou inquiétantes pour la faculté supposée à faire fuir le réel. 

Ces deux accusations sont pourtant trop simplistes car fixistes, puisque le problème n’est pas tant la technique (encore rudimentaire) que son utilisateur. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme dit Rabelais. Avant l’apparition de l’Iphone et de son usage tel que nous le connaissons, la prédiction que nous passerions autant de temps dessus était audacieuse. 

L’idée de mode numérique fait débat dans cette même veine. Pourquoi diable devrait-on habiller son avatar (extension de nous-même) de vêtements de marque ou de tout autre objet différenciant? Pourtant, la fonction sociale du vêtement ou des apparats dans le monde réel n’est plus à prouver depuis la découverte des premiers bijoux sous forme de coquillages datant de -75’000 retrouvés en Afrique du Sud. Si nous passons de plus en plus de temps en ligne, et que nos réseaux sociaux quittent la 2D pour évoluer en monde 3D, est-ce vraiment ridicule? 

La tendance à acheter des «skins» c'est-à-dire des apparences pour personnaliser votre avatar dans un jeu comme Fortnite ou Roblox démontre le contraire et illustre déjà le terrain de jeu que cela constitue pour les marques. 

L’attente est aujourd’hui trop forte par rapport à la maturité du sujet et des briques constitutives du métavers type. En effet, les casques de réalité virtuelle ne sont pas encore assez démocratisés et encore bien trop chers, le matériel, que ce soient téléphones et ordinateurs grand public, ne sont pas assez puissants pour proposer une immersion pour tous, enfin, la couche technologique assurant les échanges de valeur sous toutes ses formes ne permettent pas encore d’être utilisées par des centaines de millions d’utilisateurs. 

Les tentatives existantes demeurent des prototypes, bien que commençant à être colonisés par des marques avec Adidas pour The Sandbox ou Sotheby’s et Samsung sur Decentraland. 

Un deuxième GAFAM souhaite entrer dans la danse: Microsoft.

L’appel d’air existe bel et bien pour construire ce monde numérique comme en témoigne la ruée vers les talents et autres architectes de ce monde que sont les développeurs. 

Outre Meta qui planifie de dépenser 10 milliards de dollars, et d’embaucher 10’000 personnes sur 5 ans (lire Meta: la mutation en un métavers nécessite un changement radical), un deuxième GAFAM souhaite entrer dans la danse: Microsoft.  

A ce titre, l’acquisition de Blizzard par Microsoft provoque un certain retentissement par le montant de cette acquisition tout d’abord avec presque 70 milliards de dollars mais aussi par la volonté affichée d’obtenir par ce biais une porte d’entrée vers le métavers.

Les licences de Blizzard sont fortes avec une histoire et un «lore» très développés via différents supports (livres, films, jeux, etc…) avec Warcraft ou Starcraft en guise d’exemple. De plus, les jeux vidéo et les 3 milliards de joueurs au global proposent déjà une expérience proche de ce qui est décrit avec le métavers. Le dépaysement pour ces joueurs est faible, étant donné que sur World of Warcraft, le jeu proposait de faire monter en niveau son avatar dans un monde 3D, de l’habiller pour se protéger et paraître élégant, de trouver des objets rares, que l’on pouvait revendre à travers une économie (fermée certes) propre au jeu et à sa monnaie : les pièces d’or. De surcroît, la dimension communautaire et les interactions sociales constituent le cœur de ce jeu dont le genre se nomme MMORPG (jeu de rôle massivement multijoueur) avec des guildes pour groupes de personnes dont l’intérêt est aligné pour réaliser les quêtes en collectif (lire DAO: nouvelle forme d’organisation des communautés sur internet). Au total, ce seul jeu parmi les nombreuses licences de l’écosystème Activision-Blizzard aura attiré presque 100 millions de joueurs issus de 244 territoires différents (pays, et lieux différents).

La course au métavers est donc lancée avec autant les GAFAM que les initiatives crypto-natives (à l’immobilier numérique limité ou non) avec Decentraland, The Sandbox, CryptoVoxel ou Nifty Island. Ces deux typologies d’acteurs n’ont pas la même philosophie, entre des acteurs qui ont concentré les services pour régir notre vie numérique pour une expérience utilisateur optimisée, contre des communautés plus ouvertes, et plus idéologiques par essence. 

La résultante probable: une galaxie de métavers qui auront chacun leur spécificité, leur degré d’ouverture et d’interopérabilité, mais surtout, organiques comme le sont les réseaux sociaux avec une croissance, et un déclin pour laisser place à d’autres mondes…  Avant une éventuelle concentration? 

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