Meta: la mutation en un métavers nécessite un changement radical

Alexandre Stachtchenko & Stanislas Barthélémi, Blockchain Partner by KPMG

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Chronique blockchain. Facebook devient Meta et souhaite développer un Métavers aux inspirations cryptos à peine voilées. Les GAFAM sont-ils solubles dans l’internet de la valeur?

Le Métavers est une notion créée par l’auteur Stephenson dans un livre de science-fiction datant de 1992. Il s’agit d’un monde entièrement numérique ou interconnecté au monde réel et augmenté d’objets numériques. Ce concept renvoie notamment à Second Life qui a connu son âge d’or et son déclin au début des années 2000 mais que l’on retrouve aujourd’hui dans le Jeu Vidéo avec par exemple Roblox. 

Dans un monde numérique théorique, vous pouvez travailler (évidemment), visiter un musée, jouer au casino, rencontrer d’autres avatars (prolongement de vous-même), entre autres expériences. En somme, la page Facebook que l’on connaît passe de la 2D à la 3D à l’heure ou la moitié de l’humanité sont des utilisateurs réguliers d’internet et un quart des joueurs de jeux vidéo. Le terreau est fertile. 

Tout réseau social étant mortel, Meta, dont l’image pâtit fortement des scandales successifs, tente donc de se réinventer afin de prolonger son momentum.

Facebook décide donc de faire pivoter son groupe afin d’être une «metaverse company» comme indiqué par Mark Zuckerberg à l’été dernier comme un aboutissement de la stratégie des dernières années. 

Cette stratégie est de s’attaquer peu à peu à chacune des briques composant un Metaverse fonctionnel:  

  • L’achat de la société Oculus qui propose des casques de VR remonte à 2014, 
  • La volonté de créer un bac à sable pour créer une expérience sociale en VR (proto metaverse)
  • Une Marketplace de ventes intégrée à Facebook
  • Une «cryptomonnaie» dite Libra renommée en Diem et un portefeuille numérique Novi
  • Des produits financiers comme en Inde avec des prêts aux entreprises en cours de test

Tout réseau social étant mortel, Meta, dont l’image pâtit fortement des scandales successifs, tente donc de se réinventer afin de prolonger son momentum. De ce fait, les moyens alloués au projet sont colossaux avec 10 milliards de dollars par an et le souhait de recruter 10’000 personnes dans cette optique. 

Toute la question est de savoir si Meta et les autres GAFAM sont en capacité de modifier profondément leur ADN pour faire du pari de la transition vers un modèle de métavers : un succès

La croissance du secteur des cryptos et de l’internet de la valeur sont autant de signaux qui poussent les GAFAM à agir: 

  • Un volume de ventes de NFT d’environ 15 milliards de dollars comprenant tous types de NFT (art, finance, jeux dits play to earn, etc..) 
  • Plus de deux millions de personnes sur la liste d’attente pour le lancement de la marketplace de NFT de Coinbase contre 600’000 utilisateurs d’Open Sea depuis le lancement
  • Des marques comme Coca Cola ou Sotheby's qui s’emparent du sujet métavers sur des mondes émanant de l’écosystème crypto avec Decentraland ou TheSandbox

L’internet de la valeur propose déjà des projets de métavers, cryptonatifs fonctionnant avec une gouvernance ouverte, sans suspicion de vente des données, agnostique du matériel utilisé pour se connecter, aisément interconnectable avec d’autres mondes et avec une économie du contenu respectueux de la propriété. 

OpenSea peut perdre de sa superbe bousculée par une alternative qui proposera des frais moins élevés ou des caractéristiques en plus.

A ce titre OpenSea prélève 2,5% sur chaque transfert mais laisse la propriété des actifs aux utilisateurs, bien loin de la politique actuelle des marketplaces traditionnelles dont les frais vont de 15% sur Airbnb à 30% de commissions sur les applications des app stores pour Google et Apple. Les utilisateurs sont captifs de ces plateformes alors qu’OpenSea peut perdre de sa superbe bousculée par une alternative qui proposera des frais moins élevés ou des caractéristiques en plus. 

L’existence des alternatives est ce qui met en défaut la volonté de Facebook de tout internaliser dans le projet d’être une «metaverse company» avec la couche hardware, la plateforme ainsi que les applicatifs. Nécessairement, pour que cette stratégie soit gagnante, ils ne devraient pas ouvrir leur monde au reste des mondes existants transposant ainsi le caractère de captivité de l’utilisateur du web traditionnel à celui de l’internet de la valeur. Même chose pour Apple dont on connaît le fonctionnement en silo de leur écosystème de produits par rapport au reste du marché. 

Les GAFAM et entreprises du web traditionnel ne peuvent faire fi des caractéristiques d’interopérabilité, d’ouverture et d'alignement des intérêts entre utilisateurs et créateurs de contenus d’autant que des questions de souveraineté, et de pertes de confiance dans le modèle se posent à leur propos.

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